Un nouveau cycle – Rencontre avec Eric Karsenty, correspondant à l’Académie des Beaux-Arts 9 septembre 2024
Sous la Surface – Rencontre avec Christoph Wiesner, directeur du festival des Rencontres d’Arles 2 septembre 2024
La Part des Femmes publie une étude de cas visant à changer la lecture et la production des portraits de presse 1 juillet 2024
Masterclass Oeildeep : Maroc, Marrakech, Meknès, Mamicha, Moi… Michèle par Michèle Demier-Fabre 5 juillet 2024
Barcelone : MACBA et l’activiste pionnière Mari Chordà, CCCB et le mythe de la banlieue américaine 1 jour ago
Partager Partager Temps de lecture estimé : 21minsPour la quatorzième édition consécutive, l’association Fetart organise le festival Circulation(s), une manifestation dédiée à la jeune photographie européenne. Du 6 avril au 2 juin 2024, ce sont 24 photographes issus de 14 pays européens qui seront exposés au Centre-Quatre à Paris. Cette année, c’est l’Ukraine qui est mis à l’honneur avec l’organisation d’une exposition focus autour de quatre jeunes photographes. Découvrez dès à présent les photographes sélectionné·es suite à un appel à participation. Jérémy APPERT (FRANCE) Ilinx L’été, des bandes de jeunes se défient au fil des semaines, à sauter de toujours plus haut, coûte que coûte, même lorsque la Méditerranée déferle. Je m’intéresse ici à ce lieu de confrontation, où seules vagues et pesanteur font loi, et forment un rite initiatique autodéterminé, une quête ordalique où ils cherchent à tracer leur chemin au sein du vertige pour acquérir un sentiment intime de maîtrise, de toute-puissance, de sortie de soi. Ainsi suspendus entre tourment et extase, agitation et contemplation, ils s’ancrent dans l’immensité libératoire des éléments, et se remémorent leur relation primaire et ancestrale au monde. Dans cette quête de sensations immémoriales, ils se déplient avec l’éternité, nous invitant à prendre conscience que nous aussi, portons au fond de nous, cette empreinte des origines. Lyoz BANDIE (FRANCE) La Peau du prénom Audrey BLUE (IRLANDE DU NORD) This Hurts Cette série documente l’intimité, la fragilité et l’existentialisme tout en examinant ma propre existence lesbienne. Elle s’inscrit dans le paysage d’une Irlande du Nord encore conflictuelle et dans sa relation divisée avec l’homosexualité. En partie, je me fais passer pour d’autres ; l’idée de l’autre parfait ou désiré, un accès de rage féminine queer associé à des problèmes d’identité, se rapprochant des clichés de l’enfance, tandis que l’engourdissement et la libération tâtonnent ensemble pour créer des environnements tendres à l’arrière-goût souvent amer. Jules BOURBON (FRANCE) Capsules / Portraits #44 Je réalise de courtes vidéos. Conçues comme des objets isolés, des capsules, elles ne durent que quelques minutes, voire quelques secondes. La pratique de l’écriture est la colonne vertébrale de mon travail. Elle jaillit par bribes, fragmentée, et se condense dans les notes de mon téléphone avant de devenir un récit, une auto-fiction. Elle se constitue de petits détails soit-disant insignifiants, qui, réunis, font écho, éveillent souvenirs et imaginaires, et dessinent les premiers fils de trames narratives à investir. Les images filmées sont des instants triviaux, parfois des portraits, et la plupart du temps, des lieux de passages, de flux. En creux d’une expérimentation littéraire et plastique du quelconque et de l’ordinaire, du vulgaire ou du commun, mon but est de nous plonger dans un état sensible de « là où il ne se passe rien. Glauco CANALIS (ITALIE) The Darker the Night, the Brighter the Stars « The Darker the Night, the Brighter the Stars » est une ode à la jeunesse qui grandit dans des contextes difficiles. Ce projet documentaire à long terme explore la culture des jeunes dans le quartier de Torretta, à Naples, à travers la célébration traditionnelle du feu de joie connue sous le nom de Cippo di Sant’Antonio. Issu d’une tradition païenne où les paysans construisaient des feux avec des déchets domestiques pour célébrer la fin de l’hiver et chercher une protection pour la nouvelle année à venir, ce rituel a aujourd’hui évolué en un jeu dangereux, cachant naïvement des tropes de criminalité systémique et des attitudes territoriales typiques de la région. Des groupes d’enfants âgés de 6 à 16 ans descendent dans la rue cagoulés, volent des arbres de Noël et d’autres objets, gardent le butin dans des zones secrètes de leur territoire et s’engagent dans des batailles avec des gangs de quartiers rivaux, jusqu’au jour de l’incendie. Ce groupe démographique est confronté à des problèmes communs tels que le taux élevé d’abandon scolaire, le chômage, les grossesses chez les adolescentes et la faible criminalité, ce qui donne une dimension politique à cette classe ouvrière sous-développée. Luca DE JESUS MARQUES (FRANCE) Genealog.IA N’ayant que peu d’informations sur mes ancêtres et aucune photographie d’eux, j’ai tenté de recréer ces images qui n’ont jamais existées et d’imaginer ce à quoi ils ressemblaient. Après avoir entrepris des recherches généalogiques, j’ai décidé d’utiliser une intelligence artificielle pour générer ces portraits. Je me suis basé sur mon propre visage, que j’espère avoir hérité de caractéristiques physiques qui leur appartiennent. J’ai également ajouté des détails sur leur physique, tels que la couleur de leurs yeux et de leurs cheveux, etc. Une fois les portraits générés, je les ai retouchés pour les rendre plus photoréalistes. Je les ai ensuite tirées avec les procédés photographiques anciens qui correspondent à l’époque à laquelle la photo aurait dû être prise. Fig DOCHER (FRANCE) Balancing Acts Balancing Acts confronte les critères de contenu de la photographie, tels que l’authenticité, la vérité et le pathos, à ses dimensions commerciales en tant que technologie de consommation. À l’heure où les préoccupations environnementales et la représentation des minorités sont fortement fétichisées dans l’art et la photographie en Europe francophone, il est crucial d’explorer non seulement le pouvoir de la photographie en tant que médium, mais aussi sa complicité en tant que technologie. À cette fin, Balancing Acts utilise des publicités d’appareils photo, des conférences TED, la théorie de l’image et Lady Gaga. Hyper-contemporaine dans son utilisation du compositing et du mashup, et s’adressant à la fois aux professionnels de l’image et aux amateurs, la vidéo génère une constellation de questions : d’où viennent et où vont les matériaux des technologies photographiques ? Quelles sont les relations entre la surveillance et la photographie grand public ? Comment, en tant que photographes et en tant qu’utilisateurs, pouvons-nous cultiver l’ambivalence face à la photographie et nuancer nos positions ? Lars DYRENDOM (DANEMARK) Isbjørn/Polar bear L’ours polaire est devenu un symbole national de l’appartenance du Danemark au Nord, un symbole de la qualité danoise et associé à l’idée du design danois, comme la sculpture en porcelaine la plus vendue de Royal Copenhagen ou le logo de Nordisk Film. Mais en consultant les archives nationales, l’ours polaire semble être mort, tué par l’homme qui a conquis ce monde de glace. Depuis plus de trois cents ans, le Groenland appartient au Danemark, d’abord en tant que colonie, puis en tant que province danoise depuis 1953. Le Groenland et les îles Féroé ont été intégrés au royaume danois par le biais d’un amendement constitutionnel. Cette mesure a été mise en œuvre grâce à un engagement des Nations unies qui, à la même époque, ont travaillé intensément sur la décolonisation. Mon travail s’articule autour des archives et des collections danoises, qui ont été collectées par des Danois et qui concernent ou touchent le Groenland. Je travaille en dehors de mes propres idées préconçues et préjugés en tant que Danoise qui n’est jamais allée au Groenland. Quentin FROMONT (FRANCE) Croupir dans la chaleur des autres Croupir dans la chaleur des autres explore une dérive à travers le mythe du sommeil éternel d’Endymion. Dans un été intemporel apparaissent des hommes, des soldats, des lutteurs, dont les corps se déforment et s’entremêlent pour créer des tableaux inspirés de scènes antiques. Les personnages en perpétuel mouvement, évoquent un danger latent. Les images, pareilles à peintures, floues et insaisissables, révèlent le caractère fantasmatique de ces scènes. Le projet explore à travers la fiction de nouveaux mondes où le désir est omniprésent. L’érotisme se devine plus qu’il ne s’impose, dans les formes des éléments naturels et les corps vaporeux émergeant des encres qui semblent comme couler. Dans l’obscurité du rêve, les limites entre fantasmes et réalités deviennent floues. Natalia GODEK (POLOGNE) Rebels Les images qui en résultent témoignent de la détermination, de la force et de l’énergie déployées dans les différentes actions des militants pour le climat. Des années de pétitions, de marches et de lettres ouvertes n’ont pas donné de résultats suffisants, car des intérêts politiques et économiques profondément ancrés ont fait obstacle au changement. Nous en avons assez. Nous n’avons plus de temps à perdre. Notre approche est donc la rébellion et la désobéissance civile non violente. Nous mobilisons le public et attirons l’attention des autorités pour imposer un changement systémique. Lors de différentes actions, je réalise un portrait collectif des manifestants à l’échelle 1:1. Je présente des matériaux enduits d’une émulsion sensible à la lumière, sur lesquels les activistes sont directement placés. Ces cyanotypes sont donc aussi un témoignage d’espoir – espoir de changement, espoir d’un monde meilleur et espoir de vie. Il est temps d’agir. Utu-Tuuli JUSSILA (FINLANDE) Härmä / Hoar Ma grand-mère a vécu jusqu’à 94 ans (1925-2019). Elle souhaitait également vivre seule les dernières années de sa vie dans sa maison de campagne à Ylihärmä, en Finlande. La maison est située à des kilomètres de la ville la plus proche. Elle souffrait d’une maladie d’Alzheimer à un stade précoce, c’est pourquoi elle imaginait parfois que des étrangers visitaient la cour ou le sous-sol. Une caméra de surveillance à détection de mouvement a été installée pour garantir que les intrus seraient détectés. Finalement, la caméra a fini par surveiller ma grand-mère. Les images des caméras de surveillance constituent le matériau de cette série. Dans ces films, ma grand-mère effectue des travaux de jardinage répétitifs au crépuscule de sa vie jusqu’à ce qu’elle n’apparaisse plus sur les images. La cour ne se vide cependant pas, mais la vie après la présence humaine continue. Tom KLEINBERG (FRANCE) Forgotten in the dark L’œuvre explore l’univers marginalisé des communautés ballroom et la métaphore des individus queer invisibilisés. Telles des créatures nocturnes, ces ombres égarées dans l’obscurité, sont réduites au silence, marginalisées par les normes sociales diurnes. Ce mouvement, créé par et pour les personnes LGBTQ+ racisées, issues des communautés noire et latino, tire son origine des compétitions de danse et des défilés de mode, connus sous le nom de « balls », qui ont émergé dans les années 1960 à Harlem, New York. Par le film et la série photographique, l’œuvre brise cette obscurité oppressive en documentant les espaces vécus par les personnes queer dans les communautés ballroom de Séoul et de Paris, et leur offre une tribune pour exprimer leurs vérités à travers la danse, leur donnant ainsi une voix puissante et les rendant visibles au jour. Luna MAHOUX (FRANCE) Logobi tu nous manques L’exposition est un hommage au Logobi, une danse (devenue ensuite un mouvement culturel) originaire de Côte d’Ivoire. Les chorégraphies sont généralement humoristiques, allant de la mimique des menottes à la représentation des symptômes de la grippe aviaire. Le Logobi est passé d’une danse locale ivoirienne à un engouement de la jeunesse noire française des classes populaires dans les banlieues de Paris à la fin des années 2000 et au début des années 2010. Les danseurs rejoignaient des groupes et se produisaient dans les stations de métro, les centres commerciaux et même dans la rue. Ils établissent une éthique de club à une époque où les clubs les rejettent et où les centres de jeunes sont en faillite ou fermés pour cause d’austérité. Dans une culture où le daltonisme et l’assimilation sont institutionnalisés, ces manifestations de joie africaine étaient des actes de résistance. Diambra MARIANI (ITALIE) We can’t imagine the length of time it took to make the universe Ce projet est un hommage au poème « 8 Moons » écrit par Sharon Olds. Je suis fascinée par l’idée de créer un lien entre la littérature (en particulier la poésie) et la photographie. Mon but est de mettre en scène un poème visuel, indépendant du texte, qui s’en inspire et s’en enrichit. Ma recherche de la beauté peut être lue comme une échappatoire à la brutalité du monde contemporain et comme un rite d’exorcisme visant à gérer la peur de l’avenir. Giulia SIDOLI (ITALIE) Working on my Tan: The Ultimate Tanning Guide J’ai toujours considéré la plage comme une utopie, que je fantasme de loin tout au long de l’année. Les mots « vacances d’été » évoquent des rêves de plages scintillantes, de soleil brûlant et de bronzage doré parfait. En grandissant, j’ai remarqué à quel point les femmes de ma culture accordaient de l’importance au bronzage, et le désir d’avoir une peau bronzée et éclatante était presque universel. Même maintenant que je suis plus âgée, revenir de vacances à la plage sans être bronzée me semble être un faux pas. Mais en regardant de plus près les rituels et les routines que moi-même, mes pairs et de nombreuses Italiennes pratiquons pour obtenir ce bronzage, j’ai commencé à m’interroger sur ce qui était considéré comme un comportement « normal » et « acceptable » face au soleil. J’ai cherché à dépeindre ces rituels de manière satirique à travers une esthétique exagérée, afin de remettre en question la croyance commune selon laquelle ces pratiques visant à obtenir un bronzage parfait sont réellement saines. Maria SIORBA (GRÈCE) Blank Verse Blank Verse est un projet de recherche obsessionnelle de la vérité sur les autres et en nous-mêmes. Il s’inspire d’un sentiment mélancolique de ne pas pouvoir faire confiance ou comprendre quelqu’un et de la question de savoir si, en cas de difficultés à voir clair, c’est l’environnement qui nous ment ou nos sens. Les mages, à travers le symbolisme et le langage poétique, parlent de la nécessité d’autres mécanismes de vision pour nous aider à acquérir l’équilibre des connaissances autour de notre sens de soi – en se référant parfois aux yeux/opinions des autres – et à quel point la perception du monde est une acte d’échange. Avec la photographie, l’appareil photo, à nos côtés, devient notre outil personnel de « test de réalité » avec lequel nous pouvons aborder ces questions de manière créative et proposer notre propre voyage de découverte, en espérant qu’il résonne avec les autres à un niveau significatif. Dora TISHMANN (SERBIE/FRANCE) And there was light J’ai cherché à développer une technique où la lumière matérialise une réalité invisible des choses qui nous entourent. Dans la chambre noire, j’ai mis en place un processus où des rayons d’électricité heurtent, telle la foudre, des végétaux, des minéraux, des formes, des objets. La pellicule – un plan film 4×5 permet de capter cette manifestation furtive sous forme de photogramme. La lumière agit comme révélateur d’une dimension cachée, ordonnée, harmonieuse, d’une géométrie de l’univers. A travers ce processus, je façonne un cosmos intérieur où une feuille se décompose en cellules, se transforme en galaxie. L’infiniment petit et l’infiniment grand se fondent. Sasha WIELICZKO (BIELORUSSIE) State of denial Je m’appelle Sasha et je suis une exilée politique de Biélorussie. Dans mon pays, règne une dictature répressive qui supprime la liberté d’expression. Les médias contrôlés par le gouvernement dissimulent des informations sur le nombre croissant de détenus politiques, le taux alarmant de disparitions et l’inefficacité des lois et de la constitution à protéger les droits des individus. Dans mon projet, j’explore le phénomène de la vie quotidienne numérique à travers l’interaction entre les canaux humains et médiatiques. La société contemporaine, remplie d’innombrables distractions rivalisant pour attirer notre attention, est devenue monnaie courante pour détourner notre regard des images qui évoquent un inconfort. L’ensemble de l’œuvre est divisé en deux parties. La première partie contient une sélection d’histoires absolument absurdes et effrayantes de détentions en Biélorussie. Je les ai recherchés et créé des photographies mises en scène basées sur ces histoires. Dans une deuxième partie, j’utilise les titres d’actualité parus à la date précise de ces arrestations. Le réseau neuronal a utilisé le titre de chaque actualité comme entrée pour générer les images correspondantes. De nombreux articles de presse hors de propos et étranges ont été publiés coïncidant avec les dates d’arrestation. Pour résoudre ce problème, j’ai organisé une série de 12 articles d’actualité pour chaque cas de détention ou de procès. Mon objectif est de démontrer comment l’agenda cherche à détourner notre attention des questions cruciales. De plus, je souhaite explorer notre tendance à éluder les problèmes importants et à occuper notre esprit avec du contenu de divertissement superflu. Par conséquent, j’ai trouvé insupportable de regarder les terribles nouvelles en provenance de Biélorussie et j’ai commencé à remplir cet espace de divertissement, mais le sentiment de culpabilité grandissait de jour en jour. Masha WYSOCKA (BELGIQUE / ESPAGNE) Truth is Stranger than Fiction Le projet explore les notions de vérité, de mensonge et de propagande pendant la guerre froide. J’ai travaillé avec deux fonds d’archives des Blinken Open Society Archives (Budapest, Hongrie). La première collection d’archives est une série de « rapports de terrain » de Radio Free Europe/Radio Liberty Research Institute. Ces rapports ont été recueillis grâce à des entretiens avec des Hongrois ou ceux qui ont eu accès à la Hongrie communiste dans les années 1950. La deuxième collection d’archives est constituée de photographies amateurs des années 1980. Ces photographies ont été rejetées par la société nationale hongroise de développement photographique, Főfotó, pour des raisons techniques ou politiques. A travers l’arythmie, je cherche à briser la cadence de lecture pour questionner la fonction illustrative que l’on attribue à la photographie et mettre en évidence l’ambiguïté du rapport fictif entre images et textes. Amin YOUSEF| (IRAN) Eyes Dazzle as They Search for The Truth Depuis 2019, le festival Circulation(s) met à l’honneur dans le cadre de son focus une scène photographique européenne émergente particulière. Les précédents focus étaient dédiés à la Roumanie, la Biélorussie, au Portugal, à l’Arménie et la Bulgarie. Pour cette 14e édition, l’invitation est donnée à l’Ukraine avec la présentation des séries de quatre artistes issu·es de ce territoire : – Maryna BRODOVSKA – I joke therefore I am Le projet est basé sur l’expérience que j’ai vécue dans une morgue pendant les trois premiers jours de la guerre russo-ukrainienne. Je me suis cachée là, à l’abri des bombes et des combats de rue, de la peur et de l’ignorance de la suite à donner à ma vie, que j’avais soigneusement construite, et qui s’est achevée en un jour. J’essayais de me cacher de la mort, assise silencieusement juste devant son nez. Malgré cette décision étrange et surréaliste de me cacher dans le sous-sol d’une morgue de Kiev, cela a fonctionné. Cela m’a aidé à voir la beauté de chaque seconde de la vie. Cela m’a donné l’espoir de traverser cette période difficile. J’apprendrai à vivre, à aimer et à rire à nouveau, en regardant droit dans l’abîme de la mort, sans crainte. – Lisa BURKEYEVA – Don’t look at the Pain of others « La guerre entre l’Ukraine et la Russie, en particulier après le début de l’invasion à grande échelle du 24 février 2022, est peut-être la guerre la moins censurée de l’histoire de l’humanité. Tout le monde peut voir l’illustration du front, les conséquences et la mort presque en ligne. Mais les réseaux sociaux cachent souvent des contenus et installent des filtres pour les publics de différents pays. Le monde entier voit-il ce que les Ukrainiens voient ? Comment notre vie est-elle devenue un contenu sensible ? Dans mon travail, j’archive les nouvelles que nous voyons tous les jours. Les nouvelles du pays dans lequel il est impossible de vivre. Tout comme il n’est pas possible de réaliser toute cette horreur. Au cours de l’été 2022, j’ai été sincèrement étonné que seuls les Ukrainiens voient les nouvelles que les Ukrainiens voient. Aucun média au monde ne veut bombarder ses téléspectateurs de tragédies en direct. J’y vois un déni infantile de tout ce qui est mauvais, mais cela ne marche pas. C’est pourquoi il m’a semblé important de documenter non seulement les nouvelles et les événements, mais aussi le choix de ne pas s’en rendre compte. » – Yevheniia LAPTII – “Okotolok” when scary tales turn into reality « Okolotok est un vieux mot ukrainien qui désigne un village fermé, une sorte d’État dans l’État. Cette histoire parle d’un village où ne vivent que des enfants. Ils ont leur propre roi fou, leur propre bouffon qui rêve de s’emparer du pouvoir dans le royaume, et une princesse qui ne sort jamais au soleil et ne vit que dans l’ombre. C’est une histoire d’images allégoriques qui émergent de l’enfance, parce que l’enfance est un refuge pour la fantaisie, les rêves, l’illusion, l’amour et l’amitié, mais les contes de fées ne sont pas toujours bons et sont parfois peuplés de monstres et de démons. Le cercle de ce projet s’est refermé lorsque les troupes russes sont entrées dans mon village réel, non fictif. Le 24 février, j’ai vu une colonne de chars russes marcher sur Kharkiv. La première fois que le roi fou m’a vraiment souri. Des bouffons en uniforme militaire nous ont dit : « Tout ira bien, il suffit de passer de notre côté ». La réalité s’est révélée plus terrible que les effrayants contes de fées. L’Okolotok est devenu une réalité. » – Dima TOLKACHOV – Boats / Faces / Safe threat Boats (Bateaux) Un paysage marin est un lieu de calme. Mais pas quand vous savez qu’il y a des navires de guerre russes qui vous visent avec leurs canons au-delà de l’horizon. La guerre transforme les choses que vous aimez en quelque chose qui vous inquiète. Parfois, l’invisible est plus effrayant que ce qui se trouve sous nos yeux. La recherche du danger potentiel est écrasante : est-il là ou pas, est-il là ou pas, est-il là ou pas ? Cette boucle mentale ne peut jamais vous assurer de la présence ou de l’absence d’une menace. Pour tenter de mettre fin au doute et de dépasser la peur, j’essaie de le voir. Et il semble que c’est le cas. Je commence à respirer dans mes mains, assemblées en forme de bateau, pour me calmer. Mon souffle se fond dans le murmure des vagues et, pendant un instant, il semble donner aux bruits de la mer leur signification apaisante originelle. Faces (Visages) Nos ancêtres préhistoriques devaient reconnaître instantanément les menaces. Seuls ceux qui maîtrisaient la détection des yeux des prédateurs dans l’herbe épaisse ont survécu. Désormais, leurs descendants peuvent voir des visages sur des objets aléatoires. Cette compétence qui sauve des vies semble désormais être une bizarrerie de l’esprit, appelée paréidolie. Nous percevons deux points et une ligne comme un visage et interprétons même des émotions particulières : le bonheur, la colère, la douleur. Lorsque les Russes ont fui la région de Kiev, je me suis rendu à Irpin, une ville voisine de Bucha, pour photographier les traces de l’invasion. J’avais l’impression d’avoir du mal à approcher les gens qui ont été témoins de l’occupation. J’ai donc tenté de trouver des signes métaphoriques de la guerre. Sur les surfaces qui ont souffert des explosions de bombes, j’ai remarqué des visages paréidoliques formés par des éclats d’obus. Prendre leurs portraits est devenu ma façon de montrer les conséquences de la guerre sans empiéter sur l’espace personnel des autres. Safe Threats (Menaces sûres) En août 2022, les autorités de Kiev ont organisé une exposition de machines militaires russes détruites. En marchant dans les allées des chars incendiés, j’ai vu des jeunes garçons regarder les barils. Regarder dans une arme, vous savez avec certitude qu’elle n’est plus mortelle, m’a rappelé de regarder un film d’horreur. S’exposer à de faux dangers décrits dans un film déclenche des circuits de survie. Votre récompense est une infusion d’adrénaline et un sentiment de maîtrise de la peur. Kiev a retrouvé un semblant de normalité peu après que les forces ukrainiennes ont repoussé l’assaut initial de la Russie. La capitale s’est retrouvée dans une position inconfortable en devenant spectatrice de la guerre qui continue de faire rage à l’est et au sud. J’avais l’impression que les chars russes détruits intensifiaient la tromperie agréable mais dangereuse qui pouvait fonctionner comme un somnifère vous berçant dans un faux sentiment de sécurité. Favori0
Actu Art Contemporain 25ème Prix Fondation Pernod Ricard : « Ce que l’affect fait à l’art » La chercheuse et curatrice Arlène Berceliot Courtin avec All the Messages are Emotional place le 25ème prix de la Fondation Pernod Ricard ...
Evénements JO : On joue les prolongations avec Depardon, père et fils Et si on prolongeait encore un peu l’effervescence des Jeux Olympiques et Paralympiques ? Tout l’été, de nombreuses initiatives culturelles ont choisi ...
News Découvrez les lauréats de la 8ème édition de la Carte Blanche Etudiants Pour la huitième édition du programme Carte Blanche Etudiants initié par Paris Photo et Picto Foundation, en partenariat avec SNCF Gares & ...
Un nouveau cycle – Rencontre avec Eric Karsenty, correspondant à l’Académie des Beaux-Arts 9 septembre 2024
Sous la Surface – Rencontre avec Christoph Wiesner, directeur du festival des Rencontres d’Arles 2 septembre 2024
La Part des Femmes publie une étude de cas visant à changer la lecture et la production des portraits de presse 1 juillet 2024
Masterclass Oeildeep : Maroc, Marrakech, Meknès, Mamicha, Moi… Michèle par Michèle Demier-Fabre 5 juillet 2024
Barcelone : MACBA et l’activiste pionnière Mari Chordà, CCCB et le mythe de la banlieue américaine 1 jour ago