Temps de lecture estimé : 5mins

Pour leur deuxième carte blanche, nos invité·es de la semaine, les cofondateurs de la galerie des Minimes, Félix Cholet et Olga du Saillant, reviennent sur la création de la galerie au printemps dernier avec la présentation de l’exposition inaugurale « Le Vent est le Double de l’Horizon ». Cette expo, dont le titre a été emprunté au poète et écrivain Alain Jouffroy, réunissant leurs travaux de photographe. Félix Cholet et Olga du Saillant créent un véritable dialogue autour de la nature.

« Si l’horizon se dédoublait
— ligne de tête et ligne de coeur —
Il créerait un grand appel d’air
LE VENT EST LE DOUBLE DE L’HORIZON »
Alain Jouffroy, Aube à l’Antipode, dessins de René Magritte
Éditions Le Soleil Noir, 1966

Pour inaugurer la Galerie des Minimes, les fondateurs Félix Cholet et Olga du Saillant ont présenté leur travail de photographes dans une exposition intitulée « Le Vent est le Double de l’Horizon ». Leur souhait d’ouvrir la galerie avec celle-ci était de montrer leur double regard en tant qu’artistes — et donc double regard de galeristes —, et comment celui-ci résonnera ensuite avec les artistes exposés. Le titre de l’exposition, emprunté à Alain Jouffroy, est extrait d’une citation d’Aube à l’Antipode, qui dévoile leur intention première : laisser à l’observateur la place d’imaginer, et mettre son sens rationnel de côté face à l’oeuvre. En effet, la photographie appelle souvent à se dire que l’on doit savoir de quoi il s’agit, car c’est forcément vrai – quelque chose a été pris en photo ici, donc ce quelque chose existe. Pourtant, le duo de photographes a prouvé le contraire.

© Félix Cholet

© Olga du Saillant

Très inspirés par le mystère présent dans le travail de Koichi Sako, Edward Weston, Raoul Ubac ou Man Ray, Félix Cholet et Olga du Saillant se concentrent sur de minuscules parties de terre lorsqu’ils photographient. La petitesse serait alors, logiquement, le point focal de l’image, pourtant leur caractère volontairement abstrait suggère qu’il s’agit d’un paysage beaucoup plus vaste et complexe. En photographiant cela en noir et blanc et à l’argentique, ils peuvent particulièrement jouer sur les contrastes, ombres et lumières, et créent une texture visuelle qui accentue les détails de leur sujet, suggérant des variations de terrain et d’élévation. À travers l’échelle et la perspective, une tension émerge entre ce qui est perceptible et l’immensité de ce qui se trouve hors champ. C’est là que l’observateur choisit sa lecture de l’image : « — ligne de tête et ligne de coeur — », rationnelle ou émotionnelle, intuitive et plus profonde. Toutefois, les deux photographes ne laissent pas réellement le choix. La combinaison de l’abstraction, du mystère, du noir et blanc et de l’échelle provoque un sentiment d’aventure, d’isolement ou de solitude. Les émotions sont alors suscitées chez le spectateur, et encouragent une interprétation subjective, stimulant ainsi son imagination et sa réflexion, elles l’invitent à une contemplation profonde. « Chaque jour, on redécouvrait nos photos grâce à l’imagination de chacun. Quelqu’un voit un serpent, là où un autre imagine un chemin menant vers le néant. Et ils devinent rarement la ‘vérité’, on s’en réjouit à chaque fois ! ». Le travail d’Olga et Félix devient alors une forme d’ode à la poésie de la Nature, du fait que l’on croit pleinement à ces paysages inventés. On est si petit face à elle, alors forcément les possibilités de paysages jamais vus sont infinies, et on se laisse porter, on les fait exister. C’est peut-être là le « grand appel d’air » que Jouffroy décrit, le souffle nécessaire et soulageant qui s’ensuit de la porte ouverte aux émotions, au rêve, à la liberté d’imaginer. C’est peut-être aussi le mouvement entre nos deux cerveaux, le rationnel et l’émotionnel, le moment où l’on se laisse être subjectif, et aller au plus profond.

© Olga du Saillant

© Félix Cholet

Au-delà des images elles-mêmes, les artistes ont apporté un soin particulier à chaque étape de création des oeuvres. Les tirages étaient réalisés en piezographie — une technologie d’impression à base d’encre composée de pigments au charbon —, sur du papier artisanal particulièrement texturé, accentuant le grain singulier des photographies. Chaque cadre calciné a été réalisé à la main par Félix suivant la technique japonaise Shou Sugi Ban, qui protège le bois des insectes, des moisissures, des intempéries et, paradoxalement, du feu. Le tout était présenté sans vitre, pour semer davantage de doute quant au fait que c’était bel et bien une photographie, et donc quelque chose de réel. Ces éléments se conjuguaient pour conférer aux oeuvres présentées une unité fluide et une spécificité qui les placent hors des limites habituelles de la photographie, les inscrivant entre photographie et dessin, figuration et abstraction.

À VENIR À LA GALERIE

ven26jan(jan 26)11 h 00 minsam24fev(fev 24)19 h 00 minL'écho des ruinesAstrid Staes & Dieter AppeltGalerie des Minimes, 13 rue des minimes, 75003 Paris

La Rédaction
9 Lives magazine vous accompagne au quotidien dans le monde de la photographie et de l'Image.

    You may also like

    En voir plus dans L'Invité·e