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Partager Partager Temps de lecture estimé : 5minsPour sa première carte blanche, notre invité de la semaine, Éric Cez, l’un des fondateurs de la maison d’édition Loco et Président de l’association France Photobook, nous parle du marché du livre de photographie. Un secteur fragile et un marché de « paradoxe » puisque les éditeurs connaissent par avance le manque de rentabilité… Et pourtant bien que le livre photo soit plus coûteux à produire et en France et à l’international, en deux décennies les maisons d’édition spécialisées en photographie ont été multipliées par cinq. Il n’y a jamais eu autant de livres photo dans les librairies, alors qu’il n’a jamais été aussi difficile de les vendre. En tant qu’éditeur de livres de photographie, j’ai souvent été invité à parler de la situation économique de ce domaine éditorial si particulier. J’ai l’impression de marteler combien ce secteur, fragile, n’a de cesse de chercher et de réinventer son modèle économique. Je profite donc de cette tribune pour me répéter encore une fois, tant il me semble important de tenter d’exprimer le contexte (la prouesse ?) dans lequel un livre de photographie peut encore arriver à se faire. Depuis les années 1980, au cours desquelles le livre de photographie a poursuivi son essor sur un marché national qui arrivait encore à faire vivre une poignée d’éditeurs, à nos jours, où il offre une diversité éditoriale jamais égalée, la situation économique du livre de photographie n’a fait que se précariser. L’arbre-machine © Sylvie Bonnot / Loco Le paysage éditorial n’a jamais été aussi étendu qu’aujourd’hui, avec des ouvrages publiés par des maisons d’édition installées ou éphémères, par des graphistes ou des autoéditeurs. Malgré cette production pléthorique, les parts de marché n’ont pas significativement augmenté. Un livre de photographie est très souvent cher à produire et rarement rentable (quand on sait que la moyenne de tirage d’un livre de photographie se situe entre 500 et 700 exemplaires, et que des ventes « correctes » se situeraient, toujours en moyenne, à la moitié de ce tirage). Je parle souvent pour qualifier le marché du livre de photo de « paradoxe ». Car comment décrire autrement un secteur économique, où, le plus souvent, même en vendant la plus grande partie voire tous les exemplaires d’un livre, les bénéfices ne couvrent jamais les frais liés à l’édition et à la fabrication ? En effet, les coûts liés à la diffusion, à la distribution ainsi qu’à la remise libraire représentent pratiquement 60% du prix public du livre. L’arbre-machine © Sylvie Bonnot / Loco Paradoxe d’un bien fabriqué et vendu en connaissant d’avance son manque de rentabilité… Et pourtant, la production et même la surproduction sont bien là. Certains livres trouvent leur équilibre économique en se passant d’intermédiaires, en appliquant des prix de ventes élevés et des tirages très faibles, s’adressant à un public de collectionneurs et d’amateurs éclairés. D’autres, cela concerne une grande part de la profession, sont des ouvrages qui doivent trouver des soutiens économiques (subventions, partenariats, mécénats, préachats d’ouvrages) préalables à toute parution afin d’assurer l’équilibre budgétaire et d’éviter ainsi le déficit annoncé. Le paradoxe est certainement semblable à celui rencontré par beaucoup de professions liées à ce que l’on appelle « les biens culturels ». Si nous devions faire un parallèle, notre métier d’éditeur s’est peu à peu métamorphosé en celui de producteur de cinéma, qui doit effectuer une recherche de fonds publics ou privés nécessaire à couvrir les frais matériels et salaires d’une équipe d’un film. À cette différence près que la production de livres de photographie bénéficie de (plus en plus) rares soutiens publics. Nous n’avons pas l’équivalent d’un Centre national du cinéma qui réinjecte un pourcentage des recettes des films passant en salle dans des aides aux producteurs, et donc à la création. Il existe bien le Centre national du livre, mais les éditeurs de livre de photographie ne peuvent prétendre à leurs dispositifs de soutien : les conditions imposent que le nombre d’images dans un ouvrage ne représentent pas plus de 50 % de la totalité du livre, ce qui est inversement proportionnel à la nature d’un livre de photographie ! Il faudrait revenir sur cette incompréhension persistante de ce qui constitue fondamentalement la photographie, que beaucoup, et c’est le cas d’une institution nationale du livre, ne considèrent que pour sa valeur illustrative et non pas pour la force d’énonciation qui lui est propre, un langage photographique que le livre permet souvent d’articuler. https://www.editionsloco.com/ https://francephotobook.fr/ Iconographie : Des images de Sylvie Bonnot extraites du livre L’arbre-machine à paraître chez Loco en juin 2024. À partir d’une recherche rigoureusement documentaire autour des forêts en France et en Guyanne, Sylvie Bonnot effectue un travail plastique avec ce qu’elle appelle les Mues : elle prélève la gélatine d’un tirage pour la repositionner sur des supports variés. L’image se froisse, l’accident contribue à faire œuvre. A LIRE Enquête : Comment se porte l’édition photographique française indépendante ? Favori1
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