L’Académie des Beaux-Arts vient de dévoiler le nom du lauréat du Prix de Photographie William Klein. Il s’agit du photographe finno-américain Arno Rafael Minkkinen, connu pour ses autoportraits surréalistes en noir et blanc. Ce prix de photographie est probablement l’un des mieux dotés au monde, avec la somme rondelette de 120 000 €, financée par le Chengdu Contemporary Image Museum. Remis tous les deux ans, il en est déjà à sa quatrième édition et, jusqu’à présent, les lauréat·es sont paritaires ! Une bonne nouvelle ! Mais j’ai une question… Où sont les Français·es ?

Alors oui, pardon : vous allez croire que je suis vraiment de mauvaise foi : quand la parité n’y est pas, je râle, et quand elle y est, je trouve encore quelque chose à redire ! Et pourtant, je suis sincèrement heureuse de voir qu’un prix aussi généreusement doté puisse bénéficier aussi bien aux hommes qu’aux femmes (car ce n’est pas toujours le cas). Même si, reconnaissons-le, l’une d’entre elles, Annie Leibovitz, compte parmi les photographes les mieux payés au monde. Malgré ses déboires financiers, sa fortune se chiffre en dizaines de millions et ses prises de vue se facturent à prix d’or. Les contribuables espagnols s’en souviennent encore : le portrait du roi et de la reine d’Espagne avait coûté la modique somme de 137 000 euros (source : El País). Une dotation qu’elle n’a sans doute pas sentie passer.
Dans un monde parfait, je n’aurais rien à dire, bien sûr. Ces prix ne font pas la charité : ils récompensent une carrière, pas un besoin.

Fosters Pond, 1989 II © Arno Rafael Minkkinen / Lauréat 4ème édition du Prix de Photographie
de l’Académie des beaux-arts – William Klein

Mais voilà. Avec un peu de recul, je ne peux m’empêcher de me demander si ce prix récompensera un jour le travail d’un·e photographe du territoire, sachant qu’il est porté par une institution française.
Je travaille actuellement sur la seconde partie de l’étude sur la rémunération des photographes¹ initiée et produite par l’association Le CLAP. J’ai passé mon été à réaliser des entretiens avec des photographes français·es et étranger·es vivant en France. Si le premier volet de l’étude avait révélé des chiffres inquiétants prouvant la paupérisation du métier, ces entretiens mettent une réalité sur ces chiffres.
Et la réalité est dure. Elle l’est de plus en plus — et pour tous profils de photographes.

Encore une fois, il n’est pas question ici de remettre en cause la qualité du travail d’Arno Rafael Minkkinen, ni d’incriminer le jury. Ce prix de consécration a pour objet de récompenser un·e photographe, de toute nationalité et de tout âge, pour l’ensemble de sa carrière et de son engagement en faveur de la photographie. Et cela, le prix le fait parfaitement.
Mais tout comme il est essentiel de veiller à la parité, il est du devoir des institutions françaises de soutenir la création sur leur propre territoire.
Qui le fera, sinon ?

Ce constat rejoint tristement la première étude publiée par le CLAP, qui pointait déjà le manque de visibilité de la photographie française dans les grands musées et institutions².

Peut-être, finalement, que ce prix n’a d’autre ambition que d’offrir une exposition prestigieuse d’une « star » de la photographie à la Biennale de la Photographie du Chengdu Contemporary Image Museum.
Et dans ce cas, en effet, puisque nous ne sommes même pas vraiment capables de mettre à l’honneur nos propres photographes chez nous, il paraît peu probable que la Chine ait envie de le faire à notre place.

¹ https://leclap.org/actions/quelles-remunerations-pour-les-photographes
² https://leclap.org/actions/quelle-visibilite-de-la-photographie-francaise

https://www.academiedesbeauxarts.fr/photographie

À DÉCOUVRIR BIENTÔT

sam18oct(oct 18)10 h 00 min2026dim04jan(jan 4)19 h 00 minPLANCHES CONTACT 2025Le Festival de Photographie de DeauvilleFestival Planche(s) Contact, 143 Avenue de la République, 14800 Deauville


Le photographe finno-américain est l’invité du festival Planches Contact qui propose la restitution de sa résidence aux Franciscaines et une exposition rétrospective sur la plage de Deauville à partir du 18 octobre 2025 !

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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