Carte Blanche à Rima Abdul Malak : Jean-François Spricigo, le portrait comme présence

Pour sa troisième carte blanche, notre invitée Rima Abdul Malak, nouvelle présidente du jury du Prix de la Jeune Création Photographique du Planches Contact Festival, souhaite mettre en lumière le travail du photographe Jean-François Spricigo, et plus particulièrement son spectacle À nos visages s’abandonner, créé en 2024. Une performance poétique et sensorielle que l’on pourra découvrir à Deauville le 29 octobre prochain, puis du 10 au 13 décembre 2025 au CENTQUATRE-PARIS.

Je suis le travail de Jean-François Spricigo depuis une dizaine d’années après l’avoir rencontré un jour de neige à New York où nous avons démarré une conversation, jamais interrompue depuis. Originaire de Belgique, infatigable voyageur, c’est un artiste inclassable, qui mêle photographie, vidéo, écriture, poésie et musique dans un même élan de générosité. Encouragé à ses débuts par Antoine d’Agata, Anne Biroleau et Christian Caujolle, puis par la galeriste Agathe Gaillard, il est aujourd’hui représenté par la galerie Camera Obscura. Il est par ailleurs artiste associé au Centquatre, où il a exploré des pratiques artistiques hybrides, entre expositions, films et performances, offrant au public de nouvelles manières de ressentir la force de ses images. Il a été récompensé par le prix Nadar en 2023 pour son livre Nous l’horizon resterons seul, publié par les magnifiques éditions Le Bec en l’air.

Coup de projecteur aujourd’hui sur son spectacle A nos visages s’abandonner, créé en 2024 au Centquatre, repris cet automne au Festival Planches Contact à Deauville (le 29 octobre 2025) puis de nouveau au Centquatre (du 10 au 13 décembre 2025 dans le cadre du festival Beaux Gestes). La scène devient un atelier, où Jean-François Spricigo élabore en direct avec les spectateurs, à la fois témoins et modèles, leur propre portrait photo. Alors que certains volontaires posent sous l’objectif de l’artiste, d’autres observent. Tous participent au récit et aux questionnements soulevés par la photographie, le rapport à l’image et à leur propre reflet.

Dans sa performance, la projection d’images alterne avec une voix douce qui interroge la langue même de la photographie — « prise », « capture », « cadrage » — autant de mots qui enferment, alors que cet art cherche à libérer. Sur l’écran, visages et animaux se répondent, parfois nets, parfois vibrants dans le flou, parfois métamorphosés en arbres ou en ombres.

Ce que Jean-François Spricigo recherche, ce n’est pas tant la fidélité des traits que l’éclat fugitif d’une émotion, la palpitation d’une présence. Les spectateurs deviennent sujets, complices, reflets. Leurs visages photographiés sont dévoilés immédiatement sur scène et c’est à chaque fois une révélation. Comme en témoigne ce texte rédigé par Valérie, une spectatrice ayant vécu l’expérience, à qui je laisse le dernier mot :

Cher vous,
pour ce moi invisible dont vous avez tiré le portrait, je vous remercie infiniment.
Cela s’est passé hier au Centquatre,
dans une salle où le noir était juste percé
de deux ballons de lumière,
d’une multitude de regards suspendus,
de votre regard, posté derrière cet objectif tout à la fois imposant et muet.
Juste avant la prise de vue, je ferme les yeux,
les muscles de mon visage se détendent, et je disparais.
Incandescence est le mot que vous prononcez.
Je ne sais pas encore ce que je vois dans ce portrait, projeté sur grand écran,
portrait mi-ombre, mi-incandescence,
et au fond de moi, je l’imaginais scindé en deux.
Révéler l’invisible pouvait-il me faire réapparaître ?
Est-ce cela que je venais chercher en me portant volontaire ?
Peut-être.
Valérie

INFORMATIONS PRATIQUES

➔ Spectacle A nos visages s’abandonner
• le 29 octobre 2025 à Deauville
• du 10 au 13 décembre 2025 au CENTQUATRE-PARIS
5 Rue Curial, 75019 Paris

Marque-page0