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Azimut, une marche photographique de Tendance Floue
M – Rencontre avec Guillaume Chauvin, Yann Merlin et Yohanne Lamoulère

Temps de lecture estimé : 6mins

Quatrième volet de notre saga sur l’exposition Azimut, la marche photographique de Tendance Floue, inaugurée le 24 octobre dernier au Musée Nicéphore Niépce de Chalon-sur-Saône. Notre critique Pascal Therme continue ses entretiens avec les photographes participants. Aujourd’hui ce sont les deux photographes invités Guillaume Chauvin et Yann Merlin qui prennent la parole pour partager leur expérience. Yohanne Lamoulère, membre du collectif qui a clos cette marche, finalise également cette série d’interviews

Exposition In Situ, AZIMUT. Guillaume Chauvin © Pascal Therme

Fuir ce territoire

« Puis je grimpe encore. Un oiseau me frôle, aussi bruyant qu’un cerf-volant. Je traverse parfois le maquis à quatre pattes, en marmonnant Azimut. Au même moment Anastasia m’apprend par SMS que Victor commence à marcher. Devant mes yeux le temps danse, flou. » – G.C.

Photographe invité à réaliser la marche Azimut, Guillaume Chauvin débute son périple au kilomètre 3048. Il s’intéresse de prime abord et tout particulièrement à cette expérience à travers les écrits. Son travail, principalement textuel, ses images n’ont pas d’autre rôle que d’être un carnet de notes visuel. Débarqué en région PACA, territoire qu’il apprécie peu, Guillaume Chauvin se contraint donc à se rendre à Perpignan. Si chaque jour et chaque pas l’ont conforté dans le rejet de cet environnement, les rencontres ont quant à elles été salvatrices. Les images présentées ici, mais aussi plus généralement dans le travail de l’artiste, s’intéressent principalement aux motifs et aux couleurs. « Dans mes images, il n’y a pas de recherches, ni posture, ni imposture, voyez ce que j’ai vu, ce qui a été le plus remarquable à mes yeux. Il y a eu assez peu de choses dans cette région, je ne m’y suis pas senti à l’aise. »
C’est ce que l’on peut nommer de paradoxal dans cette exposition, d’avoir privilégié l’image aux textes, s’éloignant ainsi de l’essence même de ce voyage qui s’est révélé plus littéraire que photographique.

AZIMUT U © Yann Merlin / Tendance Floue

Au plus près de la nature

Le photographe Yann Merlin fait partie des 16 artistes invités de cette marche Azimut. C’est au kilomètre 3163 que le voyage commence pour le photographe, avec son sac à dos et sa tente, il a choisi de dormir au plus près de la nature. Deux sentiments partagés se sont confrontés en abordant ce projet, le plaisir et une forme de crainte. « Mon expérience m’a toujours montré qu’il fallait se méfier de la récupération. La photographie est une projection, mais après il est question d’interprétation. Et pour moi il faut éviter d’interpréter justement, car chacun face a sa sensibilité, c’est ce qui nous caractérise. Chacun doit pouvoir projeter ses émotions et son ressenti. Il faut éviter de vouloir tout encadrer. Ici, le sujet ce n’est pas la liberté, c’est la liberté de… qui vient percuter le paradoxe sécuritaire que l’on vit aujourd’hui. »
Yann Merlin insiste sur le fait que cette histoire, d’un point de vue global, doit aider à sortir du « sur moi collectif » et de ce qui est imposé avec la nécessité de voir les choses différemment…

Fin de la marche

« La marche est terminée. Ça sent l’océan, rien que l’océan. Fin du disque lunaire. « Mais c’est toi que j’ai vu hier à Saint Pée ?! » Les vivants sont marrants. Et observateurs. Ya et Ma ne se connaissaient pas avant Azimut. J’étais à l’intersection. Quelle probabilité avions-nous de nous croiser, de nous aimer ? Malgré le voyage, j’avais besoin de rester en lien avec ma ville, Marseille, au moment précis où elle lutte pour exister après les effondrements de la rue d’Aubagne, et les presque 1500 expulsions concomitantes. » – Y. L.

Yohanne Lamoulère est photographe membre du collectif Tendance Floue. Si Bertrand Meunier a réalisé les tous premiers kilomètres depuis Montreuil, Yohanne a terminé cette marche longue de 4000 km. C’est une véritable traversée des territoires qu’ont opérée les 31 photographes du projet Azimut.
Yohanne Lamoulère avait pour but de réaliser les ultimes kilomètres pour clore cette expérience singulière, qui a débuté pour elle en novembre 2018, à un moment où la photographie vient de vivre les effondrements de la rue d’Aubagne à Marseille, dans sa ville de résidence. Elle quitte donc, à contre cœur, sa ville meurtrie : « Je n’ai jamais ressenti autant de colère en moi qu’à ce moment là. Partir est donc très dur pour moi. Je prends conscience qu’il faut que j’utilise cette marche mais je décide de marcher accompagnée, ou de correspondre avec Yassine, un mathématicien, qui écrit des fausses probabilités sur les effondrements de la rue d’Aubagne, et d’une autre jeune femme tzigane qui parle de la notion de refuge. C’est ainsi que je prends la route, en colère, je marche très fort. Je ne regarde pas beaucoup ce qui m’entoure, mais cela m’aide à expurger. J’ai la sensation de traverser un pays choyé, aimé et ça accentue mon sentiment que Marseille est une ville meurtrie, abîmée et salie ».
Si Yohanne Lamoulère ferme la marche, elle clos également le projet. Il était indispensable pour elle de rejoindre l’océan. Ce vaste étendu purificateur. Au retour, dans le train, la photographe rencontre deux migrants perdus sur le chemin de l’exil qui résonne magistralement dans ce projet Azimut.

Retrouvez le fragment de la marche AZIMUT réalisé par Yohanne Lamoulère: https://www.yohannelamoulere.fr/azimut-tendance-floue

 

ARencontre avec Bertrand Meunier (publié le 3/11/20)
ZInterview des commissaires de l’exposition Anne-Céline Borey et Sylvain Besson (publié le 4/11/20)
IRencontre avec Rencontre avec Léa Habourdin et Marine Lanier (publié le 5/11/20)
MRencontre avec Guillaume Chauvin, Yann Merlin et Yohanne Lamoulère (publié le 6/11/20)
URencontre avec Clémentine Semeria, chargée de projet du collectif (publié le 9/11/20)
TAzimut, le livre aux éditions Textuel (publié le 11/11/20)

INFORMATIONS PRATIQUES

sam24oct(oct 24)9 h 30 min2021mer15sep(sep 15)17 h 45 minAzimut, Une marche photographique du collectif Tendance FloueMusée Nicéphore Niépce, 28 quai des messageries 71100 Chalon-sur-Saône

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.