L'Invité·e

L’inclassable Yves Rousselet est notre invité de la semaine

Temps de lecture estimé : 11mins

Cette semaine, pour inaugurer le printemps et les prémices du mois d’avril, nous accueillons Yves Rousselet. Difficile de le qualifier en un seul mot, lui même se présente comme un indiscipliné voyageur pho-to-gra-phe-do-cu-men-teur-édi-teur-galer-iste-prim’avrilesque. Evidement photographe voyageur, Yves Rousselet a créé, il y a presque 30 ans, les éditions du poisson d’avril. Et cette année, il inaugure à Paris les 25èmes Rencontres Photographiques Prim’avrilesques. Vous commencez donc à comprendre pourquoi nous l’avons invité cette semaine… Jusqu’à vendredi, il partagera avec humour, ses coups de cœur et ses souvenirs.

Indispensables photographie et voyage sont également pour moi inséparables … Je voyage pour photographier, je photographie pour voyager… je voyage pour voyager et je photographie pour photographier avec un goût immodéré pour la liberté … Tout se mêle se démêle dans d’infinis allers pour des retours faits du désir d’ouverture sur l’extériorité du vaste monde dérangé et de l’envie de composer exprimer  l’intériorité d’un petit univers arrangé (à ranger) …

Je suis né à Oucques commune du Loir et Cher en petite Beauce d’un père boiseur cimentier et d’une mère couturière, j’ai grandi dans une famille nombreuse à Authon une autre commune du 41 en Gâtine Tourangelle … où sans que je le soupçonne les bienfaits de l’ennui construisent mon irrépressible envie d’ailleurs … d’aller voir un peu là-bas si j’y suis …

De 1971 à 1973 j’apprends la photographie au collège technique de Tours … après deux années occupées à déplacer des spots Cremer à faire la mise au point sur des dépolis format 9×12 et à révéler fixer laver glacer, je suis diplômé et autorisé à entamer une brillante carrière de photodidacte … J’occupe un premier emploi à Paris en 1974 et 75 du lundi au vendredi dans un laboratoire rue Lafayette dont l’activité principale est le traitement de films d’amateurs. Quand j’ai suffisamment économisé j’achète un Canon Ftb QL et un 24 mm puis un Nikkormat avec lesquels le samedi et le dimanche je parcours la ville lumière; je traque dans son univers contrasté l’insolite si possible l’exceptionnel parfois l’absurde.

De 1976 à 2015 je travaille dans une école de la banlieue ouest calme et verdoyante dans le domaine de l’audiovisuel photo et vidéo argentique et numérique, j’apprends que transmettre est une exigeante manière d’apprendre.

> Voir la vidéo yves r portraituré

Première exposition noir et blanc en 1985 présentée à Meudon Blois Paris … Je lui donne ce titre car il me laisse supposer que d’autres pourraient suivre … « album évidemment provisoire et forcément dérisoire des instants dont j’ai eu envie de faire des photographies« .

En 1992 je crée les éditions du poisson d’avril et publie le premier album « reporter ciel père et mer » un unique exemplaire déposé à la galerie disparue Contrejour rue Daguerre. Aujourd’hui trente cinq autres titres avec des impressions limitées le plus souvent à dix exemplaires constituent le catalogue inventaire. En 1994, j’initie les rencontres photographiques prim’exilesques à l’intention des ami-e-s des passionné-e-s des curieux de ma famille des amoureux et des professionnel-le-s de la profession … Depuis cette date chaque premier avril j’accroche une série « restitution d’images prises ».

Le premier avril n’était pas une date choisie par hasard … ce hasard qui décide d’advenir tantôt de manière heureuse tantôt de manière triste.

En 2002 je présente « le voyage [IN] utile », PARIS SARAJEVO libre carnet de brèves esquisses photographiques une exposition noir et blanc à la librairie Slave à Paris, l’hôtel des voyageurs à Paris et au pôle des métiers du livre de St Cloud.

En 2005, je participe au premier festival pocket film avec « TOURNER-MONTER » et je publie une première fois sur le portail pontos de vista publication suivie de cinq autres galeries sur l’Albanie le Kosovo les Flandres belgo-françaises.

En 2006, je réalise un second court métrage « SANG SOLEIL » … Je suis entré dans la photographie par effraction ayant immortalisé un soir d’été avec mon Instamatic 33 de premier communiant l’astre orangé posé sur la ligne d’horizon … au fil des films Tri X ou cassettes 8mm … la passion et quelques lectures sans doute bien choisies me susurrent de rester fidèle de ne pas abandonner de continuer cette œuvre de receleur …

En 2007, je présente « ALBANIE en poésie » exposition noir et blanc à la galerie le fruit des arts à Meudon. Désormais quand on me pose la question de mon choix pour telle ou telle destination la seule réponse que je trouve c’est … « je vais quelque part où j’ai peur d’aller« … et je photographie pour que jamais ne s’éloignent mes pays d’approche …

En 2009, onzième voyage vers les Balkans, au cours du huitième s’est opéré mon passage à la couleur au numérique qualifiable jusqu’à ce jour d’irrévocable …

En 2010, je publie l’album « 100 sur les Balkans » j’accroche l’exposition éponyme en mai à la Cité Internationale des Arts de Paris puis à la médiathèque Nef Europa de Montoire sur le loir en 2013 … mais je me demande encore qui de ma naïveté certaine ou de ma mégalomanie probable m’incite à vouloir encore et encore tenir en équilibre sur le marchepied du train à compartiments de l’Histoire avec mon appareil photo … je n’étais pas à Berlin quand le mur est tombé … je n’étais pas non plus sur la plage du boulevard St Michel dépavé … je n’étais pas à Lisbonne quand les canons des fusils se fleurissaient d’œillets… je n’étais pas là dans la montée du Puy de Dôme lorsque épaule de R. Poulidor et épaule de J. Anquetil s’affrontaient … je n’étais pas dans Sarajevo assiégé ni sur la place Maïdam occupée … alors et seulement en léger différé je vais à Mitrovicë une entrée par la partie nord sans prendre toute la mesure de la partition de la ville et des antagonismes profonds que deux nationalismes peuvent ici engendrer … la haine la violence inspirent indignation et peur … je vais y retourner …

En 2011 mai « Escale Croate » exposition noir et blanc à la médiathèque d’Alençon dans l’Orne présentée ensuite en 2012 à la médiathèque de Caen Couvre-chef puis médiathèque de Villedieu les Poêles puis Mairie de Trouville.

De 2011 jusqu’en 2019 je participe au salon de l’édition photographique pendant les journées d’ouverture des promenades photographiques de Vendôme Loir et Cher.

En 2012 Juillet Août troisième voyage sur les bords de la Baltique Pologne Lituanie Lettonie Enclave russe de Kaliningrad. En novembre j’expose onze triptyques « A L’EST D’ICI » au cinéma l’univers Lille 5900.

En avril 2014 vingt ans déjà ! avec le vingtième album édité « BACK IN LADALAND » série également publiée dans la curieuse revue curieuse LE TIGRE et le vingt-et-unième album « je parle pas beaucoup de NĒERLANDAIS » … chaque départ est un embarquement pour le bout du monde et d’étape en étape s’offrent des bouts du monde … en deux mille quinze après dix mille kilomètres deux mois et demi de voyage je perds cinq mille images et peut-être quelques pépites sur un parking de la capitale bosnienne reconstruite … c’est la fin du monde … j’édite au retour un nouvel album « UN MONDE SANS BOUTS ».

> Voir la vidéo Tout-Album

En Juillet Aout Septembre 2016 dix huitième voyage dans les Balkans jusqu’aux confins « plus à l’est » en Moldavie Gagaouzie et Transnistrie pays fantôme mais selon les déclarations* du vice-ministre des affaires étrangères depuis son bureau au septième étage du Soviet suprême  » un pays où règnent l’ordre, l’amour du travail bien fait et de la procédure … /… la rusticité, le débraillé l’indiscipline, la crasse folklorique et légendaire, les relents d’ail et de crincrin rouillé des violons tziganes c’est là-bas, à l’ouest, de l’autre côté du Dniestr…
*relatèes dans « LÀ OÙ SE MÊLENT LES EAUX  » ouvrage de Laurent Geslin et Jean Arnault Dérens éditions La Découverte 2018.

En 2017 de mai à décembre exposition « Keep Calm and Watch in Photography taken in Moldavia » au Cabaret Restaurant El Caminito à Paris
puis à partir de décembre exposition « ON ROULE pas tous en n’arlé 24 motografies ».

En Avril 2018 édition exceptionnelle d’un leporello « du DNIESTR de-part-et-d-autre » cent trente quatre images présentées aux 22èmes rencontres prim’exilesques En Septembre exposition « cent sur les Balkans » au festival OFF Reporter de St Brieuc et à partir d’octobre « VISAVISAGES » vingt-quatre portraits couleurs au Cabaret Restaurant El Caminito à Paris.

En mai 2019 je participe à l’édition PhotoSurRue de Tourves commune du Var traversée par la RN7 et à partir d’octobre j’expose au Cabaret Restaurant El Caminito à Paris « DOWN TO RIVER DUNAV » vingt-quatre photographies couleurs . En Novembre Décembre « MA ROMANIA »  exposition à la galerie « Actiuni Culturale Francofone » de Craiova Roumanie en région Olténie photographiée le sept mai mille neuf cent soixante quinze par HCB et Martine Franck.

En Avril 2020 24èmes rencontres prim’exilesques « DE(S) ROUTE(S) » … comme déroute comme des doutes … et nous ne savions pas encore quel chemin quelle tournure allaient prendre nos petits arrangements avec des jours de liberté surveillée …

> Voir la vidéo de l’édition 2020

En Avril 2021 aux 25 èmes rencontres prim’exilesques je présente la série  » je n’ai rien à dire je peux le dé-MONTRER » ainsi que les albums 33 34 et 35 … avec quelques mots d’ordre ne pas prendre pour des ordres … « nous allons bien voir  » …

> Voir la vidéo des albums 2019-20-21

« La photographie de voyage n’est certes pas la photographie de reportage mais il faut un motif bien fondé pour voyager … et si ce n’est la photographie elle-même ce peut-être l’envie l’intérêt le plaisir de documenter une réalité qui contient paradoxes contradictions … communs désaccords … matière à récits pour toujours de futurs albums »
– Yves Rousselet

http://www.poisson-d-exil.net

Le portrait chinois d’Yves Rousselet

Si j’étais une œuvre d’art : « Le déjeuner des canotiers » d’Auguste Renoir une œuvre picturale que je reçois comme un instantané photographique.
Si j’étais un musée ou une galerie : Le musée des automobiles et autres objets du quotidien fabriqués dans les pays de l’Est au temps du socialisme soviétique situé à Peshtera en Bulgarie … il y a un peu de l’univers de Martin Parr là d’dans.
Si j’étais une artiste: Sempé génial tout l’temps et dans l’album « Raoul Taburin » connaisseur avisé et amusé du “Decisive Moment”.
Si j’étais un livre : « En camping-car » de Ivan Jablonka … avec mon conseil à Roland Barthe Georges Perec et Jérôme Garcin … faites vite une mise à jour de vos inventaires.
Si j’étais un film : « Un singe en Hiver » de Henri Verneuil et entre documentaire et fiction : « Sans Soleil » de Chris Marker …
Si j’étais un morceau de musique : sans hésitation « Gnossienne No 1 » d’Eric Satie tidatidadadam tadadidatidan et j’enchaine avec une gymnopédie prise au hasard
Si j’étais un photo accrochée sur un mur : la photographie de Françoise Nuñez vous savez celle dans laquelle deux univers se croisent et se réunissent … au premier plan à droite un visage d’homme profil dans l’ombre au second plan celui d’une femme dans la lumière … ils voyagent dans des directions diamétralement opposées notre regard voyage avec eux et organise leur rencontre …
Si j’étais une citation : « Quand mon verre est vide Je le plains Quand mon verre est plein Je le vide » Raoul Ponchon (1848-1937)
Si j’étais un sentiment : l’intranquillité
Si j’étais un objet : un canif avec si possible un manche en forme de poisson
Si j’étais une exposition : « La main de l’homme » de Sebastiao Salgado au palais de Tokyo en 1994
Si j’étais un lieu d’inspiration : une frontière … et toute l’ambivalence alors qu’elle se lève … je quitte un pays libre pour entrer dans un autre cadenassé … et réciproquement …
Si j’étais un breuvage : un vin de Bourgogne avec des notes de cerise, griotte, cassis, mûre, framboise, prune, baies sauvages, et même de raisin cépage pinot noir …
Si j’étais une héroïne : Samantha héroïne de la série « Ma sorcière bien aimée » et … je m’en voudrais si je n’endossais pas l’étoffe de l’héroïne martyre Louise Michel
Si j’étais un vêtement : un multipoche … c’est pratique parce que plein de poches et presque énervant car ce que l’on cherche est parfois difficile a trouver à cause de toutes ces poches

CARTES BLANCHES DE NOTRE INVITÉ

Carte blanche à Yves Rousselet : autour de « 16 photos que je n’ai pas prises » de Benoît Grimalt (mardi 30 mars 2021)
• Carte blanche à Yves Rousselet : Je me souviens de… Claude Dityvon (mercredi 31 mars 2021)
Carte blanche à Yves Rousselet : Mon appareil photo est plus intelligent que moi (jeudi 1er avril 2021)
Carte blanche à Yves Rousselet : Et s’il ne faut en citer qu’un·e… au présent et autre au futur… (vendredi 2 avril 2021)

INFORMATIONS PRATIQUES

jeu01avr14 h 00 mindim04(avr 4)22 h 00 min25èmes rencontres photographiques prim’avrilesques

La Rédaction
9 Lives magazine vous accompagne au quotidien dans le monde de la photographie et de l'Image.

    You may also like

    En voir plus dans L'Invité·e