L'Invité·e

Carte blanche à Lynn S.K. : Les lentilles de Palestine

Temps de lecture estimé : 3mins

Pour sa quatrième et dernière carte blanche, notre invitée de la semaine, la photographe Lynn S.K., partage un film bouleversant « Les lentilles de Palestine » (عدس فلسطين) réalisé par un photographe et médecin gazaoui. Ce film est un acte de résistance. Il raconte l’histoire d’un chef palestinien qui, en pleine famine, décide de cuisiner pour les déplacé·es. Sous les bombes, parmi les décombres, entouré d’enfants affamés il prépare des repas avec les moyens du bord… et des lentilles palestiniennes. Une cuisine de survie, un geste d’humanité, une mémoire vivante.

Depuis quelques mois, j’échange avec R., photographe et médecin gazaoui.
À travers nos messages, j’ai entrevu des fragments de la vie sous les bombes, au cœur d’une guerre génocidaire : la peur, l’horreur, l’amour pour sa famille, les déplacements, la vie à plusieurs sous une tente, sous le bruit obsédant des drones — cette menace qui ne dort jamais.
Le fait qu’il ne parvient plus à se souvenir du nombre de personnes qu’il connaît et qui sont mortes.
Le besoin de dire leurs noms, de raconter leurs histoires.
Et celui, vital, de rester du côté de la vie, malgré tout.

Avec son équipe, tous basés sur place, R. a réalisé Palestine’s Lentils / عدس فلسطين, un film né au cœur du siège.
Il raconte l’histoire d’un chef palestinien qui, en pleine famine, décide de cuisiner pour les déplacé·es.
Sous les bombes, parmi les décombres, avec les enfants affamés, avec les moyens du bord — et des lentilles palestiniennes.

Le film suit son parcours : de ses débuts en cuisine avant la guerre, à l’improvisation d’une cantine populaire au milieu d’un nettoyage ethnique.

J’ai toujours eu du mal avec le mot “dignité”. Surtout quand il est utilisé dans les documentaires ou les présentations de séries photo : “il leur a rendu leur dignité”…

Comme si les gens l’avaient perdue quelque part. Comme s’ils avaient eu besoin d’un photographe pour la retrouver.

Mais aujourd’hui, je ne vois pas d’autre mot, quand je lis les messages de R., ou que je regarde ces vidéos de Palestinien·nes qui, au milieu de l’horreur, disent encore : “ça va, Dieu merci… Hamdoullah.”

Je pense aussi à ce qu’écrivait une poétesse palestinienne, Hiba Abou Nada (1991-2023), poétesse et romancière de 32 ans, tuée avec son fils lors d’une frappe israélienne en octobre 2023.
Quelques jours avant sa mort, elle laissait ces mots :

Je vous accorde un refuge en sachant
que la poussière se dissipera,
et que ceux qui sont tombés amoureux et sont morts ensemble
riront un jour.


¹ L’extrait du poème a été publié par :
https://orientxxi.info/magazine/de-la-nakba-a-gaza-poesie-et-resistance-en-palestine,7054

² Par respect pour l’anonymat de R. et les risques qu’il encourt, je ne peux mettre ici aucun lien direct. Écrivez-moi en privé si vous souhaitez en savoir plus ou soutenir — notamment la production ou la diffusion de ce film ou de leurs autres projets : lynn@lynnsk.fr

La Rédaction
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