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De continuité en discontinuité, poursuite de la saison Dis] Play Off [Line qu’Eric Degoutte m’avait présentée à l’occasion du 2ème cycle d’expositions et qui se trouve entrer singulièrement en résonance avec le contexte de crise que l’on traverse, sur une étonnante intuition de départ. Entrée à présent dans le 4ème et dernier cycle autour de la carte blanche de l’artiste Bernhard Rüdiger (né à Rome en 1964, vit et travaille entre Paris et Lyon) qui a souhaité associer pour l’occasion à son univers ceux de quatre jeunes artistes : Francesco Fonassi (né en 1986, vit et travaille entre Brescia et Venise), Michala Julinyova (née en 1991 à Trenčín, Slovaquie, vit et travaille à Paris), Leander Schönweger (né en 1986 à Merano, vit et travaille entre Bruxelles et Vienne) et Florence Schmitt (née en 1983 à Tours, vit et travaille à Paris) avec qui il partage des questionnements formels comme conceptuels.

Il se dégage en effet de cette « Chambre Double » une certaine cohérence entre similitudes et dissonances, effet miroir et décalages, entremêlements et ruptures. Un art disruptif autour de la réactivation de l’œuvre de Bernhard Rüdiger qui place le regardeur dans un état d’éveil et de pleine conscience au fil des seuils à franchir dans cette Grande Halle dont il a su si bien s’emparer. Eric Degoutte revient sur la genèse de son invitation à l’artiste, le formidable chantier-école mené autour de la reconstruction d’une œuvre de Bernhard Rüdiger avec les CAP Menuiserie/Installation et Maçonnerie de Établissement régional d’enseignement adapté (E.R.E.A.) Simone Veil d’Amilly qui s’emploie à redonner du sens à des élèves trop éloignés du système, mais aussi sur la résidence d’écriture entamée par Maxime Juin en mai dernier et l’amorce de la prochaine saison de programmation.

Maxime Juin« Les déboires de Monsieur Marcel », 2021. Vue de la conférence performée réalisée en collaboration avec l’artiste Cloé Brochard dans le cadre de la résidence d’auteur de Maxime Juin intitulée Les îles de soi. Photo : Les Tanneries – CAC, Amilly / Courtesy de l’artiste

A quand remonte la genèse de l’exposition de Bernhard Rüdiger ?

Bernhard Rüdiger. Vue de la rétrospective de l’artiste en Grande Halle dans le cadre de la carte blanche Chambre double. Photo : Les Tanneries – CAC, Amilly. Courtesy de l’artiste © Bernhard Rüdiger, ADAGP, Paris, 2021

Cela remonte maintenant à un certain temps étant donné que la programmation de cette exposition a dû être décalée pour les raisons que nous connaissons. Ceci dit, la première fois que nous avons abordé l’idée d’un projet d’exposition c’était à l’occasion de celle intitulée « Formes d’histoires » (28 avril-2 septembre 2018) dans laquelle nous présentions une œuvre de Bernhard Rüdiger – La poésie (1994) qui fait partie de la collection du Frac Centre – dans le hall d’entrée situé à l’étage du centre d’art. Elle avait été réalisée à son arrivée en France dans les années 1990. Cette grande coupole en bois renvoie d’une certaine manière à la pièce Que personne ne vienne de la mer (1991) exposée dans la Grande Halle pour « Chambre double ». La poésie fonctionne à partir du même système : le visiteur doit passer sa tête dans un dédale d’architecture, expérimentant une forme de dichotomie entre la tête et le corps dans l’épreuve d’un déplacement qui fait parcours. C’est au moment de cette première exposition de son travail au centre d’art que l’artiste a évoqué ses envies de construire une éventuelle approche rétrospective de son travail, même si le terme reste complexe pour lui étant donnée sa conception non-linéaire du temps.

Bernhard Rüdiger. Vue de la rétrospective de l’artiste en Grande Halle dans le cadre de la carte blanche Chambre double. Photo : Les Tanneries – CAC, Amilly. Courtesy de l’artiste © Bernhard Rüdiger, ADAGP, Paris, 2021

La possibilité de réactiver par un tel projet des pièces très anciennes s’est notamment fait jour. L’œuvre Que personne ne vienne de la mer, autour de laquelle se déploie la rétrospective présentée par l’artiste en Grande Halle, a d’ailleurs été réalisée pour la première fois à Milan en 1991 à l’occasion de l’exposition collective Esproprio organisée par la galerie Studio Marconi. Bernhard Rüdiger souhaitait faire ressurgir ici ces formes du passé et susciter ce lien de résurgence.

Bernhard Rüdiger – Fullerène pathogène, 2006 et Siècle XXI, 2007. Vue de montage de la rétrospective de l’artiste sur le Parvis dans le cadre de la carte blanche Chambre double. Photo : Les Tanneries – CAC, Amilly. Courtesy Collection particulière Cologne (pour Fullerène pathogène, 2006) Courtesy de l’artiste (pour Siècle XXI, 2007) © Bernhard Rüdiger, ADAGP, Paris, 2021

Réactiver le regard et les œuvres 

Dans le cadre de cette rétrospective singulière, notre attention a en effet porté aussi bien sur ce « réveil » des formes du passé que sur les conditions d’émergence d’œuvres nouvelles ou de restauration d’œuvres anciennes. En cela, l’exposition de Bernhard Rüdiger en Grande Halle contribue pleinement à une réactivation du regard sur son travail.

Les nouvelles productions qui jalonnent le parcours de « Chambre double » concernent aussi les expositions des jeunes artistes que l’artiste et commissaire a invités et notamment Leander Schönweger avec la construction en Petite Galerie d’un véritable espace dans l’espace en bois (The Submarine, 2021), à la fois labyrinthique et énigmatique, familier et étranger. Pour ce qui est de Florence Schmitt et Michala Julinyova exposées en Galerie Haute, leurs créations relèvent d’une forme de constante dans la pratique d’atelier – partagée aussi avec Bernhard Rüdiger – au sein de laquelle les œuvres conversent entre elles, pour l’une, et se trouvent activées par la performance, pour l’autre. Quant à Francesco Fonassi, son geste relève pleinement d’une réponse au lieu avec la création de sons et de lumières spécialement pour la Verrière (Iride (Iris), 2021).

Leander Schönweger – The Submarine, 2021
Vue de de l’exposition de l’artiste en Petite Galerie dans le cadre de la carte blanche Chambre double. Photo : Les Tanneries – CAC, Amilly. Courtesy de l’artiste

Le choix du titre « Chambre Double »

C’est une proposition de Bernhard Rüdiger en tant que commissaire de la carte blanche, qui fait référence au poème de Baudelaire intitulé « La Chambre double ». L’artiste s’est très vite approprié les enjeux du commissariat d’une exposition par essence multiple. Il s’est nourri des jeux qui pouvaient naitre dans sa réflexion, d’autant plus pertinents en regard des échos qui se tissaient dans le cadre de la saison. Reposant sur un art de la contradiction et une dualité intrinsèque – qui rappellent d’ailleurs celles contenues dans le poème baudelairien –, « Chambre double » pose en effet les fondements de spatialités et de temporalités complexes, multiples, irrégulières, profondément ouvertes et subjectives qui nourrissent notre perception tout comme elles sont nourries par cette dernière. Entre mises en écho et en dialogue plus ou moins silencieuses et sous-jacentes, la monstration des œuvres qui jalonnent le parcours proposé par cette carte blanche semble fonctionner sur un principe de vases communicants qui souligne, au-delà des aspérités, la vibration et la circularité des matières comme des formes, des contenus comme des concepts, que ce soit à l’échelle d’une œuvre, d’une série d’œuvres, d’un espace, d’un étage ou encore du centre d’art dans son intégralité.

Les liens avec les artistes invités : voisinage et correspondances

Florence Schmitt – Vue de l’exposition de l’artiste en Galerie Haute dans le cadre de la carte blanche Chambre double. Photo : Les Tanneries – CAC, Amilly. Courtesy de l’artiste

Je me suis souvent questionné sur les liens entre ces univers très différents, certains paraissant assez proches des problématiques ou des usages de Bernhard Rüdiger, telle Florence Schmitt dans la manière de se focaliser sur la matière et des principes d’équilibre formels ou physiques. Francesco Fonassi, qui ne travaille qu’avec le son et la lumière, semble a priori éloigné de l’univers très matériel de Bernhard Rüdiger ; et pourtant ce dernier a su nous donner la clé de leur proximité à l’occasion d’un entretien que j’ai mené avec lui et que l’on peut retrouver dans l’affiche-programme éditée à l’occasion de cette carte blanche :  il y évoque, à travers un rapport à l’instrument, les conditions de « mise en vibration » de l’œuvre, vibration physique autant que sémantique, dans une forme de résonance à une mécanique partagée. Ce faisant, des échos avec le travail de Francesco Fonassi se font clairement jour. Leander Schönweger, lui, a cette capacité de faire basculer le rapport de mesures et d’échelles : ce que l’on retrouve aussi dans le travail de Bernhard Rüdiger qui oscille beaucoup entre architecture, sculpture et maquette. Leander Schönweger s’empare du corps du regardeur, du visiteur, et en fait une clé d’appréciation d’une forme de démesure comme il avait pu le proposer au Wiels de Bruxelles avec la pièce Something Steers Us Both (2019) dont les meubles qui recouvraient les murs de l’espace en constituaient également les portes d’accès, induisant de facto une forme de décalage. Il a choisi ici d’aménager un espace labyrinthique où l’on perd tous nos repères dans des principes qui se croisent. Les liens entre le travail de Bernhard Rüdiger et ceux des artistes qu’il a invités à l’accompagner dans ce projet se définissent plus à partir de terrains de réflexions communes que dans une proximité plastique évidente.

Michala Julínyová – Birdies and Whistle-Blowers, 2021
Vue de la performance réalisée en collaboration avec Alice Bounmy en Galerie Haute dans le cadre de la carte blanche Chambre double. Photo : Les Tanneries – CAC, Amilly. Courtesy de l’artiste

En ce qui concerne Michala Julinyova, cela rejoint la question de l’Histoire. Elle est aussi fondamentale dans le travail de Bernhard Rüdiger, notamment lorsqu’il réfère à plusieurs reprises dans son œuvre au choc du bombardement atomique d’Hiroshima ; un moment de bascule, de chamboulement profond, évoqué dans un rapport presque désenchanté dont il tire l’élément critique. Le principe est assez proche chez Michala Julinyova qui va convoquer des formes performées pour réanimer les dispositifs que constituent ses installations. L’instant passé, ce qu’il en reste, est quelque chose de fragmenté, d’un peu mystérieux : un temps suspendu dont il faut saisir la subtilité, sans cesse mis en regard avec des formes de contemporanéité. Entre mémoire collective et récits individuels, Bernhard Rüdiger et Michala Julinyova partagent une appréhension commune du temps historique. 

La monographie de Bernhard Rüdiger avec Mousse Magazine

Le projet de monographie porté par Bernhard et édité par Mousse Publishing avec l’aide de différents partenaires – dont le CNAP – auxquels le centre d’art s’est associé s’intègre dans cette pensée de la rétrospective, Bernhard se préoccupant beaucoup du devenir de ses œuvres dont nombre d’entre elles sont entrées dans des collections. Il se pose aussi la question de la gestion de ce fonds. De plus, construire une rétrospective permet de faire à nouveau ressurgir une visibilité, de recréer de nouvelles opportunités à travers des acquisitions, des prêts ou des dépôts, faisant aussi poindre l’idée de l’inventaire qui serait sous-jacente. Parallèlement à « l’outil exposition », l’idée d’une édition rétrospective était assez évidente et avait été enclenchée en amont. Cela rejoint cette dualité d’une même pensée qui se traduit sous des formes différentes et la même contemporanéité.

Les sculptures de Bernhard Rüdiger dans le Parc de Sculptures et sur le Parvis

Siècle XXI ! (2007) fait partie d’un dispositif de dépôt comme l’ensemble des sculptures du Parc et nous l’avions envisagée comme un signal en amont de l’ouverture de l’exposition puisqu’installée dès le mois d’octobre dernier pour le lancement de la saison. L’œuvre Fullerène pathogène (2007) installée sur le Parvis au printemps 2021, en amont du montage de « Chambre double », est venue elle aussi signaler dès le début de la période de montage de l’exposition une réactivation de ces états de présence successive de l’artiste.

Partenariat avec l’E.R.E.A. Simone Veil d’Amilly

L’établissement régional d’enseignement adapté Simone Veil d’Amilly fait partie de ces lieux qui ont un rôle social et éducatif important. Ces lieux d’apprentissage et de formation spécifiques travaillent avec des élèves les plus éloignés du système scolaire général et ce pour des raisons diverses (individuelle, sociale, familiale). Ils contribuent à poser les conditions les plus appropriées pour les mettre en situation et de réamorcer ainsi une habitude et un bien être au contact d’univers scolaires, sociaux et professionnels.

Depuis 4 ans maintenant, nous avons établi un partenariat régulier avec cet établissement et notamment les filières CAP 1ère et 2ème année Installation/Menuiserie et Maçonnerie autour, entre autres, de ce que l’on appelle les « chantiers-école ». Deux premiers chantiers ont été effectués autours des expositions – également présentées en Grande Halle – d’Anne-Valérie Gasc (Vitrifications, du 22 juin au 1er septembre 2019) et Ludovic Chemarin© (Benoît, Christophe, Delphine, Gaël, Laura, Nathalie, Olivier, du 5 octobre au 8 décembre 2021). On part du principe que ces élèves vont avoir un rôle déterminant dans la construction d’un élément scénographique de grande ampleur ou parfois d’œuvres elles-mêmes autour de techniques qu’ils étudient. Ils sont en général amenés à dresser les plans d’un projet qui n’est pas déterminé à l’avance, à en établir les phases de production et le calendrier, à en assurer les suivis en lien avec leurs enseignants et ce tout au long de l’année scolaire. C’est aussi l’occasion de les amener à appréhender au sens très large du terme un lieu de pratiques culturelles qu’ils ne fréquentent pas forcément ou qu’ils n’auraient pas été amenés à fréquenter si ce n’est dans ce cadre très particulier. Ils entrent aux Tanneries par le biais d’un chantier puis la révélation se fait : les rencontres du lieu et de l’artiste s’opèrent. Nous participons de cette manière concrètement à leur éducation et à leur professionnalisation aux côtés de leurs professeurs. La présence du chantier, du projet, vient les ancrer dans des pratiques dont ils ont besoin pour s’ouvrir peu à peu à des univers qui ne sont pas les leurs et ainsi professionnellement s’orienter parfois dans des formes d’action qu’ils n’avaient pas préméditées. Les techniques qu’ils apprennent – liées à l’aménagement d’espaces, depuis la conception de cuisines, à celle de salles de bain aménagées, ou encore de dressings – sont aussi convocables pour construire des scénographies d’exposition. Leurs « gestes » sont ainsi valorisés au-delà du cadre dans lequel ils se projettent.

Il y a toujours une forme de bienveillance des artistes face à ces classes qui saisissent leur projet avec la garantie d’un sérieux dans l’accompagnement des enseignants et d’un suivi très technique autour de phénomènes tels que la résistance, le poids, la portance, dans un rapport qui doit être en cohérence avec le geste de l’artiste.

Quel bilan faites-vous de la période à ce stade ?

Si nous sommes heureux de maintenir les projets, d’être dans une continuité de présence des artistes, certaines difficultés sont à appréhender de par le chevauchement inhabituel des projets dont certains sont parfois « en attente » depuis plus d’un an, avec des conditions de mise en œuvre qui, si elles demeurent garanties à ce jour, n’ont pas encore trouvé d’horizon certain. La période appelle encore à la prudence. Dans ce contexte, il est certain que la fatigue se fait plus ressentir qu’à l’accoutumée, du côté de l’équipe, comme des artistes ou encore des prestataires et partenaires. Cela explique la stratégie qui a été la nôtre de ne pas suspendre nos liens mais de transformer les moyens alloués aux périodes d’exposition initiales en financements de phases d’études et de recherches, ce qui a permis à certains projets de s’étoffer, notamment autour de projets d’éditions. Cela a permis de maintenir toutes les attentions avec une volonté d’engagement sur des développements nouveaux bien que la situation reste à ce jour instable.

En termes de collaborations, nous n’étions pas sur des projets d’itinérance – qui se révèlent catastrophiques dans ce contexte – et pouvions donc rester flexibles, autonomes et suffisamment réactifs.

Le calendrier de la programmation à venir

Nous terminons cette saison le 29 août, ce qui correspond à la fin du dernier cycle de la saison #5 incarné par « Chambre double ». Ce finissage va laisser place à une nouvelle organisation en termes de programmation qui portera sur les trois prochaines années. L’année 2021-2022 se déroulera sous le signe de l’hybridation des fils de programmation afin d’assumer des engagements pris sur les dernières années et d’en amorcer un nouveau. La fin de cette saison artistique marquera aussi pour nous le début d’une nouvelle ère qui sera marquée par notre labellisation en « Centre d’art d’intérêt national ». De nouvelles modalités de travail et capacités de mise en œuvre vont émerger.

Les prochaines artistes invité.e.s

À l’occasion du premier cycle de la saison #6 qui sera inaugurée le 25 septembre prochain, nous présenterons les expositions reportées une à plusieurs fois de Martine Aballéa (Résurgence, Grande Halle, du 25 septembre au 28 novembre), d’Elodie Lesourd (Accord final, Verrière et Petite Galerie, du 25 septembre au 28 novembre) et celle de Nikolaus Gansterer curatée par Klaus Speidel (Figures de pensée, Galerie Haute, du 25 septembre 2021 au 2 janvier 2022).

Martine Aballéa a beaucoup créé par le passé autour du rapport à l’image, qu’elle a traduit dans des ambiances, des atmosphères, des souvenirs, plutôt que dans des œuvres matérielles. À ce titre, elle s’est trouvée face à une interrogation et c’est à ce moment-là que nos échanges se sont intensifiés. Elle est venue découvrir le centre d’art et notamment l’espace de la Grande Halle. Elle a tout de suite perçu un lien avec son propre univers, en particulier autour de la végétation, des ruisseaux, des rivières, ces cours d’eau qui font partie de l’histoire des Tanneries. Elle a donc pensé à une installation inédite et in situ en Grande Halle. De la même manière que nous avons réussi à mettre en place un chantier-école autour du projet « Chambre double » dans le cadre de la rétrospective de Bernhard Rüdiger, le projet de Martine Aballéa ouvre une collaboration avec le Musée du Verre et de ses Métiers de Dordives, situé non loin d’Amilly.  Ayant été fermé depuis quelques années pour cause de travaux en lien avec les inondations de 2016, la collection de ce dernier n’a pas été visible depuis lors, ce qui permet de la donner à voir, d’une autre manière, dans le cadre d’un projet artistique, sur le temps de l’exposition aux Tanneries qui précèdera sa réouverture. Les artefacts sélectionnés par Martine Aballéa au sein de l’inventaire du Musée du Verre sont ancrés dans l’univers du verre dit de « laboratoire », ce qui intéressait beaucoup Martine. Sans trop le dévoiler, son projet repose sur une machinerie scénique et l’évocation d’une vague, d’une résurgence, qui déferlera symboliquement sur un dispositif énigmatique sur lequel seront présentés les artefacts en verre. L’installation repose par ailleurs sur des jeux de lumière, de matière – visuelle et sonore. En résultera une atmosphère à la fois secrète et irréelle qui évoque, entre autres, l’alchimie et ses processus de transformation. La petite équipe du Musée du Verre et de ses Métiers s’est montrée très ouverte et réceptive et je les en remercie.

Résidence d’écriture

Le principe d’une résidence d’écriture annuelle est inscrit dans le projet artistique du centre d’art depuis sa genèse, même si n’avons pu le mettre en place qu’à partir de sa 2ème année d’existence, en saison #3. Cette discontinuité n’a cependant pas empêché le développement de ce principe que nous venons de réactiver. Les Tanneries – Centre d’art contemporain étant une plateforme de production, un lieu du faire, de l’émergence du geste artistique, naturellement prédisposé à l’accueil des artistes, ce n’est pas un musée. Pour autant, il n’est pas dénué d’histoires. Il y a matière à écrire, à penser, à regarder autour de cet état de présence et c’est dans ce cadre que le principe d’une résidence d’écriture s’est déterminé. Les choix des résidents ont par ailleurs été très marqués. 

La première année, nous avons invité Julie Estève ce qui a donné lieu à une forme d’écriture assez romanesque, à quatre mains puisqu’elle a souhaité engagée une co-écriture avec Agnès Vannouvong ; une mise en récit qui a donné lieu à une restitution performée, quasi chamanique, qui comptait notamment la présence notamment de Claire Barré. La deuxième invitation a été faite à Rémy Héritier donnant lieu à une forme d’écriture chorégraphique qui dialoguait avec les expositions et venait en prolongement de son propre travail. Cette année, l’invitation faite au jeune chercheur Maxime Juin nous amène à réinvestir le champ de la recherche doctorale, esthétique et critique. J’ai rencontré Maxime dans le cadre de son DNSEP à Nantes autour d’un remarquable travail sur Benoit Maire. Je lui ai alors fait cette invitation sans présupposer quel serait l’enjeu de sa réflexion. Cette dernière s’articule désormais autour d’un questionnement ontologique sur la notion « d’œuvre soustractive », de ce qui fait ou ne fait pas œuvre. Cela s’inscrit profondément en résonance avec ce que nous donnons à voir au centre d’art et aux réflexions que nous portons et suscitons, ce faisant, autour de l’œuvre. Cela s’inscrit également en continuité et en discontinuité avec son travail de recherche au long cours au sein duquel s’articule sa résidence, et s’exprime dans une dualité dans la forme d’écriture elle-même, entre le théorique et le poétique. Une dualité que l’on retrouve dans le principe de restitution de résidence retenu par Maxime Juin qui mêle dans le même temps conférence et performance, réalisées en collaboration avec des artistes musiciens ou encore scénographes. On se rend compte que la pensée de l’art recoupe des aspects différents et complémentaires. Cela me semblait un bel écho aux chambres doubles présentées sur tout au long de l’été 2021. Quand l’on part d’une cohérence entre des univers, très vite d’autres cohérences apparaissent et les choses s’enclenchent naturellement.

Francesco Fonassi – Iride (Iris), 2021. Vue de performance nocturne réalisée en collaboration avec Alice Bounmy. Photo : Les Tanneries – CAC, Amilly. Courtesy de l’artiste

INFOS PRATIQUES :
« Chambre double », carte blanche à Bernhard Rüdiger – Tous les espaces
Jusqu’au 29 août 2021
Tanneries – Centre d’Art Contemporain
234 Rue des Ponts
45200 Amilly
Le projet « Chambre double » est composé d’une rétrospective de Bernhard Rüdiger dans la Grande Halle et d’expositions personnelles de Francesco Fonassi, Michala Julínyová, Florence Schmitt, Leander Schönweger commissariées par Bernhard Rüdiger en Galerie Haute, Petite Galerie et Verrière.

29 août 2021 : finissage de la saison #5
* Restitution aux Tanneries de la résidence La Verrerie 2019 consacrée à la Paresse (lancement d’ouvrage et performances)
* Dernier temps de restitution de la résidence d’auteur entamée par Maxime Juin au printemps 2021
* Conversation publique avec Bernhard Rüdiger à l’occasion du finissage de « Chambre double »

25 septembre 2021 : inauguration de la 6e saison artistique et vernissage du 1er cycle d’expositions

* Martine Aballéa, Résurgence, Grande Halle, visible jusqu’au 28 novembre 2021
* Élodie Lesourd, Accord final, Verrière et Petite Galerie, visible jusqu’au 28 novembre 2021
* Nikolaus Gangsterer, Figures de pensée, commissariée par Klaus Speidel, visible jusqu’au 2 janvier 2022

Ouverture au grand public, du mercredi au dimanche, de 14h30 à 18h
Réserver une visite scolaire : publics-tanneries@amilly45.fr 
Venir dans le cadre d’une visite presse : communication-tanneries@amilly45.fr

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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