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Résidant depuis 20 ans à Los Angeles, Guillaume Zuili a, pendant longtemps, pratiqué une approche urbaine de la photographie. « Dans le passé, j’étais peu ouvert au paysage, au vert, à la campagne, raconte-t-il. Mais ce sont les États-Unis, notamment les déserts de l’ouest, qui m’ont fait découvrir la puissance de la nature. Lorsque le Champ des Impossibles m’a convié pour une résidence en 2018, j’éprouvais comme de la nostalgie pour la France, mais je me demandais ce qui m’attendait là-bas. Je suis littéralement tombé en amour pour Le Perche et me suis jeté dans le travail de manière boulimique. Je n’en revenais pas moi-même : moi qui avais arrêté de faire des portraits, j’ai recommencé à en produire, grâce à une inspiration venue du plus profond du terroir percheron et des merveilleuses rencontres que j’y ai faites ».

Après des études de droit à Paris, Guillaume Zuili part pour un premier voyage en Inde en 1986. Jusqu’en 1995, il y retourne un à deux mois chaque année. Son travail photographique se concentre sur les anciens comptoirs français, invariablement en noir et blanc. En 1992, l’Agence VU’ le repère et le recrute. Quand il décide de s’installer aux États-Unis, il devient son correspondant dans la « Cité des anges ».

L’importance du travail en laboratoire

« Je suis de la génération de ceux qui n’ont connu que le film : le numérique est apparu plus tard. A mes débuts, j’ai été l’assistant du photographe Rashid Kim Meissane qui possédait un laboratoire. C’est là que j’ai attrapé le virus : pour moi, la photographie ne se conçoit pas sans le labo, où je développe moi-même mes films et mes tirages » poursuit-il.

Avec son savoir-faire de tireur, Guillaume Zuili a développé au fil du temps une patte singulière, une écriture photographique qui lui est toute personnelle. Il utilise un processus de développement photographique basé sur un révélateur nommé « Lith » qui renforce le grain, tout en modifiant les tons de l’image, qui peuvent aller du gris à l’orangé. Parallèlement, il tire ses photos sur des papiers anciens (des années 40 aux années 80) qu’il chine dans des brocantes ou trouve dans des magasins spécialisés. « C’est un travail quotidien, une quête permanente, mais ce papier, c’est mon trésor… » murmure-t-il.

Le résultat est saisissant. Des portraits conçus dans une dimension cinématographique et « héroïque », rappelant les films américains des années 50 et allant bien au-delà de l’angle documentaire pour souligner l’approche purement émotionnelle de l’artiste. Des portraits de résidents du Perche, natifs ou accourus – réalisés lors d’une deuxième résidence artistique à Art culture & Co à Perche-en-Nocé en 2019 – qu’il convient d’aller voir ‘en vrai’ pour prendre toute la mesure du travail de l’artiste. Un regard sensible qui, à travers un cadrage dynamique et des tirages ciselés, offre une vision personnelle de l’humanité, entre atmosphère de film noir et western percheron.

« Ce travail m’aura en réalité permis de me reconnecter avec la France, après 20 ans passés aux États-Unis. J’ai trouvé dans les habitants du Perche une humanité que je ne soupçonnais pas, et qui m’a estomaquée. En acceptant de m’ouvrir leur porte, ils m’ont séduit et donné envie de soigner encore plus mon travail pour leur rendre hommage. Aujourd’hui, je réfléchis sérieusement à revenir en France et certainement dans le Perche où je me sens comme chez moi, entouré d’amis très chers, pas des « copains » mais de vrais amis » conclut-il.

INFORMATIONS PRATIQUES

ven09jul(jul 9)10 h 30 mindim19sep(sep 19)18 h 30 minMémoires et ruralités du Champ des ImpossiblesExposition collectiveMoulin Blanchard, 11 Rue de Courboyer 61340 Perche-en-Nocé


Dans le cadre du Champ des Impossibles, Pierre Faure expose au Moulin Blanchard tous les week-ends de 14h à 18h30. A voir également à Perche-en-nocé : Moulin Blanchard : Catherine Poncin et Irène Jonas. Au Parc Naturel Régional du Perche : Guillaume Zuili (tous les jours) et Nicolas Krief à la Pocket galerie du vendredi au dimanche.
Infos : www.lechampdesimpossibles.com

Emmanuel Berck
Après une trentaine d’années dans la communication et la traduction, majoritairement dans le secteur des nouvelles technologies, Emmanuel Berck est devenu rédacteur indépendant en 2019. Il accompagne ainsi des entreprises dans l’élaboration de leurs stratégies éditoriales, à travers la rédaction de tribunes libres, de témoignages clients ou d’articles destinés à la presse. Il développe parallèlement une activité de pigiste pour différents magazines locaux ou nationaux, comme « Pays du Perche », « Pando » et « Profession Photographe ». Ses thèmes de prédilection sont l’environnement et la transition agricole, l’évolution climatique et la préservation de la biodiversité, et les enjeux liés à l’alimentation en circuits courts. Installé dans le Perche depuis 20 ans, il s’appuie sur un réseau d’acteurs locaux très divers qui lui permet d’analyser en profondeur les problématiques qu’il traite dans ses articles. Il aime en outre rédiger des portraits mettant en relief le travail de l’artiste ou l’artisan – le geste et les outils – son savoir-faire, son parcours et ses préoccupations actuelles. Emmanuel a réalisé 11 portraits d’artistes du Champ des impossibles.02, publiés dans l’hebdomadaire « Le Perche » durant l’été 2021. Il a également écrit deux entretiens avec deux artistes du Champ des impossibles, à paraître aux Editions Filigrane.

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