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Notre invitée de la semaine, la journaliste Frédérique Chapuis, a souhaité consacrer sa quatrième et dernière carte blanche au travail de Hughes de Wurtemberger réalisé dans le cadre de sa résidence au festival ImageSingulières, à Sète. Une édition particulière perturbée par la crise sanitaire, et qui va se déployer sur plusieurs mois au Centre photographique documentaire – ImageSingulières. C’est son exposition qui inaugure un programme riche proposé jusqu’en avril 2022…

Le festival ImageSingulières, à Sète, n’a pour cette édition pas la même configuration. La résidence d’Hughes de Wurtemberger inaugure une saison d’expositions qui se tiendra au Centre photographique documentaire – ImageSingulières.

14ème auteur en résidence du festival ImageSingulières, invité à tirer le portrait de Sète, Hughes de Wurtemberger se rend à l’évidence que le Covid a malheureusement anéanti toute possibilité de faire des images d’ambiance de la ville et de ses habitants sans les fichus masques. Qu’à cela ne tienne, je photographierai la gueule des plantes ! lance le Suisse.

© Hughes de Wurtemberger

© Hughes de Wurtemberger

Il a donc poussé son exploration en dehors de la cité sétoise, vers le territoire des étangs. Deux options s’offrent alors à lui. La première, faire du paysage et cadrer avec son appareil des bouts d’un ensemble pour décrire cette région idyllique aux confins de la terre et des eaux. Ou alors, à l’inverse, porter son regard vers le sol et inspecter son écosystème. Un point de vue qui correspond précisément aux préoccupations et aux valeurs du bonhomme inquiet du sort de la planète.

Depuis un moment déjà, dans son jardin en Belgique où il vit, il porte son attention sur chaque pousse pour composer son herbier photographique.
A Sète, il attaque son projet par le versant est du mont Saint-Clair, au domaine des Pierres Blanches. Dans cet îlot de verdure rescapé du centre urbain, il foule la garrigue sèche, l’Acanthe épineuse, le chardon Marie ou l’Euphorbe. Près du sol, il cadre les belles épineuses dans leur milieu naturel, une mue de couleuvre vipérine… Avant de redescendre vers l’étang de Thau et ses flamants roses qui ne migrent plus vers l’Afrique avec le réchauffement climatique. « Quel vol ! J’ai failli faire la résidence sur eux, j’ai même taille, même âge. Ils peuvent vivre jusqu’à 65 ans.» dit-il en riant. L’aventure commence à pied ou à vélo, Hughes arpente le pays des étangs, celui de Thau bien sûr, mais aussi ceux D’Ingril, de Vic, des Moures ou de l’Arnel. Il devient imbattable sur les noms latins d’une mousse ou la floraison d’un agave. On ne peut l’arrêter. Il passe puis revient sur ses pas, photographie le même paysage à différentes saisons. Celui-ci est plus beau l’hiver, l’été il est brûlé : les deux clichés côte à côte en font le constat.

© Hughes de Wurtemberger

Un groupe d’æschnes bleues (libellules) le prévient qu’il approche d’une eau douce et saumâtre. Une autre fois c’est la surprise, quand au détour du chemin il tombe sur une sansouïre, son eau saline dessine une flaque orangée. Elle est encadrée par le rose des fleurs de tamaris gacholo, un arbuste qui a pour qualité de fixer l’humidité grâce au chlorure de calcium que sécrète son feuillage.

Il prend la photo et note ces détails pour signaler combien il est important en cette période de réchauffement climatique que la nature s’organise. Les images toutes légendées, ne sont pas photographiées ni présentées à la manière d’un collectionneur de spécimens de plantes qui cultiverait sa nostalgie. La nature est offerte au regard à l’état sauvage, sèche, piétinée mais aussi résistante. Les pieds de Wurtemberger qui se glissent parfois dans le cadre pourraient être les nôtres. En nous invitant ainsi à la ballade, le photographe partage avec le spectateur le tragique constat d’une nature en danger.

© Hughes de Wurtemberger

© Hughes de Wurtemberger

Son regard, totalement investi, s’en ressent, même dans les portraits tout simples qu’il fait des personnages, femmes et hommes rencontrés. Ils ne prennent pas la pose, ils sont là et c’est tout !
De dos, au volant d’un bateau, dans un pressoir à raisin, au milieu d’un champ ; ils sont le paysage.

Il y a Annie Castaldo, éleveuse d’huitres naturelles, non castrées, Valérie et Dominique Ibanez, artisans vignerons, Frédéric le cultivateur en permaculture ou Corinne Favre et son jardin aromatique, et d’autres encore. «  Mon intention était claire dès le départ, faire un contrepoint humain, sur des personnages qui ont réfléchi à leurs pratiques et en mesurent les enjeux écologiques. »

Par sa position il provoque une sorte d’empathie pour ce milieu précaire et fragile, mais rien de romantique là dedans. Au contraire l’extrême attention, connaissance et analyse du biotope (avec des légendes nourries), témoigne d’une expérience qu’il restitue en couleur et à la verticale à sa manière poétique et «hyperréaliste » pourrait-on dire. Le voyage est simplement beau. Il a pour titre « Posidonie » du nom de cette plante aquatique qui est la vigile de la qualité de l’eau.

Il pourrait se clore avec l’une des rares images en noir et blanc, qu’il a prise dans les alentours de Sète : « C’est un homme seul sur un échafaudage industriel, à Marseillan-Plage. Les vacanciers sont partis il démonte une montagne russe. Une image de l’homme à l’origine de tout ce bordel qu’on va laisser à nos enfants. »

INFORMATIONS PRATIQUES

jeu01jul10 h 00 min2022sam30avr(avr 30)19 h 00 minimageSingulières : 13ème rendez-vous de la photographie documentaireCentre photographique documentaire - ImageSingulières, 17 rue Lacan 34200 Sète

La Rédaction
9 Lives magazine vous accompagne au quotidien dans le monde de la photographie et de l'Image.

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