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Nassim Daghighian, historienne de l’art et critique, dans Photo-Theoria a rencontré Sarah Girard, directrice des Journées photographiques de Bienne / Bieler Fototage en février 2020 au moment de la préparation de l’événement. La manifestation a malheureusement été décalée à 2021 en raison de la crise sanitaire. Retrouvez donc cet entretien autour de cette 24ème édition, construite autour du thème « Cracks ».

La rencontre a eu lieu à Bienne, le vendredi 28 février 2020 ; la 24ème édition du festival prévue pour mai 2020 ayant été reportée d’une année, l’entretien a été mis à jour en mai et en décembre 2021. L’interview qui suit est un extrait de l’entretien publié par Nassim Daghighian, historienne de l’art et critique, dans Photo-Theoria, n°40, hiver 2021-2022 disponible sur phototheoria.ch.

Portrait de Sarah © Enrique Muñoz García

Sarah Girard (1978, CH) est directrice du festival Les Journées photographiques de Bienne depuis 2018. En 2019, elle a contribué au lancement de l’Enquête photographique Jura bernois 2019-2021. Elle fait partie de plusieurs groupes pour la photographie de la Ville de Genève, du cercle curatorial de Photobasel, de la commission de la Fondation bernoise pour la photographie, le film et la vidéo et elle est régulièrement experte dans le cadre de prix photographiques et pour des lectures de portfolios. Depuis 2018, elle est également chargée de cours pour le programme d’études en médiation culturelle zurichois Kuverum. En juin 2021, elle a rejoint le conseil d’administration du journal Le Temps et Heidi.news.

Artiste et photographe de formation (BA, HEAD, Genève, 1997-2001 ; MA, Goldsmiths College, Londres, 2002-2003), elle a obtenu un MAS en gestion culturelle à l’Université de Bâle en 2015. De 2015 à 2018, elle a conçu les programmes culturels pour les écoles du canton de Genève en tant que conseillère culturelle pour le programme Ecole&Culture. En 2016, elle a piloté le lancement de la plateforme de médiation culturelle Rose explose pour le tram Monochrome rose de Pipilotti Rist à Genève.

Visite guidée de la 24ème édition des Journées photographiques de Bienne / Bieler Fototage, Cracks, 7.5.–30.5.2021 ; photo : © Bieler Fototage

Interview (extraits)

Nassim Daghighian : Quels aspects du poste de directrice du festival t’intéressaient le plus au moment où tu as postulé ?

Sarah Girard : J’ai proposé un projet de Festival-réseau, qui a pris forme avec les réalités du terrain et qui gardait en son centre la photographie contemporaine en travaillant à de multiples niveaux, avec une programmation occupant des lieux aux identités différentes, de manière à pouvoir toucher différents publics. Je pense qu’un festival a la tâche de toucher un large public et d’avoir une diversité – Vielfältigkeit en allemand, – de multiples facettes pour garder une énergie. C’est un événement qui ne devrait pas rester cloisonné au milieu culturel mais le relier à l’extérieur, générer une dynamique entre les espaces institutionnels et la cité.

Pour le festival, j’ai donc proposé une programmation qui tenait compte de plusieurs publics, faisait participer les spectateur∙trice∙s de manières différentes, en amont du festival, en mettant en place des projets de médiation sur le long terme aussi bien que sur le court terme. Donc avoir des temporalités, des publics et des lieux différents de manière à proposer une programmation diversifiée mais qui garde toujours comme centre la photographie contemporaine.

Il était très important pour moi non seulement de respecter le patrimoine qui avait été développé par mes prédécesseur∙e∙s pendant plus de vingt ans, mais aussi d’apporter une nouvelle dynamique collaborative. À nouveau, les collaborations demandent souvent aux partenaires de sortir de leur zone de confort afin de trouver des solutions, de construire ensemble. La collaboration dans le milieu culturel était d’ailleurs le sujet de mon travail de diplôme à l’Université de Bâle. C’est une problématique qui me tient à cœur. Je pense qu’aujourd’hui une institution culturelle doit se penser en complémentarité avec les institutions qui l’entourent. Elle doit être reliée d’une part avec son territoire régional, national, voire international, et d’autre part avec ses publics.

© Marwan Bassiouni, New Dutch Views, The Netherlands, 2018. Courtoisie Bieler Fototage

© Marwan Bassiouni, New Dutch Views, The Netherlands, 2018. Courtoisie Bieler Fototage

ND : Quels types de pratiques photographiques contemporaines t’intéressent tout particulièrement ?

SG : Par rapport à la dynamique du festival, il me paraît intéressant de réunir un certain nombre de pratiques contemporaines. Par exemple, des pratique performatives qui se matérialisent à travers l’image photographique ; des pratiques documentaires ; des pratiques plasticiennes, etc. Bien qu’aujourd’hui, les genres s’entremêlent parfois.

Pour moi, ce qui est important est de soutenir la jeune photographie, de permettre aux photographes émergent∙e∙s de développer de nouveaux projets, d’expérimenter et de leur permettre une rencontre avec la scène nationale et internationale. Le festival se profile donc comme un tremplin pour les photographes, une plateforme qui leur permet un rayonnement en Suisse et à l’étranger. C’est le cas par exemple des deux prix que nous avons contribué à lancer en 2019, le Prix Taurus pour les Arts Visuels et l’Enquête photographique Jura bernois 2019-2020.

Nora Papp, Selected objects, 2018-2019

Nora Papp, Selected objects, 2018-2019, Place de la Fontaine, Journées photographiques de Bienne / Bieler Fototage, Cracks, 7.5.–30.5.2021 ; photo : © Daniel Mueller

Le festival réunit aussi un certain nombre de travaux artistiques autour d’un enjeu qui donne une ligne directrice de réflexion pour les spectateur∙trice∙s. Par exemple, en 2021, nous avons présenté la première exposition de la zurichoise Nora Papp, qui a étudié en Hollande et crée des images uniquement à partir de filtres Instagram : elle les déconstruit, les transfère dans un fichier Excel, qu’elle vectorise pour créer des images. Ainsi, elle nous présente une matérialisation des effets que nous utilisons tous sur Instagram. Cette pratique photographique en lien avec les réseaux sociaux est montrée volontairement dans l’espace public.

Ang Song Nian, Hanging Heavy On My Eyes, 2018, Photoforum Pasquart, Journées photographiques de Bienne / Bieler Fototage, Cracks, 7.5.–30.5.2021 ; photo : © Daniel Mueller

Pour un festival, il est important de réfléchir au contexte dans lequel chaque travail que nous exposons est présenté. D’autres projets ont besoin du white cube, c’est-à-dire d’un espace d’exposition muséal, parce qu’ils ont été conçus pour cet univers-là. Dans le cadre de l’édition 2021, il s’agit notamment de l’installation de l’artiste singapourien Ang Song Nian : une chronologie d’images qui reflètent le taux de pollution qu’il y a eu à Singapour suite à des incendies qui ont eu lieu dans des champs de palmiers qui produisent l’huile de palme. Son travail, très conceptuel, reflète l’état du smog dans l’environnement urbain au jour le jour, pendant une année. C’est un travail qui fonctionne dans un espace muséal et qui interroge la fragilité de la monoculture et de nos systèmes de production.

Pour illustrer la diversité des pratiques artistiques que nous présentons, il y a aussi l’artiste française Aurore Valade que nous avons invitée à donner un workshop pendant une semaine dans une école. C’est une carte blanche donc je prends des risques par rapport à la programmation et à la production, mais j’accompagne aussi les artistes dans leurs projets. À l’échelle du festival, il n’y a donc pas une pratique contemporaine qui est plus valorisée qu’une autre, si ce n’est une attention particulière à la manière qu’a l’artiste de développer son discours pour qu’il soit intelligible au public et que sa démarche questionne nos pratiques de l’image.

ND : Depuis environ quinze ans, les Journées photographiques de Bienne privilégient ainsi l’émergence, au niveau national comme international. Souhaiterais-tu présenter plus de photographes étrangers ?

SG : Nous présentons une vingtaine de photographes dont environ la moitié est suisse et l’autre internationale. C’est un équilibre intéressant qui permet aux Suisses de se confronter à la scène internationale et, pour cette dernière, de découvrir ce qui se fait ici. Cette rencontre de pratiques permet de créer un dialogue et une bonne visibilité à toutes et tous. Bienne a une place centrale en Suisse, qui permet de générer des collaborations qui viennent de toutes les régions linguistiques. Il y a donc également une diversité au niveau national. Il importe aussi de valoriser autant les femmes que les hommes ; ce qui devient heureusement plus facile car elles ont une meilleure visibilité qu’il y a quelques années. La sélection des photographes nécessite ainsi des choix judicieux, qui pourraient être  » contraignants  » afin d’avoir une programmation équilibrée, afin d’articuler un discours qui a du sens au fil des expositions.

Karla Hiraldo Voleau, A Man in Public Space, 2020. Courtoisie Bieler Fototage

Karla Hiraldo Voleau, A Man in Public Space, 2020, Photoforum Pasquart, Journées photographiques de Bienne / Bieler Fototage, Cracks, 7.5.–30.5.2021 ; photo : © Daniel Mueller

ND : L’émergence est-elle le critère principal de la ligne artistique ? Comment définis-tu celle-ci ?

SG : Il me semble important de proposer chaque année d’une part, un thème qui révèle des enjeux de société et d’autre part, une programmation qui présente la diversité des pratiques photographiques contemporaines. C’est une articulation complexe. Pour donner un exemple, la question du genre a été traitée cette année dans trois travaux différents, dont celui de Karla Hiraldo Voleau. En 2021, nous avons aussi traité les questions de l’impact climatique et de la rupture familiale. L’artiste chinois Gao Shan, complètement autodidacte, montrait un travail sur sa mère adoptive. Sa série de photographies The Eighth Day parle de rupture, d’abandon, mais aussi de la possibilité de créer de nouveaux liens, grâce à de nouvelles références culturelles ou familiales.

En général, un∙e photographe émergent∙e utilise des ressources et moyens contemporains pour traiter de problématiques actuelles, pour aborder des sujets d’actualité. C’est dans ce sens-là que j’entends le terme d’émergence : un regard nouveau sur une problématique sociétale contemporaine.

Pierre-Kastriot Jashari, Enquête photographique Jura bernois 2019-2020, Promenade de la Suze, Journées photographiques de Bienne / Bieler Fototage, Cracks, 7.5.–30.5.2021 ; photo : © Daniel Mueller

Dans le cas du Prix Taurus, nous avons présenté le travail en cours d’Anthony Ayodèle Obayomi (Nigeria), qui traite de la question de la manipulation des populations à travers les jeux d’argent et la religion. Pour l’Enquête photographique Jura bernois, Pierre-Kastriot Jashari traite de la question de l’appartenance à un territoire. Pour le festival, soutenir l’émergence réside aussi dans le fait de donner une visibilité à un processus créatif et de prendre des risques en soutenant celui-ci. Ce fut le cas avec l’artiste franco-dominicaine Karla Hiraldo Voleau qui montrait un travail inédit. Son projet s’est d’ailleurs exporté en Belgique et en France grâce à la visibilité que lui a permis le festival.

Anthony Ayodèle Obayomi, Give Us This Day, Nouveau Musée Bienne, Journées photographiques de Bienne / Bieler Fototage, Cracks, 7.5.–30.5.2021 ; photo : © Daniel Mueller

L’émergence de nouvelles idées, de quelque chose qui n’est pas forcément accompli mais fait partie d’un processus de création vivant, parfois encore fragile, m’intéresse. L’émergence est possible si les projets en cours des artistes peuvent bénéficier d’une visibilité avant d’être aboutis. Favoriser l’émergence c’est donc peut-être de s’engager à accompagner un processus de création qui permettrait aux projets, grâce à une exposition, de bénéficier du regard des spectateur∙trice∙s pour évoluer. J’aime bien cette image du festival comme institution active dans le cadre d’un processus créatif dans l’espace (à travers la collaboration avec différents lieux et institutions) et dans le temps, à travers cette idée de faire partie d’une dynamique créative qui évolue et se transforme petit à petit.

La programmation

Emmanuelle Bayart, Dans les plis de la ville, 2012-2018. Courtoisie Bieler Fototage

Emmanuelle Bayart, Dans les plis de la ville, 2012-2018. Courtoisie Bieler Fototage

ND : Pour les deux éditions que tu as entièrement conçues, tu as proposé une thématique : Flood en 2019 et Cracks en 2021. Comment procèdes-tu pour le choix du titre, du thème, et pour la sélection des artistes ? Où cherches-tu des projets innovants ?

SG : Je parlerais plutôt d’un titre que d’une thématique : on part sur une idée de départ et ensuite les artistes la développent de manière différente, alors qu’un thème est quelque chose qu’on illustre. Ainsi, j’ai envisagé Cracks plutôt comme un titre qui permet de parler de rupture. Les questions que (se) posent les artistes se matérialisent sous des formes et des pratiques photographiques très différentes.

Pour la première édition que j’ai conçue, en 2019, l’idée était d’associer un nouveau projet de médiation culturelle à la programmation, d’ouvrir celle-ci à la performance et à d’autres domaines, qui viennent dialoguer avec la photographie. J’ai ainsi choisi la thématique Flood qui à la fois questionne le statut des images aujourd’hui, dans ce flux de production comme de consommation d’images, mais aussi interroge le statut de la photographie, s’ouvre à d’autres formes d’expression.
L’idée du festival est d’amener chaque année un événement qui permette de débattre de la photographie. Cette année-là, nous avions convié les photographes à discuter des enquêtes photographiques romandes qui offrent une forme de soutien régional aux photographes. L’image scientifique a aussi fait l’objet d’un débat entre personnalités de la science et du milieu de la recherche.

Pour concevoir une édition, je reste à l’écoute du terrain, des préoccupations du monde contemporain, des artistes, des photographes et de l’actualité. J’essaie de définir en premier une ligne directrice qui me semblerait pertinente en lien à l’actualité, à des questions sociétales. Les enjeux que j’aborde se développent donc à la fois à travers ma sensibilité personnelle et l’écoute des sujets traités et discutés dans le monde qui m’entoure. Donc je teste mon concept sur le terrain en discutant autour de moi, en consultant internet, en lisant l’actualité dans la presse, à travers diverses lectures, dans des expositions, des festivals et des foires, des prix de photographie ou des lectures de portfolios, parfois dans des films. J’essaie de multiplier les sources. Il y a aussi des artistes que je suis depuis des années et avec lesquel∙le∙s je dialogue régulièrement. Le titre, je le trouve plus tard. Il cristallise le tout dans un seul mot. Un mot qui évoque un processus.

Ce qui est intéressant pour le public est la manière avec laquelle les propositions sont articulées afin de donner du sens à une problématique, comme celle de la rupture en 2021 : autour de questions sociétales, économiques, politiques, écologiques, familiales ou de genres. Ainsi différents phénomènes de société sont abordés autour de la problématique de départ. Le coronavirus a provoqué une rupture au niveau de la vie quotidienne mais aussi en termes de visions politiques, économiques, personnelles, physiques et psychiques. Il me semblait intéressant d’interroger la question de la rupture dans différents contextes.

Cracks (2021)

ND : Peux-tu me parler plus en détails de la 24ème édition du festival intitulée Cracks ?

SG : Dans l’actualité comme chez les photographes, j’ai remarqué que la question de la rupture apparaissait de manière récurrente. Je trouvais intéressant d’aborder cet enjeu à la fois comme une faiblesse et comme une force. Walter Benjamin, dont j’ai la plupart des ouvrages dans ma bibliothèque, a écrit que toute connaissance doit contenir un grain de non-sens ; dans la fêlure contenue dans chaque connaissance se trouverait le décisif, quelque chose de déterminant. Henri Cartier-Bresson, lui, a parlé de « l’instant décisif » en photographie.  » Car au fond, le décisif n’émerge-t-il pas de la brèche ou de la fêlure ?  » La dernière phrase du texte de présentation de la 24ème édition évoque à la fois Benjamin et Cartier-Bresson. Un penseur et un photographe.

Il me semblait donc important de questionner la rupture comme un élément qui peut générer un changement. Les pratiques photographiques actuelles, elles aussi, peuvent proposer des changements de perspective et nous aider à mieux comprendre une problématique. L’image elle-même est une rupture. Grâce à mes différentes recherches et réflexions, traiter de la rupture m’est apparu comme pertinent, à la fois du point de vue des enjeux de société actuels, mais aussi par rapport aux questions soulevées par le médium photographique, qui circule aujourd’hui sans jamais s’arrêter. La photographie peut-elle encore être un moment de rupture ?

Gao Shan, The Eighth Day, 2019. Courtoisie Bieler Fototage

Gao Shan, The Eighth Day, 2019. Courtoisie Bieler Fototage

Dans son projet The Eighth Day, l’artiste chinois Gao Shan réalise dans un appartement de 70 m2 et sur plusieurs années, des images peu flatteuses de sa mère adoptive, entre amour fusionnel et détestation, confrontation. Comme le suggère le titre, il fut adopté huit jours après sa naissance. Ce projet ouvre une réflexion sur la relation mère-enfant, entre continuité du lien et rupture pour pouvoir évoluer. Karla Hiraldo Voleau, elle, s’est travestie en homme pour s’observer dans une double perspective, en tant que femme dans la peau d’un « alter ego masculin ». Elle joue sur les questions de représentations et d’identités de genre. La photographie est l’un des moyens de générer du débat, de se poser des questions sur le monde et sur soi.

Fin mars 2020, nous avons été un des premiers festivals à reporter notre événement en raison du COVID. Ça a été une année très administrative et remplie de doutes. Mais nous avons maintenu le cap et nos efforts ont été récompensés. De plus, la thématique qui abordait des questions de « rupture » dans notre société a pris encore plus de sens à travers la crise que nous traversions. En 2021, nous avons bénéficié d’une fréquentation exceptionnelle avec plus de 10’000 visiteur∙euse∙s, un record dans l’histoire du festival.

Catherine Leutenegger, Entanglement, 2020. Courtoisie Bieler Fototage

ND : Vois-tu un fil conducteur entre les deux éditions des Journées photographiques de Bienne que tu as élaborées ? Y a-t-il une identité artistique que tu souhaites donner au festival ?

SG : Dès le début, j’avais l’idée d’ancrer le festival avec des projets locaux, mais d’avoir en même temps une programmation au niveau suisse et international. La diversité fait maintenant partie de l’identité du festival, à tous les niveaux. Il y a aussi l’envie d’interroger des enjeux de société à travers la photographie et les différentes pratiques de l’image. Nous collaborons avec des lieux pour toucher différents publics (musées, galeries, cafés, espace public, en ligne, etc.). Et les titres évoquent toujours un processus.

ND : Quelle est ta vision de la médiation culturelle et de l’organisation d’événements parallèlement aux expositions du festival ?

SG : Comme pour la programmation d’expositions, l’idée est d’inviter des artistes ayant les mêmes problématiques que les photographes mais s’exprimant dans d’autres domaines d’expression tels que la performance, en partenariat avec Lokal-int et avec le théâtre Nebia. En 2021, j’ai aussi invité Culturadio, qui proposait un projet de médiation culturelle sous forme de podcasts réalisés dans le cadre du festival pour susciter le débat autour de l’image. Les étudiant∙e∙s de l’Institut littéraire suisse créent aussi chaque année un projet littéraire.

J’envisage le festival comme un moment d’effervescence, d’échanges entre les personnes, professionnels et amateurs de l’image, et différents médiums. Mon idée est de créer une dynamique autour du festival pour que les gens se réapproprient ce qui est donné à voir. Les collaborations avec d’autres formes d’art permettent aux institutions culturelles, notamment dans les arts vivants, de montrer certains projets qui ont un lien particulier avec l’image. En 2019, une dynamique collaborative a été instaurée et a généré des propositions intéressantes de la part des institutions. Les titres de chaque édition, eux, évoquent toujours un mouvement, un processus.

ND : As-tu des projets que tu souhaites mettre en place pour les éditions à venir ?

SG : La réflexion sur la complémentarité du monde analogique et du monde digital me semble complexe mais passionnante. Mon objectif est d’avancer avec ces questions et de tester des nouvelles choses. Pour la 25ème édition qui ouvrira ses portes en mai 2022, j’ai conçu un nouveau site internet en collaboration avec nos graphistes B&R. Cette plateforme en ligne vise à améliorer la visibilité des photographes qui participent au festival ainsi qu’à redonner une visibilité aux archives du festival. Cette démarche nous permettra ensuite de réactiver ces archives à travers différentes actions, à définir encore. Quant aux enjeux de la 25ème édition, il s’agira d’interroger les processus de restauration et de réparation à travers l’image, sous le titre Recover. Je souhaite aborder une thématique rassembleuse et réparatrice, en réponse à la polarisation actuelle de notre société. Le festival aura lieu du 6 au 29 mai 2022.

ND : Je me réjouis de découvrir cette prochaine édition. Merci beaucoup !

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Nassim Daghighian
Historienne de l’art spécialisée en photographie et critique d’art, Nassim Daghighian (1969, CH) est licenciée ès lettres à l’Université de Lausanne en 1995. Depuis 2009, elle publie régulièrement sur l’actualité de la photographie contemporaine, notamment sur son site Photo-Theoria. Elle enseigne dès 1997 à l’École supérieure d’arts appliqués de Vevey (CEPV) l’histoire de la photographie, la photographie contemporaine, l’analyse de l’image et les bases du marché de l’art. De 1998 à 2004, elle a été conservatrice associée au Musée de l’Elysée, Lausanne, où elle était responsable de la communication et de la médiation culturelle. Depuis plus de vingt ans, elle s’engage dans la promotion de la création contemporaine, en particulier la photographie émergente. Nassim (نسیم) est un prénom féminin d’origine iranienne qui signifie la ‘brise’ en Farsi.

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