Temps de lecture estimé : 6mins

Le Champ des Impossibles.03, dont la thématique centrale est l’arbre, se déroule jusqu’au 12 juin 2022. Chaque jour, nous vous proposons le portrait d’un artiste du Parcours Art & Patrimoine en Perche .03 rédigé par Emmanuel Berck. Aujourd’hui, retrouvons Edouard Wolton, un peintre mêlant techniques picturales variées (notamment le glacis) associe sa peinture à la philosophie pour évoquer et magnifier le paysage.

Né en 1986, Edouard Wolton s’est formé aux techniques de peinture et de gravure aux Beaux-Arts de Paris, où il décroche son diplôme en 2010, et à l’UDK (Université des Arts) de Berlin. Si la peinture à l’huile est son mode d’expression favori, il s’intéresse à d’autres techniques, comme la gravure, la sérigraphie, le collage, l’impression sur bois, etc. Pour ces tableaux, il a développé une technique particulière s’inspirant de la gravure polychrome et basée sur l’application à plat de peinture à l’huile et de couches superposées de glacis. Cette pratique du glacis, parfois désignée comme « technique Van Eyck », est apparue au XVe siècle. Elle permet d’obtenir d’intenses graduations lumineuses en travaillant d’abord des fonds colorés avec des pigments presque à l’état pur sur lesquels se superposent plusieurs fines couches de glacis réalisées avec une forte dilution des couleurs. Les rayons lumineux traversent ainsi les couches de glacis, puis se réfléchissent sur le fond avant de parvenir à nos yeux. La couleur émane littéralement.

Spectre © Edouard Wolton

Sa peinture revisite la tradition du paysage

Édouard Wolton travaille, depuis toujours, sur le rapport qu’entretient l’homme avec la nature, et s’intéresse plus particulièrement au paysage, un thème récurrent de l’histoire de l’art. « Je n’ai jamais peint autre chose que des paysages imaginés. Entre 2011 et 2015, j’ai réalisé un travail théorique sur le paysage à travers l’histoire de l’art occidentale, à la fois sous l’angle technique, l’évolution des motifs, et sur le plan philosophique, avec un focus particulier sur les XVIIIe et XIXe siècles. De manière concrète, j’ai repris des esthétiques particulières que j’ai réinterprétées à ma manière. Il est important de garder à l’esprit qu’avant la révolution industrielle et l’invention des tubes de peinture en aluminium, les peintres ne peignaient pas en dehors de leur atelier. Les paysages étaient principalement composés selon des codes théoriques et truffés de motifs imaginaires. Par exemple, les peintures religieuses ont souvent pour arrière-fond un paysage biblique où se situe la Jérusalem céleste ou autre exemple, celui des peintres de la fin du XVIIIe, même s’ils pouvaient dessiner préalablement sur le motif, leurs compositions paysagères sont ornées de ruines romantiques totalement imaginaires et qui ont d’ailleurs fait leur succès. Plus tard, le thème sera repris par les peintres modernes pour symboliser le basculement du figuratif vers l’abstraction. Par exemple, Mondrian adorait peindre des paysages, il a stylisé le motif de l’arbre en une succession de tableaux partant du réel jusqu’à un simple ensemble de traits. Ces tableaux ont d’ailleurs marqué les débuts de la peinture abstraite ».

L’envol © Edouard Wolton

L’envol © Edouard Wolton

Rapport à la nature et au temps

Depuis plus de 10 ans, Édouard Wolton a développé un art singulier, où l’imaginaire côtoie la rationalité. Si sa pratique est relativement lente, du fait des temps de séchage (de plusieurs jours à plusieurs mois), l’artiste produit beaucoup de tableaux simultanément, élaborant des corpus portant sur différentes thématiques. Il s’est notamment inspiré de l’ouvrage « Forgerons et Alchimistes » de l’historien des religions Mircea Eliade, une étude sociologique sur la connaissance parue dans les années 1970, qui compare ceux qui font (le concret) et ceux qui recherchent (l’abstraction). De fait dans ces peintures, Edouard Wolton passe allégrement du sujet réaliste à des formes quasi abstraites.

Tête savante et chercheur passionné, il a également travaillé sur le nombre d’or, l’alchimie, les théories platoniciennes, la géométrie, les minéraux ; avant de s’intéresser récemment aux abysses et aux fonds marins, dans une esthétique marquée par les années 70, le New Age et la science-fiction.

Le Seuil © Edouard Wolton

Dans le cadre du Parcours Art et Patrimoine en Perche, Edouard Wolton expose, dans la plénitude de l’église de Maison-Maugis, un ensemble d’œuvres créé pour l’occasion, telle une invitation à voyager aux frontières du perceptible et de la réalité. Parmi les tableaux présentés certains bénéficient d’un traitement particulier qui fait surgir des lucioles dans les paysages : « Les arbres dans les tableaux sont un peu comme les murs d’une scène de théâtre : les lucioles vont prendre leur envol ! Un symbole d’élévation, renforcé par la pénombre, car je m’intéresse beaucoup à l’aurore ou au crépuscule, là où la lumière offre un passage ». Parallèlement, l’artiste propose un polyptyque monumental de 9 grandes gravures de motifs de bois, imprimées de plusieurs couches d’encre superposées qui viennent rehausser les veinures naturelles du bois pour former des aurores boréales : « C’est la suite du voyage des lucioles, qui se dirigent vers le ciel. Les lucioles, c’est aussi une référence à un film de Pasolini, où de jeunes hommes dansent au bord du feu, symboles d’une liberté menacée par la montée du fascisme ». 

Le discours d’Édouard Wolton est plus philosophique que politique. « Pour moi, l’écologie va de pair avec le temps nécessaire à la contemplation d’une œuvre d’art. Plus on prend le temps, plus on découvre les couleurs. On peut même les voir danser. Dans notre société contemporaine, il y a une sorte d’urgence permanente qui nous empêche de prendre le temps de réfléchir. Peindre prend beaucoup de temps, expérimenter en réclame plus encore et nécessite de plus le temps de la contemplation. Pour moi, la vraie écologie consiste à prendre son temps ».

Le travail d’Edouard Wolton a fait l’objet d’expositions personnelles et collectives en France et à l’international. Il est également entré récemment dans les collections du FRAC Auvergne et du Deutches Buch und Schriftmuseum (Leipzig). 

Son exposition à l’Église Saint-Nicolas qui voisine le château de Maison-Maugis (Cours-Maugis-sur-Huisne) est le fruit d’une résidence. Un carnet de résidence, co-publié par les Éditions Filigranes et Art Culture & Co, relate la démarche artistique de l’artiste, dans un dialogue avec Youri Timsit, un chercheur du CNRS spécialisé dans l’ADN et la bioluminescence (le « vivant lumineux »). Il est disponible, comme les 15 ouvrages de la collection, à la boutique du Moulin Blanchard et à la Pocket Galerie de Perche-en-Nocé.

Plus d’information : www.lechampdesimpossibles.com

INFORMATIONS PRATIQUES

sam07mai(mai 7)10 h 00 mindim12jui(jui 12)18 h 00 minLe Champ des ImpossiblesParcours Art et Patrimoine en Perche .03Moulin Blanchard, 11 Rue de Courboyer 61340 Perche-en-Nocé


Les samedis et dimanches de 14h00 à 19h00
Entrée 10 euros pour les 17 sites d’expositions du Parcours – tarifs réduits (5 euros) et gratuité jusqu’à 18 ans

Emmanuel Berck
Après une trentaine d’années dans la communication et la traduction, majoritairement dans le secteur des nouvelles technologies, Emmanuel Berck est devenu rédacteur indépendant en 2019. Il accompagne ainsi des entreprises dans l’élaboration de leurs stratégies éditoriales, à travers la rédaction de tribunes libres, de témoignages clients ou d’articles destinés à la presse. Il développe parallèlement une activité de pigiste pour différents magazines locaux ou nationaux, comme « Pays du Perche », « Pando » et « Profession Photographe ». Ses thèmes de prédilection sont l’environnement et la transition agricole, l’évolution climatique et la préservation de la biodiversité, et les enjeux liés à l’alimentation en circuits courts. Installé dans le Perche depuis 20 ans, il s’appuie sur un réseau d’acteurs locaux très divers qui lui permet d’analyser en profondeur les problématiques qu’il traite dans ses articles. Il aime en outre rédiger des portraits mettant en relief le travail de l’artiste ou l’artisan – le geste et les outils – son savoir-faire, son parcours et ses préoccupations actuelles. Emmanuel a réalisé 11 portraits d’artistes du Champ des impossibles.02, publiés dans l’hebdomadaire « Le Perche » durant l’été 2021. Il a également écrit deux entretiens avec deux artistes du Champ des impossibles, à paraître aux Editions Filigrane.

    You may also like

    En voir plus dans Actu Art Contemporain