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Pour sa deuxième carte blanche, notre invité de la semaine, le photographe plasticien, Yves Gellie poursuit le décryptage de son œuvre. Aujourd’hui, nous découvrons sa série « From My Window », réalisée en avril 2020 depuis la fenêtre de son appartement parisien en plein cœur du confinement suite à la pandémie de la covid 19. Une série composée de 15 photographies et que l’on retrouvera dans le cadre de l’exposition collective « Parade » au musée d’art contemporain de la ville de Marseille visible dès le 23 mars prochain.

From My Window, avril 2020. Réalisation d’une série de 15 photographies composées depuis la fenêtre de mon appartement à Paris pendant le confinement de 2020 suite à la pandémie de la covid 19.

A l’occasion de la réouverture du musée d’art contemporain de la ville de Marseille à la suite de travaux de restauration, une grande exposition intitulée « Parade » clôturera le mandat du directeur du MAC de Marseille, Thierry Ollat. La série sera exposée dans la section « Fiction ou Réalité ». L’accrochage présentera les collections du Musée. Ouverture de l’exposition le 23 mars 2023, fermeture début 2024.

From My Window_06, Avril 2020 © Yves Gellie

Mars / Avril 2020 Assigné à domicile par le Covid 19, je me suis installé à ma fenêtre. Elle plonge sur une rue dont la chaussée est coupée en deux par une ligne blanche continue qui
délimite le sens de la circulation. Cette ligne m’a rappelé « Man walking to the sky », une oeuvre de Jonathan Borofsky installée à Kassel pour la Dokumenta 9. Dans cette rue désertée, les piétons se sont peu à peu aventurés sur la chaussée et se sont approprié un espace public sans danger.

Leurs comportements et leurs attitudes traduisent cette découverte comme s’ils inventaient une nouvelle façon de flâner en milieu urbain.

Cette situation fait échos à L’oeuvre de Borofsky où ses personnages sont en marche vers l’exploration de nouvelles planètes. Le jour où je suis redescendu dans la rue, j’ai eu l’impression de découvrir un espace transformé, vierge de nombreux repères, aussi bien sonores que visuels, l’atmosphère était très différente propice à une exploration des rues, de la ville. Je devais reproduire les mêmes expressions observées chez les personnages photographiés depuis ma fenêtre. Le temps s’est ralenti, la perception de mon environnement s’est transformée. Borofsky évoque dans son travail l’énormité d’un ensemble organique inconnu dont nous faisons partie.

From My Window_01 | From My Window_10, Avril 2020 © Yves Gellie

From My Window_07 | From My Window_08, Avril 2020 © Yves Gellie

L’accumulation des personnages qui se maintiennent à distance créée la sensation d’une mise en scène sur un plateau de théâtre.

From My Window_04 | From My Window_05, Avril 2020 © Yves Gellie

From My Window_12 | From My Window_15, Avril 2020 © Yves Gellie

Ce mois d’avril était particulièrement printanier propice aux fenêtres grandes ouvertes sur la rue. Une nouvelle population de livreurs à vélo sillonnait la ville. Avec la prophétie des médias sur « l’avant et l’après pandémie » (le monde que nous connaissons n’existera plus). Cette ligne est devenue pour moi une allégorie, une sorte de ligne de passage.

From My Window_15, Avril 2020 © Yves Gellie

© Yves Gellie

Le 9 mai 2020 :
Dans la nuit de jeudi à vendredi, la mairie de Paris a mis fin à ma série de photographies « From My Window ». Probablement en vue du déconfinement du 11 mai, une signalétique destinée à canaliser les vélos dans un couloir de circulation fait barrage à ma ligne blanche. On nous l’avait dit à la radio : Il y aura un avant Covid 19 et un après Covid 19. Les choses ne seront plus comme avant, le monde ne sera plus le même. L’oracle a dit vrai pour mon micro-univers de la Place Edmond Rostand.

© Yves Gellie

Des photographes comme Alfred Stieglitz, Eugene Smith, Herbert List entre autres ont développé ce genre de projet. Il est intéressant de connaître ce qui les a poussé à produire un travail de ce type

Pour Alfred Stieglitz, « From My Window » s’est fait au cours des dernières années de sa vie. Sa santé et son énergie déclinant. Il réalise des photos depuis la fenêtre de sa galerie. Ces véritables tableaux mettent en valeur les formes géométriques de la ville vues depuis l’étage supérieur d’un gratte-ciel. [Voir l’image]

Pour Eugene Smith en 1957 « As From My Window » a été réalisé en 1957/58 à la suite d’une période de dépression. Il quitte sa femme et ses enfants et s’enferme dans un loft de Manhattan. Toutes les fenêtre sont masquées avec du plastique noir à l’exception d’une à travers laquelle il va photographier des scènes de rue. [Voir l’image]

Pour Herbert List en 1953, « From the view of a window » a été réalisé suite à une mauvaise entorse de la cheville qui l’a immobilisé à Rome pendant plusieurs semaines. [Voir l’image]

2022- De nombreux projets ont vu le jour au cours de la covid 19, jusqu’à la création d’un groupe Facebook réunissant près de 3 millions de personnes livrant la vision de leur environnement à travers leur fenêtre. Le plus souvent des paysages.

La Rédaction
9 Lives magazine vous accompagne au quotidien dans le monde de la photographie et de l'Image.

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