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Christine Ollier et son équipe ont inauguré la quatrième édition du Champ des Impossibles, ouvrant au public une vingtaine d’expositions dont la thématique centrale est le règne animal. Chaque jour, nous vous proposons le portrait d’un artiste du Parcours Art & Patrimoine en Perche .04 rédigé par Emmanuel Berck. Aujourd’hui, retrouvons la photographe américaine Anne Rearick qui expose, au Manoir de Courboyer, ses images réalisées lors d’une résidence de création dans le Perche.

Travaillant sur des sujets au long cours, Anne Rearick s’inscrit dans la grande tradition photographique documentaire, en s’attachant principalement au quotidien et à la ruralité. Recherchant une forme d’intemporalité, elle magnifie le banal en s’intéressant à la nature et à l’environnement des personnes qu’elle rencontre, tout en gommant les signes ou les objets (comme les marques et logos) qui distraient les spectateurs de l’authenticité de sa narration. Elle s’immerge le plus souvent dans des lieux à forte identité, explorant la notion de communauté, centrale dans son travail : « Ma série sur l’Ouest américain est une sorte de retour aux sources puisque j’y suis née. Celle sur le Pays Basque a démarré il y a plus de 30 ans et celle sur les townships d’Afrique du Sud dure depuis 12 ans. Ce temps long me permet d’aller plus loin, plus profondément. Je cherche à créer des relations durables avec mes sujets, ce qui me permet de leur demander plus, pour révéler plus. L’amour de la communauté, de la survie et de l’humanité sont les fils rouges de ma démarche artistique ».

série Le cheval de Monsieur Pellion et autres histoires © Anne Rearick / Galerie Clémentine de la Feronnière / Agence VU’

Dans ses livres, comme « True West » (tiré de sa série sur l’Idaho), la photographe éclaire chaque image de commentaires écrits sur le vif, que le journaliste Rémi Coignet* compare à des nouvelles de Raymond Carver ou des chansons de Bruce Springsteen, car ils mettent en relief la tragédie des « petites vies » en même temps que leur beauté.

Née dans l’Ouest américain, Anne Rearick vit près de Boston où elle concilie son activité de photographe avec un poste de professeure en photographie. « J’enseigne la photo argentique et le travail de labo environ 6 mois par an. Le reste du temps, je voyage au gré des rencontres et des propositions de résidence. J’aime prendre mon temps pour développer mes séries : j’ai besoin de rencontrer les habitants pour prendre la mesure de leur quotidien et écouter leurs histoires. C’est cette relation particulière qui me nourrit, qui enrichit ma vie. »

série Le cheval de Monsieur Pellion et autres histoires © Anne Rearick / Galerie Clémentine de la Feronnière / Agence VU’

Au Manoir de Courboyer

En 2021 et 2022, Anne Rearick a répondu à l’invitation de Christine Ollier de découvrir le Perche, dans le cadre d’une résidence artistique au Champ des Impossibles. A l’occasion de plusieurs séjours, la photographe s’est plongée dans la vie quotidienne des Percherons. « J’aime la relation profonde des habitants du Perche avec la terre. Leur façon de parler de leur ferme, de leurs parents et de leurs animaux m’émeut énormément. C’est cette émotion que je souhaite transmettre dans mon travail. Les gens qui vivent à la campagne ont une intelligence spécifique, une compréhension de la vie et de la mort que n’ont pas ceux qui vivent en ville. J’aime aller à leur rencontre, au hasard de mes promenades, pour m’approprier leurs histoires. La vie des agriculteurs est loin d’être facile aujourd’hui. J’admire leur force, leur courage, leur dignité. Ils portent en eux une histoire séculaire et apparaissent un peu aujourd’hui comme des survivants. Je porte en moi toutes les histoires qu’ils m’ont racontées. C’est le cœur de mon travail ».

série Le cheval de Monsieur Pellion et autres histoires © Anne Rearick / Galerie Clémentine de la Feronnière / Agence VU’

Dans le cadre du Parcours, Anne Rearick présente une grande exposition avec une cinquantaine d’images au Manoir de Courboyer, la maison du Parc Naturel Régional du Perche. Les photographies en noir et blanc, prises en moyen format (6×6) avec un objectif de 35 mm, sont tirées par l’artiste elle-même, avec une patte bien particulière : du papier chaud et un contraste léger jouant sur les niveaux de gris. On y voit surtout des portraits, des paysages et quelques natures mortes. Les habitants sont souvent photographiés avec leurs animaux favoris, qu’ils soient de compagnie ou de la ferme. La photographe américaine a su porter un regard empli de douceur, d’humanité et de complicité, pour offrir son regard sur la vie quotidienne dans le Perche aujourd’hui, engageant le public à l’interprétation et à la rêverie. Anne Rearick est membre de l’agence VU’ depuis 1993 et est représentée par la galerie Clémentine de la Féronnière à Paris. Ses photographies ont intégré d’importantes collections publiques (Bibliothèque nationale de France, Centre national de l’audiovisuel du Luxembourg, Museum of Modern Art de San Francisco, etc.), et de nombreux prix et bourses jalonnent sa carrière (Bourse Guggenheim pour son travail sur la boxe amateur, Prix Roger Pic décerné par la SCAM pour ses reportages dans les bidonvilles d’Afrique du Sud, Prix European Mosaïque, …).

*Un carnet dans la collection du Champ des Impossibles aux Éditions Filigranes vient de paraître. Il incluse un entretien passionnant avec Rémi Coignet, critique de la photographie contemporaine et grand connaisseur de la scène américaine.

Plus d’information : www.lechampdesimpossibles.com
INFORMATIONS PRATIQUES

sam29avr(avr 29)10 h 00 mindim04jui(jui 4)18 h 00 minLe Champ des Impossibles .04Le règne animalMoulin Blanchard, 11 Rue de Courboyer 61340 Perche-en-Nocé

Emmanuel Berck
Après une trentaine d’années dans la communication et la traduction, majoritairement dans le secteur des nouvelles technologies, Emmanuel Berck est devenu rédacteur indépendant en 2019. Il accompagne ainsi des entreprises dans l’élaboration de leurs stratégies éditoriales, à travers la rédaction de tribunes libres, de témoignages clients ou d’articles destinés à la presse. Il développe parallèlement une activité de pigiste pour différents magazines locaux ou nationaux, comme « Pays du Perche », « Pando » et « Profession Photographe ». Ses thèmes de prédilection sont l’environnement et la transition agricole, l’évolution climatique et la préservation de la biodiversité, et les enjeux liés à l’alimentation en circuits courts. Installé dans le Perche depuis 20 ans, il s’appuie sur un réseau d’acteurs locaux très divers qui lui permet d’analyser en profondeur les problématiques qu’il traite dans ses articles. Il aime en outre rédiger des portraits mettant en relief le travail de l’artiste ou l’artisan – le geste et les outils – son savoir-faire, son parcours et ses préoccupations actuelles. Emmanuel a réalisé 11 portraits d’artistes du Champ des impossibles.02, publiés dans l’hebdomadaire « Le Perche » durant l’été 2021. Il a également écrit deux entretiens avec deux artistes du Champ des impossibles, à paraître aux Editions Filigrane.

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