Temps de lecture estimé : 5mins

Christine Ollier et son équipe ont inauguré la quatrième édition du Champ des Impossibles, ouvrant au public une vingtaine d’expositions dont la thématique centrale est le règne animal. Chaque jour, nous vous proposons le portrait d’un artiste du Parcours Art & Patrimoine en Perche .04 rédigé par Emmanuel Berck. Aujourd’hui, rencontre avec Djabril Boukhenaïssi, qui expose ses toiles et ses gravures à la Petite Houssaie, à Saint-Cyr-la-Rosière.

Artiste émergent, Djabril Boukhenaïssi a développé une narration en dehors du temps, nourrie de lectures philosophiques, qu’il traduit à travers un langage pictural original associant la peinture à l’huile au pastel, appliqués sur des fonds de toile laissés bruts. Le peintre est aussi un graveur émérite qui travaille l’eau forte sur une magnifique presse du XVIIIe siècle.

Sans titre, huile, pastel sur toile © Djabril Boukhenaïssi

Vue de l’exposition © Olivier Steigel

Diplômé des Beaux-Arts de Paris en 2018 pour un travail autour du Cirque Zingaro, inspiré par un poème de Henri Michaux (« Le Clown »), Djabril Boukhenaïssi a installé son atelier, à Saint-Germain-de-Martigny dans le Perche, dans une ancienne ferme acquise il y a longtemps par ses parents. « A partir de l’âge de 9 ans, je suis venu dans cette ferme tous les étés pour travailler à sa rénovation. Un premier contact avec la matière. J’ai commencé à tisser des liens avec le Perche, tout en y trouvant un lieu idéal pour mes créations. Je dessine depuis mon plus jeune âge et mes parents m’ont toujours encouragé à devenir artiste. Après avoir quitté Paris, j’ai surtout pratiqué la gravure à l’eau forte et ai démarré une expérimentation sur une technique de peinture à l’huile diluée, combinée aux pastels. Je ne traite pas la toile en amont et aime conserver certains espaces vierges de toute peinture. Le pastel est poreux et translucide, il ne se mélange pas avec la peinture à l’huile. En définitive, mes toiles sont plus une évocation qu’une figuration. » Une évocation évanescente, tout en transparence et en douceur, rehaussée par les apports de couleur du pastel.

Après son diplôme des Beaux-Arts, le jeune artiste a entamé un long travail sur le souvenir, alimenté par trois années d’études de philosophie. « Le souvenir représente un point de convergence de plusieurs lectures importantes pour moi (Bergson, Proust, Virginia Woolf) et une évocation de mon expérience personnelle du souvenir ». Pour cela, il a repris ses pinceaux qu’il avait quelque peu délaissés pour la gravure, et a travaillé à l’amélioration de sa technique picturale si particulière. « Nos souvenirs sont troués, fantasmés, reconstruits a posteriori, et les réserves que je laisse sur la toile sont une manière de parler de ces effets de la mémoire ».

Sans titre, huile, pastel sur toile © Djabril Boukhenaïssi

Vue de l’exposition © Olivier Steigel

Pendant cette période, Djabril a produit une vingtaine de toiles, portant sur la nuit et plus particulièrement sa disparition des espaces urbains, du fait de l’éclairage public. Puis, il a poursuivi son travail de gravure inspiré par deux poèmes : un de Novalis, « Hymne à la nuit » et la réponse de Rilke à Novalis : « Poèmes à la nuit ». « La gravure et la peinture sont deux disciplines très différentes qui, chez moi, ne se nourrissent pas entre elles. Je ne pratique jamais les deux en même temps. Quand je grave, je ne pense que gravure et ne me nourris que de livres consacrés à ce sujet. Idem pour la peinture. » Artiste rêveur et inspiré, Djabril Boukhenaïssi prend son temps d’autant plus aisément qu’il s’est retiré volontairement de la frénésie urbaine.

A la Petite Houssaie, Saint-Cyr-la-Rosière

Vue de l’exposition © Camille Pozzo di Borgo

Vue de l’exposition © Camille Pozzo di Borgo

Dans le cadre du Parcours Art et Patrimoine en Perche 2023, Djabril Boukhenaïssi expose une dizaine de toiles, dont certaines de grand format, réalisées spécialement pour l’événement sur le modèle de l’étude, avec pour thème central la vie animale. Il présente également des petits formats, représentant des détails : museaux ou oreilles. Une sorte de retour aux sources pour l’artiste qui a beaucoup étudié le cheval chez Zingaro. « Comme j’ai constamment un cheval et un âne devant les fenêtres de mon atelier, ils sont devenus des sujets d’étude que j’ai voulu simples et sans prétention. Je présente également quelques gravures issues de mon travail aux Beaux-Arts. »
Pour présenter ce travail, le Champ des impossibles s’invite chez les habitants un peu particuliers de la Petite Houssaie, ancienne ferme de plein champ sise au bout d’un chemin de Saint-Cyr-La Rosière : un couple de circassiens de métier et de passion, heureux d’ouvrir leur lieu de résidence à d’autres formes d’art.
Après une première exposition en 2022 à Paris (Villa des Arts), Djabril Boukhenaïssi dispose désormais d’un deuxième atelier pour présenter ses œuvres aux professionnels, dans l’espace POUSH d’Aubervilliers, un campus industriel de 20 000m², où 250 artistes confirmés ou émergents de plus de 30 nationalités, témoignent de la vitalité de la scène artistique en France.

Plus d’information : www.lechampdesimpossibles.com
INFORMATIONS PRATIQUES

sam29avr(avr 29)10 h 00 mindim04jui(jui 4)18 h 00 minLe Champ des Impossibles .04Le règne animalMoulin Blanchard, 11 Rue de Courboyer 61340 Perche-en-Nocé

Emmanuel Berck
Après une trentaine d’années dans la communication et la traduction, majoritairement dans le secteur des nouvelles technologies, Emmanuel Berck est devenu rédacteur indépendant en 2019. Il accompagne ainsi des entreprises dans l’élaboration de leurs stratégies éditoriales, à travers la rédaction de tribunes libres, de témoignages clients ou d’articles destinés à la presse. Il développe parallèlement une activité de pigiste pour différents magazines locaux ou nationaux, comme « Pays du Perche », « Pando » et « Profession Photographe ». Ses thèmes de prédilection sont l’environnement et la transition agricole, l’évolution climatique et la préservation de la biodiversité, et les enjeux liés à l’alimentation en circuits courts. Installé dans le Perche depuis 20 ans, il s’appuie sur un réseau d’acteurs locaux très divers qui lui permet d’analyser en profondeur les problématiques qu’il traite dans ses articles. Il aime en outre rédiger des portraits mettant en relief le travail de l’artiste ou l’artisan – le geste et les outils – son savoir-faire, son parcours et ses préoccupations actuelles. Emmanuel a réalisé 11 portraits d’artistes du Champ des impossibles.02, publiés dans l’hebdomadaire « Le Perche » durant l’été 2021. Il a également écrit deux entretiens avec deux artistes du Champ des impossibles, à paraître aux Editions Filigrane.

    You may also like

    En voir plus dans Actu Art Contemporain