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Christine Ollier et son équipe ont inauguré la quatrième édition du Champ des Impossibles, ouvrant au public une vingtaine d’expositions dont la thématique centrale est le règne animal. Chaque jour, nous vous proposons le portrait d’un artiste du Parcours Art & Patrimoine en Perche .04 rédigé par Emmanuel Berck. Aujourd’hui, rencontre avec Camille Pozzo di Borgo qui expose ses gravures et deux installations à l’église de Maison-Maugis.

Folie Bestiale, Gravure réalisée à la pointe sèche sur polycarbonate imprimée en trois passages sur papier © Camille Pozzo di Borgo, Courtesy Fonds Régnier pour la création copie

Prix Canson 2015, Diplôme des Beaux-Arts de Paris 2017, Prix Pierre Cardin 2021, Camille Pozzo di Borgo renverse les canons de la gravure traditionnelle, avec de très grands formats et une technique singulière de surimpression, tantôt monochrome, tantôt multicolore. Cette artiste trentenaire mêle dessin, gravure et étude animalière, dans des tirages pouvant atteindre 4 mètres, créant un effet spectaculaire. Son travail puise dans l’histoire de l’art en s’appropriant la technique de la gravure de la Renaissance et l’amplitude de l’art baroque, tandis que la taille monumentale en souligne la contemporanéité.

Depuis son enfance à Ajaccio, Camille est attirée par les animaux terrestres et marins. Elle dessine des animaux et collecte dans la nature des os qu’elle réassemble pour créer des créatures imaginaires. « Je suis fascinée par l’anatomie, tout ce qui est organique, les corps. Si je m’intéressais exclusivement aux animaux au départ, j’ai travaillé ultérieurement sur le corps humain et le végétal. Depuis que j’ai découvert la gravure, j’explore les possibilités de la technique, notamment la surimpression qui permet de donner du mouvement au sujet. Je travaille souvent en grand formas, en assemblant plusieurs tirages (de 3 à 5) et en superposant plusieurs gravures, pour jouer soit sur la couleur, soit sur le mouvement, soit les deux. »

Vue de l’exposition © Camille Pozzo di Borgo

Vue de l’exposition © Camille Pozzo di Borgo

Vue de l’exposition © Camille Pozzo di Borgo

Anatomie et mouvements du corps

Dans son travail sur le monde animal, après l’anatomie (squelette et peau), Camille étudie le mouvement des corps lors d’un combat. Elle s’inspire notamment des recherches Eadweard Muybridge qui, au XIXe siècle, se passionna pour la zoopraxographie et l’exprima dans ses célèbres successions de prises de vue animalières, recréant ainsi le mouvement. Elle travaille sur la violence « non-gratuite », les combats et la survie des animaux, qu’elle compare symboliquement à l’instinct primaire de l’humain. La vision de ces êtres est multiple, puisqu’elle s’intéresse à la fois à leurs entrailles et à leur enveloppe charnelle.
Le processus de création est relativement long. Après des phases d’observation, Camille démarre en cherchant des idées de forme ou d’animal, puis les décompose, les colle ou les superpose. L’animal dessiné n’est pas toujours réel et parfois, son aspect peut changer au cours du travail de recherche. Elle commence par des esquisses au crayon sur papier, puis elle utilise un matériau original pour ses plaques de gravure. « Le polycarbonate est un matériau plastique composé de plusieurs plaques transparentes superposées. Il est moins cher, plus facilement transportable que des plaques en métal et au vu des différentes manipulations qui se succèdent dans mon travail, il est plus pratique car moins lourd, plus facile à stocker, voire à réutiliser. »

L’artiste se sert avec brio du potentiel technique de la gravure. D’abord, elle grave à la pointe sèche des plaques, une à une, avec un trait présentant un décalage dans le dessin des corps. Puis, comme en gravure chaque tirage nécessite de 3 à 5 passages d’impression (en fonction du nombre de plaques et de la dissociation obligatoire des couleurs), elle utilise les différents passages et la superposition des plaques pour créer des effets de mouvement sensationnels donnant vie au sujet. Camille Pozzo di Borgo a par exemple créé l’image d’un cachalot de 4 mètres, composé de quatre images différentes, elles-mêmes tirées à partir de plusieurs plaques de gravure. Dans le cadre d’une résidence à Casablanca (Maroc), elle a réalisé en 2019 une gravure en trois parties représentant des morceaux d’écorce d’arbre. Ici le végétal devient viande, prenant la forme d’un quartier de bœuf.
Ses œuvres sont uniques car, généralement, elle ne crée pas plus de 4 tirages par gravure et s’attache à varier les couleurs.

Folie Bestiale, Gravure réalisée à la pointe sèche sur polycarbonate imprimée en trois passages sur papier © Camille Pozzo di Borgo, Courtesy Fonds Régnier pour la création copie

A l’église de Maison-Maugis

La production des œuvres exposées dans le Perche a reçu le soutien du Fonds Régnier pour la Création, partenaire du Parcours. Camille Pozzo di Borgo expose à l’église de Maison-Maugis, dans une splendide scénographie, une dizaine de gravures de grand format, ainsi que deux installations réalisées à partir de plaques gravées et encrées. La forme dessinée qui émerge des plaques évolue en fonction du déplacement du spectateur. La scénographie autoportante signée par l’artiste Enzo Mianes offre une délicate légèreté à la rencontre du volume architectural et des œuvres. « J’ai toujours rêvé d’exposer dans une église et suis particulièrement touchée par la beauté épurée de Maison-Maugis. L’accrochage est complexe car nous avons décidé de travailler sans cimaise. Les lumières de l’église apportent une autre dimension à mes œuvres et ajoutant encore du mouvement. Je montre des œuvres à la fois nouvelles et anciennes, qui représentent principalement des animaux sauvages. ».

Plus d’information : www.lechampdesimpossibles.com

INFORMATIONS PRATIQUES

sam29avr(avr 29)10 h 00 mindim04jui(jui 4)18 h 00 minLe Champ des Impossibles .04Le règne animalMoulin Blanchard, 11 Rue de Courboyer 61340 Perche-en-Nocé

Emmanuel Berck
Après une trentaine d’années dans la communication et la traduction, majoritairement dans le secteur des nouvelles technologies, Emmanuel Berck est devenu rédacteur indépendant en 2019. Il accompagne ainsi des entreprises dans l’élaboration de leurs stratégies éditoriales, à travers la rédaction de tribunes libres, de témoignages clients ou d’articles destinés à la presse. Il développe parallèlement une activité de pigiste pour différents magazines locaux ou nationaux, comme « Pays du Perche », « Pando » et « Profession Photographe ». Ses thèmes de prédilection sont l’environnement et la transition agricole, l’évolution climatique et la préservation de la biodiversité, et les enjeux liés à l’alimentation en circuits courts. Installé dans le Perche depuis 20 ans, il s’appuie sur un réseau d’acteurs locaux très divers qui lui permet d’analyser en profondeur les problématiques qu’il traite dans ses articles. Il aime en outre rédiger des portraits mettant en relief le travail de l’artiste ou l’artisan – le geste et les outils – son savoir-faire, son parcours et ses préoccupations actuelles. Emmanuel a réalisé 11 portraits d’artistes du Champ des impossibles.02, publiés dans l’hebdomadaire « Le Perche » durant l’été 2021. Il a également écrit deux entretiens avec deux artistes du Champ des impossibles, à paraître aux Editions Filigrane.

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