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Partager Partager Temps de lecture estimé : 6minsPour sa troisième carte blanche, notre invitée de la semaine, la photographe Juliette Agnel qui vient de remporter le Prix Niépce et qui est actuellement exposée au festival des Rencontres d’Arles laisse la parole à Duha Mohammed, photographe soudanaise exposée en 2021 lors de l’exposition collective à Arles « Thawra! ثورة Révolution! » dont elle a assuré le commissariat aux côtés de Juliette. Les deux femmes se sont rencontrées lors du premier voyage de Juliette au Soudan pour son exposition « Taharqa et la nuit ». J’ai choisi de donner la parole aux photographes soudanais que j’avais exposés à Arles en 2021. L’expo s’appelait « Thawra! ثورة Révolution! », et c’était l’heure heureuse de la chute d’un gouvernement qui liait leurs pieds et leurs mains depuis trop longtemps, révolution réalisée à la force vivante de la poésie, de la peinture, et de la musique. En avril dernier, c’est un bouleversement meurtrier et l’arrivée massive d’une armée particulièrement féroce qui s’abat sur la capitale, elle s’empare notamment de Khartoum 2 qui devient une ville fantôme, ils entrent chez les gens, violent et tuent massivement, bombardent l’aéroport, les corps sans noms s’entassent. Les civils ne peuvent plus partir, ils tentent de rejoindre l’Egypte ou l’Ethiopie, une grande partie fonce vers la ville la plus proche, Wad Madani, ils vont chez les parents, là où ils peuvent. Les passeports ne sont pas là, pas de visas, pas d’argent pour le bus qui a vu son prix s’envoler au prix d’achat d’une maison… Les visas sont bloqués, la France est rentrée. Certains sont enfin arrivés au Caire, d’autres sont partis dans des régions plus calmes, à l’écart, ou bien encore, survivent à Omdurman où c’est un peu plus calme. D’autres sont encore encerclés et apeurés. Ils ont pris Saad Eltinay, ils sont venus le chercher dans sa maison de Khartoum 2 et l’ont retenus prisonnier. C’était au début, en mars. 3 semaines d’attentes et de peur qu’il soit mort. Ou torturé. Ou abandonné mort dans la rue. Puis ils l’ont libéré. C’était inespéré. Ils ont tiré une balle dans le genou de son frère le jour où Saad a enfin pu partir vers l’Ethiopie. Ceux qui sont étaient en voyage en Allemagne, grâce à des résidences, je pense à Muhammad Salah, ou à Eythar Gubara sont tout de même dans des états de survie. C’est un traumatisme pour tous les soudanais, et pour les artistes soudanais, un rapt de leurs espoirs. C’est pour ça que je vous propose de lire aussi la tribune qui a été publiée dans Le Monde, de la signer si vous le souhaiter, et de faire un don pour tenter d’aider les artistes soudanais qui en ont besoin. Il peut s’agir des cinéastes invités cette année à Cannes mais coincés à Port Soudan, ou des photographes qui ont exposés à Arles. Lire et signer la tribune : https://www.la-srf.fr/article/tribune-en-soutien-au-peuple-soudanais Faire un don : https://www.helloasso.com/associations/fnsac/formulaires/2?fbclid=IwAR0aYnZf2Q1weCf4_clyTUaEYOc86Z0JP3AsdG-2nxdmN92PdHZz3rTnE50 Duha Mohammed Duha était la co-commissaire de l’exposition « Thawra ! » « révolution! » je l’ai rencontrée pendant mon premier voyage que j’avais fait pour produire l’exposition « Taharqa et la nuit ». Nous avons voyagé ensemble et photographié ensemble. Dormi dans des tentes seules mais ensemble dans le désert soudanais. Elle a travaillé à Khartoum pour l’Unicef et comme designer industrielle. Elle aimerait beaucoup trouver une résidence d’artiste qui pourrait l’accueillir. Elle a quitté Khartoum et survit actuellement au Caire où les demandes de visas sont possibles. Ceci est un appel à résidence pour Duha Mohammed. Duha Mohammed aux Rencontre d’Arles 2021 From C to K De K à C Le 14 avril 2023, je fêtais mon anniversaire et nous sommes restés tard jusqu’à 2 heures du matin (le 15 avril). Je me suis réveillée lorsque mon téléphone a sonné, et que ma sœur m’a dit que la guerre avait commencé. J’ai ri, tout comme elle et mon mari au téléphone. Nous pensions tous qu’il s’agissait d’un simple jeu entre le RFS et le SAF, mais ce n’était pas le cas ! Nous avons passé le premier jour à entendre les canons et les artilleries lourdes de loin, et cela devenait de plus en plus fort et de plus en plus proche. Nous avons passé la première semaine chez nous, dans le quartier d’Alnuzha, mais nous n’en pouvions plus de ne pas avoir d’électricité ni d’eau et nous sommes allés chez un ami. Avec le temps, je me suis engourdie et je n’ai pas pu supporter toutes les émotions que j’ai vécues. J’avais l’impression de vivre un cauchemar sans fin, et c’est encore le cas aujourd’hui. J’ai essayé de documenter ce voyage, mais je ne savais pas pourquoi ! Je n’avais pas de but. Je pensais que si je mourais, ce serait peut-être quelque chose qui raconterait mon histoire, mais même ça, c’était menacé par RSF qui pouvaient m’arrêter à tout moment, et ils auraient pris mon téléphone, et effacé tout ce qu’il restait de moi. Nous avons décidé de fuir au Caire pour rejoindre ma famille. Nous y sommes parvenus au bout de huit jours, un voyage épuisant et je suis devenue plus « désensibilisée ». Après avoir rejoint ma famille, un autre niveau de peur et d’inquiétude est apparu, et de nombreuses questions se posent à moi. La peur d’être extérieur et d’être un étranger dans une ville avec laquelle je n’ai jamais eu d’histoire ni d’expérience de vie, la peur de l’inconnu par rapport au futur, la peur de voir mon mari bloqué à la maison à cause des règles de visa, et la peur de savoir si je vais réussir à survivre à tout cela ? © Duha Mohammed © Duha Mohammed © Duha Mohammed © Duha Mohammed © Duha Mohammed © Duha Mohammed © Duha Mohammed © Duha Mohammed © Duha Mohammed © Duha Mohammed Favori0
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