Archives et ainsi de suite

Marrainée par l’artiste Rima Samman, cette exposition est une réflexion autour des archives photographiques, tantôt familiales, tantôt numériques, parfois reconstituées, voire fabriquées de toutes pièces… En somme, nous avons souhaité explorer, de façon très libre, un sujet très prisé en ce moment, en essayant d’interroger les imaginaires et de (nous) émouvoir.

Collectif Atelier B_Photo. Christelle Boulin, Jean-Luc Chekroun, Françoise Constant, Nathalie Guepratte et Gloria Karayel.

Il n’y aura pas le hasard des valises chinées ou des clichés retrouvés dans cette exposition collective. Loin de la notion de documents du passé, les archives dont il est question ici sont des purs objets photographiques. Trouver des vieilles photos, quelques papiers jaunis par le temps, des objets ayant appartenus à quelqu’un qui n’est plus, ce n’est qu’un point de départ.

L’archive-objet
« La parole des choses » de Nathalie Guépratte ne montre pas des archives mais leur photo encadrée afin de raconter ce que l’objet seul ne peut pas dire. En prenant la place des objets en tant que véhicules de mémoire, leurs photos réinjectent les souvenirs subjectifs dans la mémoire collective et alimentent la complexité des rapports entre le réel et sa représentation.

La forme de l’archive
« Le cartable » de Jean-Luc Chekroun contourne la banalité du « donner à voir » par la voie formelle. En s’éloignant de l’aspect mémoriel, ses archives familiales deviennent un matériau brut à manipuler: tel un réalisateur, l’artiste choisit son cadrage, dirige les mouvements de caméra, s’occupe du découpage et du montage, à partir d’un scénario donné. Sans dévoilement, sans révélation, sans idéalisation, le résultat n’est que forme photographique.

Construire l’archive, archiver la mémoire
Inspirée par la lecture de « Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas » d’Imre Kertész, Françoise Constant propose « Mémoire répétition absence », une archive à la fois imaginaire et factuelle dans son devoir de mémoire. Si la matière première ne lui appartient pas, le geste créatif traduit le ressenti puissant de faire partie d’une histoire plus grande que soi. Telle une architecture imaginaire, ce triptyque est une sorte de mémorial, la construction d’une empreinte historique sous le signe de l’empathie.

Méta-archives
« Obsession, indécision» et « Recto / Verso » de Christelle Boulin sont deux installations méta-photographiques qui abordent la sensation de trop-plein visuel face à sa propre archive photo. A l’ère de l’image compulsive qui naît avec la photo numérique et qui s’intensifie avec les possibilités de stockage illimité du cloud, l’archive photo n’est plus un passé mais un présent continu, un défilement sans fin et parfois banal d’images, peut-être bien sans futur.

L’invention d’une archive
Pour pallier l’absence d’archives qui ont été détruites, effaçant au passage toute trace du Çaa-été, « D’avant la guerre civile » de Gloria Karayel invente une archive de toute pièce. A partir d’une image-souvenir, le geste photographique prend le dessus de la mémoire et propose une transcription possible d’une histoire qu’on avait souhaité oublier. Ce qui compte ce n’est plus le recueil de choses anciennes (Archéo), mais l’acte de commencer et de commander (Arkhein): création, plutôt que conservation.
Gloria Karayel
Curatrice