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Diplômée de l’Académie des Beaux-arts de Varsovie et en Master aux Beaux-arts de Paris, Wiktoria s’est tout d’abord tournée vers la photographie, a reçu de nombreux prix tels que l’Oskar Barnack Leica Newcomer, le Lensculture Emerging Talent Awards, le prix pour la Photographie de la Fondation des Treilles et a été exposée aux Rencontres d’Arles (Prix Madame Figaro), à la Fondation François Schneider (concours Talents Contemporains). Sa série Sparks sur la guerre du Donbas Ukraine, effectuée entre 2014 et 2016, mêle portraits, collages, vidéos et photographies. Les 72 portraits de Sparks ont été acquis par la Fondation Antoine de Galbert qui en fait don au musée de Grenoble.

Wiktoria pouvait poursuivre dans cette direction mais c’est à la suite d’une résidence en Islande qu’elle décide de donner une nouvelle impulsion à son travail : retrouver ce lien intime avec le vivant à partir de ‘rituels’ et en instaurant des interactions avec le spectateur.

Imprint-face, 2022, septaria, acier, 160x90x70 cm, Positions Art Fair, Berlin

Pouvez-vous définir votre pratique ?

Elle a beaucoup évolué ces dernières années. J’ai commencé par la photographie, la vidéo et le collage sur des sujets engagés comme la vie dans le système social complexe de la Chine contemporaine (Short Flashes, Chinese Chapters), le début de la guerre en Ukraine (Sparks) ou les migrations en Italie et en France (Labirinto, The Path). En 2014 lors d’une résidence en Islande je me suis épris des paysages et de la nature en observant les traditions et les spiritualités locales. Pour la première fois j’ai senti cette puissance des éléments naturels que l’on ne peut ignorer en vivant sur place. C’est à partir de ce moment-là que j’ai décidé de travailler sur notre relation à la nature. Avec la photographie, les images étant trop ‘limitées’ pour pouvoir exprimer tout cela, je me alors suis orientée vers la sculpture, la performance ou l’installation pour recréer une relation où l’humain n’est pas supérieur aux autres régimes du vivant.

Wiktoria, Estragon_I, série Herbarium, 2024, trace à Ia pointe sur héliogravure, unique dans l’édition, 2/3, 25 x 20 cm

Quels sont ces rituels ?

Ce sont des situations performatives où le public peut vivre une réelle expérience.

Si l’on prend par exemple Imprint-Sculpture, je taille des pierres collectées qui sont souvent semi-précieuses. Je sculpte les parties du corps en négatif comme des traces de mains, de visages. Le public peut interagir avec la pierre, la toucher, sentir la matière. Dans mon projet Study of traces j’utilise des plantes comme des catalyseurs en créant des installations avec des plantes sauvages et médicinales dont le public peut presser la surface sur la peau, qui deviennent alors comme des compresses pour nous soigner de cette amnésie de la nature. Ces traces sur la peau sont le symbole de cette expérience. Ou encore à partir d’un objet plus proche de notre quotidien, notre téléphone mobile j’ai imaginé le projet Mobile Stones qui permet de toucher la matière à partir de pierres semi-précieuses. Ce projet a été exposé au Musée d’Angers dans l’exposition ‘I’ve got a feeling’.

Dans ces situations je cherche à créer un vecteur de relation intime. Ce sont des rituels différents à chaque fois. Les pièces sont comme les outils pour ces rituels.

Place du spectateur

Le public peut expérimenter par ses sens, devenant d’une certaine manière créateur. Il peut s’approprier l’œuvre qui comporte une dimension haptique. Si l’homme s’est approprié la nature de manière abusive pendant des siècles, je cherche une connexion fondée sur le respect et la responsabilité. On fait partie de ce cycle de la nature.

Wiktoria, Flow (Imprint-sculpture), 2023, acier et craie, dimension variable

Poush

C’est un endroit qui ouvre de nombreuses opportunités en termes de rencontres professionnelles et d’échanges avec les artistes, qui ont des pratiques différentes même si nous sommes très nombreux. Ce qui génère une certaine concurrence même si elle peut être stimulante. Cela donne des réelles possibilités de rencontres qui ne sont pas possibles autrement.

Les Beaux-arts de Paris : quelles impressions ?

J’ai repris mes études trouvant la scène artistique parisienne exigeante. C’est un peu tôt pour juger même si je trouve l’ambiance bienveillante et très ouverte. Par exemple, nous réalisons une végétalisation de l’espace autour de l’atelier de Tatiana Trouvé, et même s’il était difficile au départ de convaincre l’administration étant donné l’histoire et les contraintes du lieu, nous avons rencontré beaucoup d’écoute et l’envie de changer certaines règles, de faire bouger les lignes.

Quels sont vos projets ?

Je suis actuellement exposée à la galerie Julie Carreda, dans un duo show avec l’artiste Golnaz Behrouznia, qui ferme ses portes le 27 avril prochain. Ensuite je participe à une exposition collective a la Maison Guerlain, qui ouvrira le 30 mai.

En juillet mes Mobiles Stones vont être performées par les visiteurs d’Ornamenta 2024, dans la région des forêts noires en Allemagne. Je suis enfin en train de réaliser une projection immersive de la performance Traces, crée avec une chorégraphe et sept performeur-ses dans mon jardin sauvage en Pologne.

Site internet de l’artiste :
http://www.wiktoriawojciechowska.com

Informations pratiques :
– Galerie Julie Carreda
Jusqu’au 27 avril 2024
4 rue de Miromesnil
75008 Paris
https://www.juliecaredda.com/
– Maison Guerlain
à partir du 30 mai 2024
68 Av. des Champs-Élysées
75008 Paris
Ornamenta 2024 – (Forêt Noire, Allemagne)
Du 5 juillet au 29 septembre 2024
https://ornamenta2024.eu/en

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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