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Tout en maintenant son ADN cosmopolite régionaliste et un équilibre subtil entre 60% de galeries françaises et 40 % de galeries internationales, Art Paris Art Fair ne cesse de se réinventer et de relever de nouveaux défis. Preuve en est pour cette 26ème édition avec un taux de renouvellement de 30% sur les 136 galeries participantes – en provenance de 25 pays – et la présence d’enseignes prestigieuses telles que : Almine Rech, Perrotin, Continua, Poggi ou encore Esther Schipper (Berlin), Meessen (Bruxelles), Michel Rein (Paris, Bruxelles)… Guillaume Piens, Commissaire général de la foire revient sur les immanquables de cette édition, la place de l’art moderne et les facteurs du succès, tandis que les commissaires invités : Eric de Chassey et Nicolas Trembley proposent des focus inédits. Il a répondu à mes questions avec confiance et détermination malgré un contexte global compliqué, cap olympique oblige !

Art Paris 2023, Grand Palais Éphémère © Marc Domage

Chris Dercon, Rima Abdul-Malak (ministre de la Culture) et Guillaume Piens. Art Paris 2023 © Jean Picon / Say Who

Marie de la Fresnaye : L’édition 2023 d’Art Paris avait été particulièrement remarquée avec notamment une soirée de performances mémorables : comment allez-vous nous surprendre cette année ?

Guillaume Piens : La qualité générale de la sélection avec 136 galeries de 25 pays, les projets des galeries qui sont très travaillés et présentent des pièces spécialement produites pour la foire, les thèmes 2024 avec Fragiles Utopies. Un regard sur la scène française et Art & Craft menés respectivement par les commissaires invités Eric de Chasser et Nicolas Trembley, laissent présager une 26ème édition en forme olympique !

MdF : Nicolas Trembley, l’un des commissaires invité défend le concept d’un artisanat élargi : comment cela se traduit-il dans sa sélection et en quoi cela reflète-t-il un marqueur de la création actuelle ?

GP : L’intérêt de la sélection de Nicolas Trembley est de mettre en avant les figures pionnières des années 1960 Magdalena Abakanowicz et Barbara Levittoux-Swiderska de l’école polonaise et Josep Grau-Garriga de l’école catalane, la libanaise Saloua Raouda Choucair, reconnue pour son travail sculptural sur bois ou Sheila Hicks pour ses créations textiles mais également des créateurs contemporains : Joël Adrianomearisoa ou Jeanne Vicerial qui renouvellent l’approche du textile, Jérôme Hidson et Dewar & Gicquel qui s’emparent de la céramique ou encore Jean-Marie Appriou et Michele Ciacciofera qui travaillent le ver soufflé. Enfin, le mobilier est présent avec Patrick Kim-Gustafson et Thomas Bayrle.

Daniel Dewar & Grégory Gicquel Stoneware Vessel 2023, courtesy the artists & Loevenbruck

On constate effectivement un regain d’intérêt chez les artistes contemporains pour les matériaux comme la céramique ou le textile qui montent en puissance depuis les années 2000.

Je vois dans ce regain pour la réappropriation des savoir-faire artisanaux comme l’affirmation d’un besoin de retour au travail de la matière et du fait main dans une société de plus en plus virtuelle et dématérialisée. C’est selon moi plus qu’une tendance mais un mouvement de fond qui traverse la société.

MdF : Eric de Chassey, autre commissaire invité, a axé son focus sur l’idée d’espaces utopiques : qu’est-ce qui se dégage de ce panorama selon vous ?

GP : Au travers d’une sélection de 21 artistes français aussi bien historiques (Veira Da Silva, Juliette Roche, Sonia Delaunay…) que contemporains (Yto Barrada, Nathalie du Pasquier, Raphaël Zarka…) Eric de Chassey illustre la façon dont selon lui : « les arts visuels proposent des modèles pour la perception, pour la pensée, pour l’action : des utopies en construction ».

Montauban, 2021 © Georges Rousse / Galerie Claire Gastaud

Variations sur la Knautia collina Jord. (KNAUTIE POURPRE), 2022
© Sophie Zénon / Galerie XII

MdF : Parmi le nombre de solo-shows, autre critère important d’Art Paris, quelles propositions sont-elles incontournables ?

GP : Parmi les historiques il ne faut pas manquer le stand de la galerie Patrice Trigano. Celui-ci rend hommage à Jean Hélion (1904-1987) à l’occasion de la rétrospective au Musée d’art moderne de Paris qui retrace le parcours de ce peintre qui fut un pionnier de l’abstraction dans les années 1930 avant d’évoluer vers une figuration personnelle. Il y a également chez Jacques Bailly une exposition monographique dédiée à André Masson (1896-1987), surréaliste de la première heure avec un ensemble d’œuvres des années 1930 à 1950, dont certaines inédites. Ceci à l’occasion des 100 ans du Surréalisme et de la rétrospective d’André Masson au Centre Pompidou Metz. Du côté des contemporains, j’irai voir le dernier travail de Gilles Barbier chez Huberty & Breyne, Samantha Mc Ewen, une redécouverte des années 1980 chez Modesti Perdriolle, l’artiste colombienne Leyla Càrdenas chez Galerie Dix9 Hélène Larcharmoise qui tisse littéralement ses photographies ou encore Sophie Zénon qui a imaginé pour la Galerie XII une scénographie tout à fait particulière. Chez les artistes émergents j’ai hâte de découvrir les installations textiles et sculpturales de Pauline-Rose Dumas à la galerie Anne-Laure Buffard ou encore les dessins et céramiques d’Ellande Jaureguiberry à la galerie 22, 48 m2.

Auto-sculpture I, 2015
© David de Beyter / Galerie Bacqueville

MdF : Restez-vous confiant malgré un contexte géopolitique compliqué et un relatif fléchissement du marché ?

GP : Il est vrai que le marché de l’art traverse une zone de turbulence mais il n’est pas à l’arrêt. Je reste confiant pour Art Paris qui est une foire où les galeries ont toujours bien vendu malgré des contextes tendus en France (les manifestations liées à la réforme des retraites en 2023, la crise du Covid, les Gilets Jaunes en 2019, les grèves de transport en 2018…). Nous sommes également une foire accessible en termes de prix, ce qui est certainement un atout pour la période que nous traversons.

MdF : Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à de primo-collectionneurs ?

GP : Visiter les galeries qui sont des passeurs formidables pour comprendre la création contemporaine, acheter des œuvres qui vous touchent véritablement et avec qui vous avez envie de vivre. Commencer une collection avec des éditions d’art qui sont accessibles en termes de prix. Et par rapport à la visite d’une foire comme Art Paris, consulter le site www.artparis.com qui est très riche en contenu (voir la visite virtuelle de la foire, les cahiers écrits par les commissaires invités, les miniwebsites dédiés à chaque galerie avec une sélection d’œuvres proposées pour la foire..), sans oublier la rubrique « Oeuvres » qui permet grâce à des filtres de faire des recherches par artiste, ordre de prix, origine géographie, technique…

A noter : Le Prix BNP Paribas Banque Privée. Un regard sur la scène, un nouveau prix de 30 000 euros en soutien à la scène française.

INFOS PRATIQUES :
Art Paris Art Fair, 26ème édition
Du 4 au 7 avril 2024
Grand Palais Ephémère
2 Pl. Joffre
75007 Paris
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https://www.artparis.com/fr

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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