Marion Hislen, nommée Présidente du CRP/ de Douchy-les-Mines

Dans l’atelier, entre les murs de leur maison-studio, les artistes réunis ici prennent pour objets cuillères, patates, brosses à dents jusqu’à l’indispensable téléphone portable : toutes choses opportunément banales. En leur compagnie, ils entreprennent de « désaffubler » leur médium, qu’il soit photographique ou vidéo.

Avec Stefano Bianchi, Anna et Bernhard Blume, Ulla Von Brandenburg, Thorsten Brinkmann, Robert Cumming, Elspeth Diederix, Alina Maria Frieske, Barbara Iweins, Baptiste Rabichon, Augustin Rebetez et Patrick Tosani.

Quand Francis Ponge publie Le Parti pris des choses en 1942 la guerre est planétaire et terrible. Alors que des cieux du continent européen pleuvent les bombes, le poète entreprend de scruter les objets ordinaires de sa sphère quotidienne. Des poèmes en prose dédiés au cageot, au pain ou encore à la bougie se succèdent dans ce Parti pris des choses devenu monument littéraire. « C’est en partant d’en bas, explique l’auteur, qu’on a quelque chance de s’élever. (…) Il s’agit d’une parti en tête à tête, à l’effet d’en perdre la tête. » À vrai dire, ce que l’auteur du Savon et de La Crevette dans tous ses états prend au sérieux, cette chose, objet de toutes ses attentions, qu’il poursuivra sa vie durant, c’est la langue. Dans l’atelier, entre les murs de leur maison-studio, les artistes réunis ici prennent pour objets cuillères, patates, brosses à dents jusqu’à l’indispensable téléphone portable : toutes choses opportunément banales. En leur compagnie, les artistes entreprennent de « désaffubler » leur médium, qu’il soit photographie ou vidéo. « Rien n’est plus réjouissant, déclarait encore le poète, que la constante insurrection des choses contre les images qu’on leur impose. Les choses n’acceptent pas de rester sages comme des images. » L’artiste, comme l’écrivain, fait ce rêve éveillé, récurrent : il choisit un objet, l’approche, tourne autour ; pourtant il échoue à représenter l’objet portraituré qui se dérobe, voire se révolte. Opiniâtre, il y revient pour reprendre le dialogue avec la chose. L’exposition figure ces conversations secrètes. Qu’elles soient solennelles ou absurdes, ascétiques ou fleuves, elles formulent toutes le désir tenace de chacun de trouver sa manière d’être au monde. Raphaëlle Stopin

Commissariat : Raphaëlle Stopin, directrice du Centre photographique Rouen Normandie

► Vernissage le samedi 27 janvier à partir de 12h30, en présence d’artistes et de la commissaire

Le CRP/ remercie Madame Armande Ponge et la Société des Lecteurs de Francis Ponge (SLFP) de leur aimable autorisation et de leur soutien.

Photo : Katalog, 2017-2021 © Barbara Iweins

Au cœur de la 14e édition du festival Circulation(s) résonnent une nouvelle fois les pulsations et les revendications de la photographie émergente européenne. La sélection présentée cette année est rythmée par une fluidité inédite et une propension toujours plus forte à l’expérimentation.

Les 24 artistes, de 14 nationalités différentes, repensent l’image. Elle évolue de fixe à animée sans contrainte, émane de techniques anciennes et d’intelligences artificielles, s’empare de sources historiques et populaires, numériques ou archivistiques, personnelles ou universelles. Les supports et les genres sont eux aussi poreux. Littérature et photographie s’entremêlent, la performance et le geste nourrissent ou étirent la narration, la vidéo crée des combinaisons et des complémentarités.

La fluidité traverse également les thématiques abordées. Les identités et parcours queers s’incarnent, réaffirmant la nécessaire inclusivité et représentation. Les formes de l’impact colonial et de l’invisibilisation des minorités ethniques sont explorées. L’absurdité des autoritarismes est décortiquée et la protestation devient matière. L’intime comme le collectif sont politiques, et restent au cœur de notre programmation dans une volonté de montrer, de faire comprendre et de refléter la multiplicité des préoccupations de la scène photographique émergente.

Dans ce contexte et au sein d’un territoire européen marqué par une guerre qui s’inscrit dans la durée, le focus que nous dédions cette année à l’Ukraine prend tout son sens. Il révèle un aperçu d’un écosystème photographique qui n’a de cesse de s’adapter, de faire face, avec force et lucidité, s’emparant à bras le corps des enjeux identitaires, territoriaux et géopolitiques.

À l’aube de nos 15 ans, cette édition a la forme de ce qu’est aujourd’hui devenu le festival et de ce qu’il défend. Multidirectionnelle et innovante, elle reflète notre appétence pour la pluralité, la fragilité et la transformation perpétuelle. En cela, elle est à l’image même du fonctionnement du festival, porté par un commissariat collectif de huit directrices artistiques, une structure associative et une équipe très majoritairement bénévole que nous remercions chaleureusement.

Au sein des 2 000 m2 du CENTQUATRE-PARIS qui nous accueille, nous vous invitons à découvrir les expositions, fortes d’un nouveau principe scénographique conçu aux côtés du talentueux studio BigTime, et le programme événementiel qui les accompagne. Bonne visite !

Photo : We Can’t Imagine the Length of Time it Took to Make the Universe © Diambra Mariani