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Retour sur le Parlement de la Photo 2024 : Quand l’IA s’invite dans les métiers de l’image : jusqu’où iront les bots et les robots ?

Temps de lecture estimé : 6mins

© Martin Chang SIPA PRESS

La 5ème édition du Parlement de la Photographie sur la thématique « Penser ensemble le futur de la Photographie » s’est déroulée au Palais de Tokyo à Paris les 5 et 6 juin derniers. Au cours de l’été, le ministère de la Culture a publié les rediffusions des différentes tables rondes. Chaque jour, nous partagerons avec vous les échanges et débats qui ont eu lieu. Aujourd’hui, nous terminons avec la passionnante table ronde sur l’intelligence artificielle : « Quand l’IA s’invite dans les métiers de l’image : jusqu’où iront les bots et les robots ?« .

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En janvier 2024, un rapport du FMI établit que près de 40 % des emplois dans le monde vont être affectés par l’IA. Point sur l’état de l’art et les impacts pour la filière photographique.

Alexandra Bensamoun, Professeure de droit privé, introduit cette table ronde consacrée à l’intelligence artificielle. En tant que personnalité qualifiée au Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique pour le ministère de la Culture, elle comptait parmi les 15 experts de la Commission interministérielle sur l’IA qui ont remis un rapport avec 25 recommandations au Président de la République. Le 13 mars dernier, le Parlement européen a adopté la première réglementation mondiale sur le sujet : l’AI Act. Le législateur européen a fixé des obligations en matière de respect du droit d’auteur et a imposé de la transparence aux fournisseurs de modèles d’IA auprès des titulaires de droits. Aujourd’hui, et c’est un vrai enjeu pour les créateurs, ils ont le droit de refuser que leur contenu soit fouillé et utilisé pour entraîner une intelligence artificielle.
L’arrivée de l’IA aura un impact important sur les métiers. Bien qu’elle agira majoritairement en complémentarité dans beaucoup de secteurs, on ne peut pas ignorer qu’il y aura aussi un effet d’éviction et d’effacement de certains métiers. Comme le précise dans son introduction Alexandra Bensamoun, il s’agit de dédiaboliser l’intelligence artificielle sans l’idéaliser. L’IA, « c’est avant tout ce que nous en ferons ».  Alexandra Bensamoun vient d’être à nouveau missionnée par la Ministre pour deux commandes au Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique, l’une portant sur une expertise sur l’obligation de transparence prévue par le règlement européen, l’autre sur l’application du droit d’auteur dans le cas d’utilisation d’œuvres par les fournisseurs d’IA.

Pour débattre de l’IA lors de cette table ronde, quatre personnes sont invitées autour de la journaliste Clémentine Mercier. Le premier à prendre la parole est un artiste photographe, Éric Tabuchi, qui travaille avec sa compagne Nelly Monnier, sur un projet pharaonique, un Atlas des régions naturelles débuté en 2017. Après avoir réalisé un premier corpus photographique, Éric publie une série construite à partir d’images récupérées sur Internet, Atlas of Form, suivie d’une sorte de réédition intitulée The Third Atlas, entièrement réalisée par IA à partir de ses propres images. Cet ouvrage nait rapidement après avoir exploré la version 5.2 de Midjourney. Dans cette série, le photographe désirait expérimenter ce nouvel outil plutôt que de le subir.

Cendrine Gabaret est agent d’artistes photographes, elle compare l’arrivée de l’IA à la naissance du digital qui a atténué l’exigence de l’œil. Avec 10 photographes au sein de son agence, Cendrine les invite à considérer l’IA comme un nouveau dispositif qu’il faut explorer. L’agence a pu réaliser une première commande avec l’aide de l’Intelligence Artificielle générative : le photographe Marc Da Cunha Lopes a produit des images pour une fondation de malvoyants. Après avoir réalisé des entretiens de personnes qui ont perdu la vue, le photographe a travaillé sur des prompts pour se rapprocher au plus près de la description de chacun. Une expérience qui fait sens humainement. Pour Cendrine, il est important d’insister sur l’expertise et la connaissance de l’image par les photographes pour garantir le contrôle de l’image et cela représente un temps de travail très conséquent. C’est pour elle la vraie valeur ajoutée d’un photographe.

Pour parler du champ de la presse, Lionel Charrier, Rédacteur en chef photo de Libération rappelle qu’ils ont dû rapidement se positionner sur cette technologie, car la véracité des images est un point crucial pour l’information. Ils font donc appel à l’IA uniquement pour les sujets qui s’y rapportent et les visuels sont toujours réalisés par des artistes ou des photographes qui travaillent le prompt. Lorsqu’une création est publiée, il faut que cela soit clair pour le lecteur, aucun doute ne doit être possible. Pour ce qui touche au domaine de la presse, Lionel Charrier n’est pas inquiet sur le rôle essentiel des photojournalistes car pour réaliser des reportages, l’IA ne pourra se substituer aux photographes.

Pour finir cette table ronde consacrée à l’IA et aborder les questions de production dans le champ publicitaire, Annick Teboul, Directrice de création chez BETC fullsix, partage son expérience sur l’arrivée de l’Intelligence Artificielle. Si au départ, il y a eu beaucoup d’interrogations sur la part de créativité et de liberté que l’IA pouvait laisser, il s’est finalement révélé être un très bon outil qu’il fallait apprendre à maîtriser. Dans les agences de publicité, aujourd’hui, elle confie que c’est un terrain de jeu sans limite et qu’il est très régulièrement utilisé. Malgré cela, l’agence BETC fullsix fait toujours appel à des photographes, mais lorsqu’un budget et des délais sont réduits, ce sont les plateformes comme MidJourney qui sont utilisées…

Même si l’état de l’art en matière de législation a énormément évolué en un an, les débats demeurent toujours vifs au sein du secteur : les questions de sémantique, d’esthétique et d’économie ont largement animé la table et le public.

➔ Introduction par Alexandra Bensamoun, professeure de droit privé, Université Paris-Saclay, personnalité qualifiée au Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique – ministère de la Culture
➔ Avec : Lionel Charrier, rédacteur en chef photo de Libération — Cendrine Gabaret, conseillère images et production, agent d’artistes — Éric Tabuchi, artiste photographe — Annick Teboul, directrice de création chez BETC fullsix.
➔ Modération : Clémentine Mercier, journaliste au service culture du journal Libération.

A LIRE
Parlement de la Photographie 2024 : Quand l’IA s’invite dans les métiers de l’image Entretien avec Alexandra Bensamoun et Eric Tabuchi

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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