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« Histoire(s) sans fin » est la toute dernière exposition présentée à la Galerie Le Réverbère, à Lyon. Catherine Derioz et Jacques Damez ont annoncé avant l’été la fermeture définitive de la galerie après 43 ans d’activité. Un arrêt aussi triste que brutal. Après avoir interrogé les premiers photographes de la galerie, nous poursuivons avec un nouvel entretien avec le photographe français François Deladerrière, représenté par la galerie depuis 2005 qui revient sur cette aventure photographique et se confie sur l’arrêt du Réverbère.

Ericka Weidmann : Pouvez-vous nous raconter votre rencontre avec Catherine et Jacques et comment avez-vous intégré la galerie ?

François Deladerrière : Je connaissais Jacques et Catherine avant d’intégrer la galerie, c’était une relation amicale commune avec Geraldine Lay, qui avait été l’étudiante de Jacques.
C’est après avoir vu notre exposition collective « Un Mince Vernis de Réalité » à la Galerie Madé en 2004 que Jacques nous a proposé d’entrer à la galerie, pour ce qui était alors une première exposition test : « Les pépinières du Réverbère ». Nous étions présentés avec Julien Guinand et Delphine Balley.
Les ventes n’ont pas tout de suite été au rendez-vous, malgré cela Catherine et Jacques ont décidé de poursuivre l’aventure. Je crois qu’une des vraies particularités du Réverbère est d’avoir accepté de penser les choses sur le temps long. C’est ce qui a fait la force et la singularité de cette galerie.

CALAMITA/À. An investigation into the Vajont catastrophe © François Deladerrière / Courtesy Le Réverbère

CALAMITA/À. An investigation into the Vajont catastrophe © François Deladerrière / Courtesy Le Réverbère

CALAMITA/À. An investigation into the Vajont catastrophe © François Deladerrière / Courtesy Le Réverbère

E. W. : Que représente pour vous cette collaboration ?

F. D.: La collaboration avec Jacques et Catherine, ce sont d’abord des échanges, un regard porté sur un travail en train de se faire, ce sont des critiques, une certaine vision de la photographie.
Ce que je retiens surtout du début de nos échanges, c’est un regard précis, critique parfois, sans concession, mais enthousiaste.
Pour moi, c’était intimidant car j’intégrais un groupe qui comptait Bernard Plossu, Denis Roche, William Klein, Beatrix Von Conta… Sans bien sûr se comparer à ces grands noms, faire partie de ce groupe
confère une certaine responsabilité. Même si on essaie d’y penser le moins possible !
Et puis produire des images susceptibles d’être achetées par des collectionneurs, c’est très particulier. Je crois que cela rend plus attentif aux questions de formats, de technique, de présentation. Aux questions de conservation également. À la question de la cohérence de son travail sur le temps long. La relation aux collectionneurs est elle aussi particulière.
Une personne passionnée, prête à investir une certaine somme pour faire l’acquisition d’un tirage ou d’une série a nécessairement un regard très aiguisé.
Cela rend la relation Artiste / galerie / collectionneur unique et très riche. Les galeristes étant dans cette histoire le pont, les passeurs, les entremetteurs, mais pas que.
Ils ont eu dans mon parcours d’artiste un rôle d’accompagnants, de conseils et de critiques. Et puis Jacques est également photographe, il poursuit une œuvre personnelle, nos échanges sont enrichis par ce travail de recherche. Il est certain que mon travail n’aurait pas été le même si cette collaboration à tous ces niveaux n’avait pas existé.
Aujourd’hui j’ai le sentiment d’avoir intégré nos échanges, nos dialogues, et je n’ai pas toujours besoin de montrer mes images pour deviner ce qu’ils en penseraient.

CALAMITA/À. An investigation into the Vajont catastrophe © François Deladerrière / Courtesy Le Réverbère

Exposition Alexandrie, Mucem, février 2023. © François Deladerrière / Courtesy Le Réverbère

CALAMITA/À. An investigation into the Vajont catastrophe © François Deladerrière / Courtesy Le Réverbère

E. W. : Comment voyez-vous la suite, sans Le Réverbère ?

F. D. : C’est l’inconnu. Je vois cela comme une occasion de repenser en profondeur ma pratique, la questionner, faire de nouveaux choix dans mes recherches à venir.
Je serai heureux de pouvoir continuer à dialoguer avec Jacques et Catherine, car nos échanges sur la photographie ne sont pas simplement liés à un rapport artiste / galerie. Je crois que l’histoire de la galerie le Réverbère a engendré une vraie communauté de pensée, ça a été le lieu au sein duquel nous avons revendiqué une certaine conception de la photographie, une exigence. J’espère que sous une forme ou une autre cette pensée en mouvement perdurera, ne serait-ce que par des échanges, et peut-être des initiatives plus ponctuelles, nous verrons. Il y a d’ailleurs une exposition à venir au printemps à Montélimar au centre d’art Chabrillan qui va permettre de faire perdurer le temps d’une exposition ces dialogues photographiques.

Quelques projets sont en cours, l’édition toute fraîche d’un imposant catalogue aux éditions FW:Books retrace l’aventure qu’a été le projet collectif CALAMITA/À, nous allons maintenant chercher à diffuser ce travail en France et mettre en lumière ce très bel ouvrage. Et puis il y a un projet de livre enthousiasmant avec les éditions 205, avec une équipé très à l’écoute… D’autres choses se mettent en place, comme des projets de résidence qui vont rendre cette année très dense mais passionnante.

Cap Corse, 2018
Impression pigmentaire réalisée par l’atelier
SHL, Arles. 30×40 cm © François Deladerrière / Courtesy Le Réverbère

Cap Corse, 2018
Impression pigmentaire réalisée par
l’atelier SHL, Arles. 20×30 cm © François Deladerrière / Courtesy Le Réverbère

Cap Corse, 2018
Impression pigmentaire réalisée par l’atelier SHL, Arles. 30×40 cm © François Deladerrière / Courtesy Le Réverbère

Piana, Corse, 2019
Impression pigmentaire réalisée par l’atelier SHL, Arles. 30×40 cm © François Deladerrière / Courtesy Le Réverbère

Corse du sud, 2019
Impression pigmentaire réalisée par l’atelier SHL, Arles. 30×40 cm © François Deladerrière / Courtesy Le Réverbère

E. W. : Cherchez-vous une autre galerie pour vous représenter ?

F. D. : Je ne cherche pas aujourd’hui une autre galerie. J’ai toujours fonctionné avec le hasard des rencontres, j’espère que d’autres collaborations se mettront en place, peut-être sous une autre forme qui reste à inventer.

INFORMATIONS PRATIQUES

ven20sep(sep 20)14 h 00 minsam28déc(déc 28)19 h 00 minHistoire(s) sans finExposition collectiveGalerie Le Réverbère, 38 rue Burdeau 69001 Lyon

A LIRE
Galeries photo : des fermetures en cascade…
La fin d’une utopie. Rencontre avec Catherine Derioz et Jacques Damez de la Galerie Le Réverbère

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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