Pour sa quatrième et dernière carte blanche, notre invité – Fred Boucher, directeur artistique de Photaumnales et directeur de l’association Diaphane, porteuse du projet – revient sur l’importance de la commande photographique. À travers l’exemple du travail méconnu de Jean-Pierre Sudre, il interroge la valeur patrimoniale des images produites dans le cadre de commandes industrielles et rappelle combien la photographie d’auteur a un rôle essentiel à jouer dans la mémoire collective comme dans le monde de l’entreprise.

© Jean-Pierre Sudre

© Jean-Pierre Sudre

En 2016, à l’occasion de la préparation d’une exposition consacrée à Jean-Pierre Sudre pour le festival des Photaumnales, j’ai rencontré sa fille, Fanny, afin de sélectionner des images originales de ses cristallographies. Au détour d’une conversation, elle me présenta des albums de photographies industrielles réalisées par Jean-Pierre Sudre entre 1956 et 1967. L’idée de présenter ce travail dans le cadre de la biennale Usimages de la photographie industrielle s’imposa alors comme une évidence, et je décidai d’enquêter sur ce pan méconnu de l’activité commerciale du photographe. Avec l’aide de Sylvain Besson, du Musée Nicéphore Niépce, j’ai pu me plonger dans les archives industrielles de Jean-Pierre Sudre.

Grâce à la commande commerciale, et comme de nombreux photographes de sa génération, Jean-Pierre Sudre a constitué, dans une pratique curieuse de la photographie documentaire et référencée, un corpus d’images devenu aujourd’hui historique sur le monde du travail des années 1950 et 1960. Son souci de l’archivage de ses commandes prouve qu’au fond de lui-même, il avait pleinement conscience de la valeur patrimoniale et artistique des documents photographiques qu’il produisait.

© Jean-Pierre Sudre

© Jean-Pierre Sudre

© Jean-Pierre Sudre

La question de la commande est, selon moi, un enjeu central : elle permet aux photographes de vivre de leur travail tout en valorisant leur savoir-faire. Il n’y a aucune opposition entre commande en entreprise et création artistique ; au contraire, les deux peuvent – et doivent – se nourrir mutuellement.

On constate pourtant un manque criant de culture photographique chez les décideurs et les professionnels de la communication. Changer le regard des futurs décideurs est essentiel pour redonner une place à l’image d’auteur dans le monde de l’entreprise. Aujourd’hui, les banques d’images ont largement supplanté les regards singuliers des photographes. Cette « fast-image », consommable et jetable, ne résiste ni au temps ni à l’usure de la mémoire. Elle participe à une dilution du commun, affaiblissant notre capacité à construire une mémoire collective.

En négligeant leur propre mémoire photographique, les entreprises prennent le risque de s’effacer sans laisser de traces, sans reconnaissance pour les femmes et les hommes qui ont contribué à leur développement.

INFORMATIONS PRATIQUES

sam20sep(sep 20)10 h 00 minmer31déc(déc 31)19 h 00 min22ème Edition - Photaumnales 2025 Habiter & Brasil Le quadrilatère, 22, rue Saint Pierre 60000 Beauvais

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