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Carte blanche à Fiona Sanjabi : Un amour champêtre, par Edouard Boubat

Temps de lecture estimé : 3mins

Pour sa deuxième carte blanche, notre dernière invitée de la saison, la directrice artistique de la Galerie Rouge Fiona Sanjabi, revient sur un tirage d’Edouard Boubat qu’elle a choisi d’inclure dans son portrait chinois. Cette photographie est un véritable coup de cœur, elle date de 1948, et n’a pas de titre, elle l’a alors appelée « Un amour champêtre »…

Si vous étiez une photo accrochée sur un mur ? Cette photographie d’Edouard Boubat que j’appelle « Un amour champêtre », mais qui n’a pas de titre. Elle date de 1948.*
J’ai aimé cette photo tout de suite, elle s’est imprimée dans mes yeux, de la même manière que la plupart des photographies de Manuel Alvarez Bravo, qui sont en permanence avec moi, et dont j’ai souvent rêvé avant et après mon exposition « Songes mexicains ».

Mais revenons à Edouard Boubat, et à l’amour. Avant même de m’être plongée plus précisément dans son œuvre lorsque j’ai pensé l’exposition « Romantique » en collaboration avec son fils Bernard Boubat, qui a été d’une aide très précieuse et qui m’a témoigné d’une grande confiance, cette photographie : ombre de brindille mystérieuse sur cette main, qui est celle de la femme qu’il aime, Lella, sur fond de jardins, avec les motifs de sa robe à pois, des plis de son corsage blanc, et son collier de perles que l’on devine à travers sa chevelure ondulée, m’a immédiatement appelée. Image du début de la carrière de l’artiste, elle pourrait nous éclairer sur la suite de son œuvre car elle nous dévoile tous les éléments qui deviendront récurrents dans sa photographie. On y voit les cheveux longs et ondulés, un esprit bucolique, une innocence, un talent pour tirer le meilleur des jeux de lumière, et en même temps, une pudeur ou une liberté d’interprétation qu’il nous laisse, en ne dévoilant pas le visage de sa bien-aimée. Je parle de liberté d’interprétation parce que Boubat ne donnait pas de titre à ses œuvres, il préférait laisser une place à la poésie plutôt que de tout expliquer. D’ailleurs, il écrivait des poèmes, et s’il choisissait la forme poétique pour parler de son travail, c’est bien parce que poésie et photographie étaient une même discipline chez lui. On sent bien sûr l’amour à travers cette image, la liberté, l’insouciance, la poésie et le printemps.

Je termine simplement en citant l’artiste, qui nous raconte dans Lella, aux Editions Cahier d’Images :
« En poésie, il n’y a ni commencement, ni fin. Et la photographie partage ce privilège. Simplement la saisie de l’instant.
Salut l’histoire ! Il n’y a plus d’histoire (je veux dire pas de déroulement, pas de roman).
Seulement des éclairs, des éclairs de lumière.
Une ouverture vers l’infini.
Ce signe (mystère) gravé sur l’objectif.
Tes photos tu ne les fais même pas, elles sont volées : comme un baiser volé ; avec ton désir et le consentement (non avoué) de l’autre. Plus de vis-à-vis.
Embrasseur et embrassée s’unissent. Photographe et photographiée se devinent dans la photographie.
Plus tard, le photographe (comme voleur de temps) court encore vers l’instant irrattrapable. »

Edouard Boubat, 3 juillet 1986

*Issue du portrait chinois publié lundi 29 juin 2020.

La Rédaction
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