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Paris, le 13 novembre 2015 – du jour au lendemain…
Une exposition et une campagne participative Instagram

Temps de lecture estimé : 9mins

Cinq ans nous séparent des attentats perpétrés à Paris qui ont fait 137 morts. À cette occasion, l’association 13onze15 – Fraternité et Vérité a confié à Laura Serani et Camille Morin l’organisation d’une exposition photographique en hommage aux victimes. 42 photographes français et internationaux ont répondu présent, chacun·e ayant soumis une image et un texte explicatif. L’exposition devait être inaugurée ce jour sur les grilles du Jardin May-Picqueray, anciennement square Bataclan. Compte tenu de la situation sanitaire actuelle, l’exposition est prolongée et une campagne participative Instagram est ouverte à tout·es !

Espace virtuel de mémoire collective en hommage aux victimes des attentats du 13 novembre 2015

Dans le cadre de l’exposition « Paris, le 13 novembre 2015 – du jour au lendemain… » et pour commémorer les 5 ans des attentats, l’association de victimes et proches de victimes 13onze15 – fraternité et vérité propose au grand public de participer à la campagne Instagram #Journaldu13.
Vous êtes invités à partager une image prise le 13 novembre 2015, avant les attentats, ou une photo que vous associez à cet événement ; et de l’accompagner d’une légende de quelques lignes qui explique cette image ou qui raconte votre expérience du 13 novembre 2015.
Collaborez à la création d’un espace virtuel de mémoire collective et photographique en hommage aux victimes.

– Identifiez @13onze15 dans votre publication,
– utilisez le #Journaldu13 ou
– envoyez-nous un mail à contact@13onze15.org
et nous la partagerons sur le compte de l’association.
La seule règle : nous vous demandons de ne pas envoyer d’images des attentats par respect pour les victimes et leurs proches.
Retrouvez d’ores et déjà les publications qui nous ont été envoyées sur notre compte @13onze15

(…) La photo VIVRE a été prise il y a longtemps, en 1992. C’est un graffiti badigeonné sur un mur de la cokerie de la commune de Drocourt, dans le nord de la France, juste avant qu’elle ne ferme, mettant au chômage des centaines de gens dans une région déjà sinistrée économiquement. Cette photo est ma réponse à ce terrorisme.
« VIVRE, Graffiti sur le mur de la cokerie », Drocourt, France, 1992 © Jane Evelyn Atwood

L’exposition des 42 photographes

Les photographies devaient être inaugurée, ce 13 novembre, sur les grilles du jardin May-Picqueray. L’exposition a été prolongée jusqu’au 11 mars prochain, pour permettre au plus grand nombre de découvrir l’hommage de ces artistes face à cette tragédie.

Chroniques et réponses, pour un manifeste à la vie par Laura Sérani

J’ai seulement réalisé que cinq ans étaient déjà passés depuis le soir où Paris a été précipité dans la peur et la douleur quand les adhérents de l’association 13onze15 m’ont parlé de leur projet d’exposition. De cette nuit du 13 novembre 2015 nous sommes nombreux à avoir vécu en direct la confusion des informations, l’anxiété pour des proches, la peur qui planait sur la ville. Et, bien au-delà de la proximité géographique avec les lieux des attaques, tout le monde a été sidéré et ébranlé par la violence inattendue qui a interrompu le cours ordinaire des choses et par le caractère dévastateur et symbolique des événements. En rencontrant des survivants et des parents de victimes, ma perception de cette nuit a changé et mon expérience périphérique relativisée face à leurs drames, si présents malgré l’absence de récits subjectifs et la pudeur de leurs sentiments.
Attitudes frappantes tout comme la volonté d’élaborer le deuil dans le partage et de rappeler le souvenir des victimes avec un message réparateur. Ces intentions à la base du projet d’exposition collective suggéré par Julien Thomast ont été adoptées et portées avec élan et détermination par les autres membres de l’association, en particulier Philippe Duperron et Faustine Drean. Je les remercie de m’avoir confié la direction artistique d’un projet aussi sensible, que j’ai acceptée, consciente de la responsabilité particulière de cette mission, à commencer par la définition du sens, du message et de la lisibilité du projet complexe qu’il fallait proposer aux artistes.

(…) Novembre 2019, Lanzarote, 16 °C. Je lui demande de se mettre nu dans ce paysage désertique. C’est devenu une habitude, partout où nous allons, il se déshabille, je le photographie. Lui, c’est l’homme que j’aime, mais c’est aussi le dernier homme. Ou le premier. L’homme fragile qui a tout perdu à force de détruire. Mais aussi l’homme libre, celui qui refuse les entraves, celui qui choisit la vie.
« La richesse des continents et la providence des hommes en fuite #12 », 2019, © Letizia Le Fur

Dans sa construction et sa mise en forme, le rôle de coordinatrice de Camille Morin, qui a rendu possibles même les plus utopiques de nos objectifs, a été fondamental.
Le 13 novembre 2015 les acteurs du milieu de la photographie se réunissaient à l’occasion de la foire internationale Paris Photo.
Leur présence à Paris nous est apparue comme le dénominateur commun qui nous permettrait de choisir des photographes aux horizons et aux approches différents et de leur proposer de raconter comment ils avaient vu la journée du 13 novembre basculer.

Ensuite, afin de lier leurs images aux événements, et pour donner une unité à l’ensemble, les artistes sélectionnés ont été invités à articuler un projet en deux parties.

La première partie : « Le Journal du 13 », propose un recueil de clichés instantanés pris avant 21 heures, racontant une journée comme les autres.
La deuxième partie : « Du jour au lendemain », rassemble des images, métaphores ou messages, qui sont les réponses des artistes à la terreur qui nous a été imposée et qui a effacé la relative tranquillité de nos modes de vie et de cohabitation.

(…) Dans la rue se dessinait, en grande partie inaperçu, un décor de mégots de cigarettes, de traces de pneus et d’empreintes de pas, comme une scène de crime en fournit les preuves. En regardant la photo aujourd’hui, je pense à la façon dont l’histoire imprègne nos vies et les surfaces qui nous entourent, et comment, comme pour d’autres atrocités telles que Tiananmen et le 11 septembre, la photographie nous aide à ne jamais oublier.
« Paris, 15 novembre 2015, III (Le Carillon, rue Alibert) », De la série « Paris, novembre », 2015 © Sze Tsung Nicolás Leong. Courtesy de l’artiste et Polka Galerie, Paris.

Plus de quarante photographes ayant vécu de près la nuit du 13, venant juste de quitter la ville ou ayant été stoppés dans leur venue
à Paris, ont ainsi répondu à notre proposition.
La variété de leurs origines est venue enrichir la diversité des regards à travers une approche souvent conceptuelle pour les photographes étrangers et plus intimiste pour ceux habitant à Paris qui illustrent leur quotidien ou proposent une vision de proximité.
Tous ont interprété de façon surprenante les recommandations de cette sorte de « commande » à thème, mais aussi absolument libre, avec pour seule « consigne » d’éviter toute image liée aux attaques.
L’objectif n’étant pas de remémorer la violence, mais de ne pas oublier les victimes. En leur mémoire, pour leurs proches et pour les Parisiens, cette exposition est conçue comme un manifeste à la vie.
Pour ne pas oublier cette nuit tragique et refuser toute logique de mort.

Si les photographes ont immédiatement adhéré au projet, le choix des images a souvent été plus long. Les échanges ont été nombreux pour arriver ensemble à donner forme à des sentiments, des souvenirs, des émotions, presque indicibles ou jamais formulés auparavant en images.
Bien consciente du temps et des réflexions nécessaires, je suis particulièrement reconnaissante envers tous les photographes qui nous ont suivis et qui ont construit ce projet avec nous, pas à pas.

(…) Ma réponse aux attentats est cette photo prise avec mon fils, sur laquelle nous éclatons de rire dans une atmosphère de complicité certaine. Je crois que le seul remède à nos maux est l’amour. Aimer et être aimé en retour, c’est tout ce qui compte.
« L’éclat de rire », 2008 © Carolle Benitah

Choisis pour leur regard, leur sensibilité et leur démarche, tous nous ont ouvert bien plus que leurs archives, ils nous ont ouvert leur univers, révélé leurs sentiments, dévoilé des souvenirs intimes, des peurs, des angoisses et des espoirs, avec générosité et sincérité.
Leurs images, parfois sombres, parfois lumineuses, sont une invitation au voyage dans des mondes intérieurs ou offrent un éclairage particulier du réel, comme vu par un troisième œil.
Chaque artiste a exprimé une volonté d’aller au-delà des événements et de leurs conséquences en cherchant des clés de lecture dans l’histoire passée et récente, ou dans son histoire personnelle.
En cherchant le réconfort dans l’affection d’une famille d’origine ou d’adoption, dans l’amour de ses enfants ou dans des rêves de jeunesse, des gestes, des lieux et des objets familiers, dans la tranquillité et l’harmonie des paysages, tous ces éléments rassurants si nécessaires à la survie.
Parfois la douleur de ces moments ravive des peines anciennes et dans la nuit des images on retrouve les silences et les conditions nécessaires au deuil. Puis des petites lumières viennent percer l’obscurité, et avec elles l’espoir revient.
Parfois les photographes nous invitent dans des mondes lointains, sereins ou inquiétants, nous montrent l’ordre et le chaos avec des clichés issus de leurs projets et de leurs voyages, parfois leurs recherches personnelles sont de nature plus conceptuelle.
Leur manifeste est composé d’images, textes, chroniques, témoignages et prises de parole, autant d’actes de résistance, de révolte, ou bien de résilience et de réparation.
On y retrouve le pardon de la folie meurtrière, des appels à la tolérance, tout comme l’inquiétude pour nos sociétés qui tout en avançant s’enlisent, la colère pour cette époque qui connaît trop de violence et de formes de guerre diffusée.

L’exposition et le livre qui l’accompagne ressemblent à une sorte de kaléidoscope qui décrypte, décompose et recompose le réel dans une vision globale suggérée par les artistes qui nous invite et nous aide à imaginer un monde nouveau.

Les photographes : Antoine d’Agata, Nikos Aliagas, Jane Evelyn Atwood, Jean-Christophe Béchet, Carolle Benitah, Jacques Borgetto, Bruno Boudjelal, Jean-Christian Bourcart, Anne-Lise Broyer, Lorenzo Castore, Philippe Chancel, Clara Chichin, Ricky Dávila, Stefano De Luigi, Mathias Depardon, Claudine Doury, Stéphane Duroy, FLORE, Hicham Gardaf, Samuel Gratacap, Brian Griffin, Todd Hido, Evangelia Kranioti, Letizia Le Fur, Sze Tsung Nicolás Leong, Nicola Lo Calzo, Safaa Mazirh, Sarah Moon, Paulo Nozolino, Richard Pak, Catherine Poncin, Pauline Rousseau, Maurice Schobinger, Klavdij Sluban, SMITH, Fred Stucin, Laure Tiberghien, Laure Vasconi, Sabine Weiss, Hannah Whitaker, Matt Wilson et Sophie Zénon.

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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