L'Invité·e

Carte blanche à Anne de Mondenard : Eugène Atget à la fondation Henri Cartier-Bresson

Temps de lecture estimé : 4mins

Pour sa première carte blanche, notre invitée de la semaine, la conservatrice en chef du patrimoine, responsable des collections photographiques et images numériques du Musée Carnavalet, Anne de Mondenard, nous parle de l’exposition consacrée à Atget qui aurait dû ouvrir ses portes à la Fondation Henri Cartier-Bresson le 17 novembre. Face à la crise sanitaire, de nombreux événements du mois ont été annulés ou reportés. Anne de Mondenard, nous dévoile cet immense projet d’exposition…

La semaine du 9 novembre devait être pour moi celle de l’accrochage, avec Agnès Sire, de l’exposition « Atget, voir Paris » à la Fondation Henri Cartier-Bresson. Pendant deux ans, nous avons regardé ensemble plus de 9000 tirages conservés dans les réserves du musée Carnavalet pour en choisir 145. Ce projet est né grâce à Agnès Sire qui souhaitait depuis longtemps faire une exposition Atget et prendre le temps de regarder des tirages originaux de ce photographe érigé en père de la modernité et dont l’œuvre ne cesse de hanter de nombreux photographes, critiques et historiens. J’étais forcément partante pour cette aventure qui me permettait de poursuivre la découverte de la collection très volumineuse du musée, estimée à 150 000 pièces. Notre projet, dès le début de notre exploration, était de partager, à travers une exposition et un livre, la dimension poétique de l’œuvre.

Je me souviens de la confidence de Philippe Néagu, alors conservateur au musée d’Orsay, qui, m’interrogeant sur mes goûts en photographie avant de m’accueillir pour un stage de fin d’études, m’avait lancé : « pour moi, le plus grand c’est Atget ». Il était alors en train de défendre l’acquisition d’un nu, dont la date de prise de vue (1921) dépassait les limites chronologiques du musée. Il savait que le musée national d’Art moderne (en 1990) ne se serait jamais lancé dans l’acquisition d’un Atget. Il en avait fait un argument qui a été entendu. J’ai eu la chance de le côtoyer à Orsay, ainsi que Françoise Heilbrun. Tous les deux ont œuvré avec détermination pour que la photographie trouve sa place dans les musées. Et tous ceux qui s’occupent de photographie dans les musées en France aujourd’hui ne le savent peut-être pas mais leur doivent quelque-chose pour ne pas dire beaucoup.
Avec Agnès Sire, nous avons flâné dans les tirages d’Atget, comme le photographe dans les rues de Paris. Nous avons ouvert quelque 180 boites et fait de belles découvertes. Un tiers des tirages (2868 pour être précise) avait à peine été étudié, n’avait été ni publié ni exposé.

Les 145 tirages choisis, tous restaurés, montés et encadrés étaient prêts à partir pour la Fondation quand le 2e confinement a été annoncé. L’exposition est donc reportée. La date d’ouverture n’est pas encore fixée et dépendra de l’évolution de la pandémie. Mais le livre qui accompagne l’exposition est prêt. Édité par l’Atelier EXB, il n’offre pas seulement une très belle couverture, il cherche aussi à approcher au mieux la matérialité des photographies. Pour Atget c’est presque une première. L’impression est en couleurs et les bords irréguliers des tirages n’ont pas été recoupés pour en faire des rectangles parfaits. Ce travail est celui d’une équipe : Nathalie Chapuis (éditrice), Line Célo (graphiste), Charlotte Debiolles (fabrication) sans oublier Daniel Regard. Il a pu vérifier les gravures à côté des originaux qui venaient de passer entre les mains attentives et expertes de l’Atelier de restauration et de conservation des photographies de la ville de Paris (ARCP).

J’espère que le plaisir que nous avons eu à construire ce bel album sera partagé. Le livre s’ouvre avec une citation de Pierre Mac Orlan à propos d’Atget publiée dans le Crapouillot en 1929 et qui répond bien à notre projet : « La photographie n’est pas un art de luxe. Ce n’est pas non plus un art populaire. C’est une apparition assez récente de la poésie dans un monde qui aime encore les poètes à la condition qu’ils ne soient pas absolument ceux qu’il a connus. » Il se ferme sur un texte de Peter Galassi qui explore les liens entre Atget et la génération de photographes qui lui a succédé, et en particulier le jeune Henri Cartier-Bresson. Son texte annonce le second volet de notre collaboration avec la Fondation Henri Cartier-Bresson : une exposition sur l’importance de Paris dans l’œuvre de Cartier-Bresson. Les deux expositions devaient initialement se tenir en même temps. Celle consacrée à Cartier-Bresson et Paris est maintenant prévue au printemps 2021 en même temps que la réouverture du musée Carnavalet rénové. Le livre est en cours de finition. À suivre donc.

INFORMATIONS PRATIQUES
– LIVRE

Voir Paris
Eugène Atget
Textes d’Anne de Mondenard, Agnès Sire et Peter Galassi
Editions EXB
21 x 26 cm
Environ 170 photographies
224 pages
ISBN 978-2-36511-281-9
42€

– EXPOSITION

jeu03jui(jui 3)11 h 00 mindim19sep(sep 19)19 h 00 minVoir ParisEugène AtgetFondation Henri Cartier Bresson, 79, rue des Archives 75003 Paris

La Rédaction
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