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Et la pluie s’arrête au seuil par Tiphaine Populu de La Forge

Temps de lecture estimé : 4mins

Cette semaine, dans notre rubrique réservée aux photographes, nous vous présentons “Et la pluie s’arrête au seuil”, une série réalisée par la photographe française Tiphaine Populu de La Forge. Ce travail a commencé l’an dernier, au moment du confinement. Face à la crise sanitaire, et à un quotidien mis sous cloche, l’artiste a façonné des refuges, en mémoire aux cabanes d’enfance. Pour traverser cette période, elle a inventé des abris temporaires, des radeaux précaires, des cabanes symboliques pour rendre le monde plus habitable… Cette rubrique est la vôtre, comme Tiphaine Populu de La Forge, vous pouvez nous soumettre vos travaux.

« Tant qu’il y aura des cabanes au fond des bois, rien ne sera tout à fait perdu. » Sylvain Tesson, Dans les forêts de Sibérie.

Enfant, je construisais des cabanes. Couverture entre deux portes, bric-à-brac adossé à la grille d’un balcon ou d’un potager, palettes ficelées dans les arbres, ma fièvre bâtisseuse s’étendit bien vite aux refuges pour oiseaux blessés, et à l’adolescence. Les cabanes m’étaient des armures rassurantes, le lieu de ma consolation. Derrière leurs remparts, les pages d’un livre, les framboises chapardées aux voisins, les tomates prélevées au jardin, tout me devenait trésor. Par la construction, si bricole soit-elle, je reprenais le pouvoir. Entre les bras du refuge, si précaire soit-il, je lâchais prise.

Dans la cabane, rien ne peut vous atteindre. Les larmes sèchent, la colère gronde encore, mais plus loin. L’orage s’éloigne et la pluie s’arrête au seuil. Pourtant, l’abri n’est pas totalement étanche. Bien qu’elle devienne plus supportable, la réalité du monde filtre.

À la mi-mars 2020 – alors que notre pays, comme le reste du monde, est en pleine expansion épidémique – le confinement national m’a rappelée au souvenir des cabanes. Face aux gros titres ponctuant le quotidien, n’ayant appris ni à soigner, ni à coudre des masques, j’ai façonné des refuges. Pour traverser cette période, j’ai inventé des abris temporaires, des radeaux précaires, des cabanes symboliques pour rendre le monde plus habitable.

J’ai choisi de travailler les légumes car ils gardent en eux la trace lointaine de leur environnement, le coin de verdure. La nourriture – celle auprès de laquelle on se console, celle dont on a peur qu’elle vienne à manquer, enjeu majeur dans l’étude de l’effondrement d’une société d’autant plus palpable en période de crise est devenue mon matériau de construction. Ces structures sont photographiées sur les journaux du quotidien préalablement triés et teintés. Il s’agit d’évoquer le temps répétitif et les nouvelles distances avec lesquelles il faut composer, de réinventer les formes de l’isolement pour mieux le supporter, de convoquer – à travers la nature morte – nos paysages intérieurs quand celui de la fenêtre semble insuffisant.

En 1773, lors de son Voyage à l’Isle de France et à l’Isle de Bourbon, « Le don d’une plante utile parut – à Bernardin de Saint Pierre – plus précieux que la découverte d’une mine d’or et un monument plus durable qu’une pyramide. » Enfant, je construisais des cabanes, et elles résistent encore.

Et la pluie s’arrête au seuil est un travail accompagné par FLORE, Sylvie HUGUES, et Adrian CLARET, réalisé dans le cadre de la Fotomasterclass L’Oeil de l’Esprit (2020).

Je suis Tiphaine POPULU DE LA FORGE, artiste photographe d’origine française, née en 1987. Diplômée en Histoire de l’art et Lettres modernes, je vis et travaille entre Paris et Tours. Je travaille principalement au moyen format argentique et à la chambre grand format et suis venue à la photographie par les procédés dits alternatifs. Photographier me permet de réinventer le monde, de le transfigurer pour le rendre plus habitable.

Facebook : http://www.tiphainepopuludelaforge.com
WebSite : http://instagram.com/tiphainepopuludelaforge


Vous êtes photographes et vous souhaitez donner de la visibilité et de la résonance à votre travail ? Notre rubrique Portfolio vous est consacrée !

Comment participer ?
Pour soumettre votre travail à la rédaction, il vous suffit d’envoyer à info@9lives-magazine.com

• Une série composée de 10 à 20 images. Vos fichiers doivent être en 72DPI au format JPG avec une taille en pixels entre 900 et 1200 pixels dans la plus grande partie de l’image ;
• Des légendes (si il y a) ;
• Un texte de présentation de votre série (pas de format maximum ou minimum) ;
• Une courte biographie avec les coordonnées que vous souhaitez rendre public (site web, email, réseaux sociaux…)

La Rédaction
9 Lives magazine vous accompagne au quotidien dans le monde de la photographie et de l'Image.

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