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Le Champ des Impossibles.03, dont la thématique centrale est l’arbre, se déroule jusqu’au 12 juin 2022. Chaque jour, nous vous proposons le portrait d’un artiste du Parcours Art & Patrimoine en Perche .03 rédigé par Emmanuel Berck. Aujourd’hui, retrouvons Andrea Olga Mantovani, une géographe humaniste et photographe documentaire qui aide à protéger les forêts contre la fièvre destructrice de l’homme.

Andrea Olga Mantovani est une photographe engagée. Après des études de géographe, elle s’engage dans des programmes de protection des littoraux, à Montpellier, Barcelone et au Maroc et apprend elle-même la photographie. « Une photographie fait mieux que 1000 mots. Elle reste dans le temps, bien plus que les paroles ou les promesses souvent non tenues… La photographie correspond bien à ma nature hyperactive mais qui inclut aussi de beaucoup de contemplation. Elle demande beaucoup au corps, en devient un prolongement. Elle me permet de restituer ce que je vois de manière plus juste et est devenue ma manière de communiquer. Je ne cherche pas à tendre vers l’objectivité, mais plutôt à témoigner comme une forme d’activisme : je fixe une expérience et témoigne à travers elle ».

Portrait Andrea Olga Mantovani © Olivier Steigel

Inadaptée au travail en entreprise, Andrea Mantovani décide un beau matin de vendre sa voiture et de rendre son appartement, puis s’achète un appareil photo et se consacre à plein temps à la photographie. Pendant 3 ans, elle voyage au Canada, au Mexique dans le Chiapas, en Jamaïque, à Cuba et en Pologne. Son premier travail personnel qui documente la déforestation en Pologne sur plusieurs séjours, lui offre une reconnaissance internationale immédiate. Elle reçoit le Prix Talent émergent du Festival de La Gacilly en 2018 et le Prix Obs, au festival « Les femmes s’exposent » en 2019. Elle est ainsi recrutée par le New York Times et devient correspondante régulière du journal, pour lequel elle couvre l’actualité française et européenne.

Avec les activistes de la protection de l’environnement

La série « Le Chant du Cygne » (2017-18) porte sur la célèbre forêt de Bialowieja de Pologne,  déclarée « Patrimoine mondial » de l’Unesco à la fin de la seconde guerre mondiale, car considérée comme la dernière forêt « primaire » d’Europe (elle remonte au moins à 10 000 ans). Bien qu’une bonne partie soit protégée, le gouvernement polonais a décidé de l’exploiter à partir de 2017, provoquant de nombreuses protestations d’habitants. 

Portrait de Olga Krystyna Salomea avec un squelette de cerf dans la forêt de Bialowieza. La forêt de Bialowieza abrite des habitats naturels pour des espèces d’animaux et d’oiseaux
dont la protection est jugée prioritaire par l’UE. «La Pologne a enfreint la législation européenne sur la protection des sites naturels enordonnant des abattages dans la forêt de Bialowieza » a estimé le 28 février 2018 l’avocat général de la Cour de justice de l’UE.
Bialowieza, Poland.
Octobre 2017

 © Andrea Olga Mantovani

Dans ce travail, Andrea Mantovani utilise la photographie autant comme un acte artistique militant qu’un témoignage documentaire. Pendant 6 mois, elle a accompagné au quotidien les patrouilles de volontaires qui recensent et géolocalisent les coupes et qui, par des actions spectaculaires, empêchent les machines d’avancer sur le terrain. Ces images attirent l’attention sur les actions de ces bénévoles, relayées au niveau politique par des associations qui attaquent le gouvernement polonais à la Cour de Justice Européenne et gagnent… parfois.

Dans son approche, la photographe alterne des images de paysage célébrant la force et la beauté d’une nature désormais plus si immuable, avec des mises en scènes allégoriques. Elle renvoie à la crise environnementale et évoque de manière métaphorique les grands enjeux écologiques de notre société. Cette série se prolonge par un deuxième opus sur la déforestation d’un massif forestier des Carpates en Ukraine, qu’elle mène ces deux dernières années grâce au soutien de l’aide au projet documentaire du CNAP (Centre national des arts plastiques).

« Cette expérience de vivre dans une forêt sanctuarisée a été très forte. J’ai ressenti intensément la puissance de la nature. Les activistes sont un peu comme des icônes des temps modernes, qui protègent les anciennes forêts dans lesquelles vivaient nos ancêtres chasseurs-cueilleurs. L’urgence de la protection de l’environnement est universelle et les forêts européennes sont concernées dans leur globalité. Dans ce projet, j’ai cherché à dépasser la vision traditionnelle du journalisme, pour aller vers plus de pédagogie. J’ai traité le sujet un peu comme un reportage « news », mais avec un pas de recul, en dépassant l’immédiateté. J’essaye de m’extraire de mes réflexes de journaliste pour me servir de mon imaginaire. Cela implique des choix, parfois difficiles entre réalité et métaphore signifiante. Certaines de mes images ont même un côté mystique car je suis persuadée que la beauté de la nature nous réunit et ouvre nos consciences. »

« Le Chant du Cygne » d’Andrea Mantovani est exposé dans le cadre du Parcours Art et Patrimoine en Perche .03  au Moulin Blanchard de Perche-en-Nocé jusqu’au 12 juin 2022.

Plus d’information : www.lechampdesimpossibles.com

INFORMATIONS PRATIQUES

sam07mai(mai 7)10 h 00 mindim12jui(jui 12)18 h 00 minLe Champ des ImpossiblesParcours Art et Patrimoine en Perche .03Moulin Blanchard, 11 Rue de Courboyer 61340 Perche-en-Nocé


Les samedis et dimanches de 14h00 à 19h00
Entrée 10 euros pour les 17 sites d’expositions du Parcours – tarifs réduits (5 euros) et gratuité jusqu’à 18 ans

Emmanuel Berck
Après une trentaine d’années dans la communication et la traduction, majoritairement dans le secteur des nouvelles technologies, Emmanuel Berck est devenu rédacteur indépendant en 2019. Il accompagne ainsi des entreprises dans l’élaboration de leurs stratégies éditoriales, à travers la rédaction de tribunes libres, de témoignages clients ou d’articles destinés à la presse. Il développe parallèlement une activité de pigiste pour différents magazines locaux ou nationaux, comme « Pays du Perche », « Pando » et « Profession Photographe ». Ses thèmes de prédilection sont l’environnement et la transition agricole, l’évolution climatique et la préservation de la biodiversité, et les enjeux liés à l’alimentation en circuits courts. Installé dans le Perche depuis 20 ans, il s’appuie sur un réseau d’acteurs locaux très divers qui lui permet d’analyser en profondeur les problématiques qu’il traite dans ses articles. Il aime en outre rédiger des portraits mettant en relief le travail de l’artiste ou l’artisan – le geste et les outils – son savoir-faire, son parcours et ses préoccupations actuelles. Emmanuel a réalisé 11 portraits d’artistes du Champ des impossibles.02, publiés dans l’hebdomadaire « Le Perche » durant l’été 2021. Il a également écrit deux entretiens avec deux artistes du Champ des impossibles, à paraître aux Editions Filigrane.

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