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Eyhan Celik est une jeune photographe qui vit et travaille à Istanbul en Turquie. Elle a d’abord étudié l’anthropologie visuelle et ensuite la photographie (département de photographie de l’Université de Marmara, 2019). Celik a participé à de nombreuses expositions collectives nationales et internationales et à divers ateliers interdisciplinaires. Ses photographies et ses articles ont été publiés dans des revues numériques. Elle traite des sujets très différents concernant la société : le rôle et la place des femmes, les classes et le genre dans l’espace public, les liens trompeurs entre le jeu et la violence. L’image comme vecteur de la mémoire intime l’intéresse également. Ses histoires personnelles et familiales constituent le point de départ pour plusieurs de ses projets. Celik explore l’intersection entre l’individu, le social et l’urbain à travers des concepts tels que l’identité, la mémoire et la culture.

Eyhan Çelik, Görünmezlik Örtüsü (The Cover of Invisibility), série « Tearing the face with a sentence », Photo-collage: digital collage on a ready-made object, 18*24 cm, 2019

Vous avez commencé votre parcours professionnel en faisant des études en sciences humaines (Anthropologie visuelle). Comment ont-elles influencé votre manière de travailler en tant que photographe ?

Plusieurs facteurs ont agi sur mes projets. Pour commencer, ma mère est kurde, mon père est arabe. Moi, je suis née à Urfa. Ma grand-mère m’a emmenée très jeune à Izmir, une ville de l’ouest de la Turquie dont je ne connaissais ni la langue ni la culture. J’ai passé alors mon enfance entre Urfa et Izmir. Mais, je ne me sens appartenir à aucune de ces deux villes. En plus, nous parlions plus qu’une langue dans ma famille. Il est indéniable que mon parcours académique a aussi eu un impact sur la construction d’un langage photographique personnel, et a contribué à la formation de mon approche technique et esthétique. Pendant mon master, l’axe et le cadre conceptuel de mon travail photographique ont été fixés grâce au croisement de différents thèmes de recherche avec le domaine de l’anthropologie visuelle. Pourtant, je crois que si mon travail de photographe a une inclination vers l’anthropologie visuelle c’est en raison de mon origine multiculturelle.

Eyhan Çelik, Görünmezlik Örtüsü (The Cover of Invisibility), série « Tearing the face with a sentence », Photo-collage: digital collage on a ready-made object, 140*93*14 cm, 2019.

Qu’est-ce qui a déterminé votre choix de vous tourner enfin professionnellement vers la photographie ?

Je ne l’ai pas décidé, cela est arrivé spontanément. Le long de ce chemin, je poursuis l’expression d’images multi-temporelles qui contiennent à la fois le passé, le présent et le futur. J’essaie de transmettre le reflet inter-temporel des traces qui se forment en moi mentalement, spirituellement et physiquement au plan de l’image. Dans un dialogue entre Janouch et Kafka (Camera Lucida,1980,p.53), Janouch disait que « la condition préalable à l’image, c’est la vue ». La réponse de Kafka à cette affirmation est qu’ « « on photographie des choses pour se les chasser de l’esprit. Mes histoires sont une façon de fermer les yeux ». De mon côté, je ferme aussi les yeux et j’essaye de voir avec mon cœur.

Votre travail photographique a été récompensé à l’étranger. Quelle est la signification des prix pour un artiste contemporain ?

Les récompenses ne m’intéressent point sur leur valeur symbolique. Il y a un autre côté que je trouve plus remarquable. À travers mon travail de photographe, je raconte une histoire inspirée par des expériences personnelles ou par la façon dont je comprends ce qui se passe autour de moi. Je suis touchée en tant que professionnelle quand dans un autre coin du monde, comme par exemple à New York – un endroit que je n’ai jamais visité – quelqu’un s’intéresse à l’une des histoires ou des situations que je cite dans mes images. C’est étonnant le pouvoir des photos lorsqu’elles voyagent dans le monde. Si je réussis à produire des réflexions grâce à mes photos à un public lointain et d’être récompensée par un prix pour ce faire, c’est un grand plaisir pour moi. Susciter l’intérêt d’une autre communauté, c’est la chose la plus importante dans le processus de récompense par un prix.
Malgré l’augmentation du nombre de femmes impliquées dans le métier de photographe dans votre pays, avez-vous personnellement rencontré des difficultés spécifiques à votre genre lorsque vous photographiez en public ?

Quelles sont les conditions de travail d’une femme photographe de rue en Turquie ?

Les risques de prendre des photos en public en tant que femme varient selon où, à quelle heure et avec qui tu es accompagnée. Le temps et l’espace pour la circulation d’une femme en public sont déterminés et limités par l’autorité turque. La décision de mettre fin à la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (également connue sous le nom de Convention d’Istanbul) est un bon indicateur pour comprendre le cadre culturel de mon pays. Des organisations non gouvernementales, des défenseurs des droits humains, des militantes et des réseaux de solidarité des femmes se sont opposées à la décision de se retirer de la Convention d’Istanbul et demandent son retrait. Dans ces circonstances, nous ne pouvons pas parler de la différence entre être femme avec ou sans caméra. La situation actuelle ne favorise pas la population féminine en Turquie.

Eyhan Çelik, The Cover of Invisibility (Görünmezlik Örtüsü), série «Tearing the face with a sentence », Photo-collage: digital collage on a ready-made object, 18×24 cm, 2019

Eyhan Çelik, Önüm Arkam Sağım Solum Sobe! (Ready or Not, Here I Come!), Digital Photography, 60×90 cm, 2019.

Sur certaines photos, nous remarquons que l’objectif s’approche et se concentre sur les visages. C’est un gros plan à hauteur d’oeil. Dans d’autres, au contraire, vous choisissez de prendre des photos lorsque le personnage a la tête tournée, c’est-à-dire que vous capturez son dos.

Henri Cartier-Bresson dit que pour « donner un sens au monde », une personne qui regarde dans le viseur doit s’y sentir. Il mentionne que cela est possible grâce à la concentration, la discipline de l’esprit, la sensibilité et le sens de la géométrie. Je détermine quelle distance je dois garder entre moi et mon sujet, et comment je positionne mon sujet devant l’objectif, une fois que l’appareil se trouve bien installé entre moi et celui-ci. Je ne cherche pas mes images au hasard. J’observe autour de moi et je me concentre à trouver l’expression de traces, de souvenirs et d’ expériences qui fourmillent dans mon esprit. Photographier ou pas les visages des gens, c’est primordialement une manière personnelle d’essayer de me comprendre.

Eyhan Çelik, Önüm Arkam Sağım Solum Sobe! (Ready or Not, Here I Come!), Digital Photography, 40×60 cm, 2019.

Les visages tournés dans vos photos font penser à une mise en scène. Quelle est la préparation que vous suivez avant de réaliser un projet photographique ? L’espace public vous intéresse comme reflet de réactions spontanées ou comme scène de développement d’une action que vous avez dirigée auparavant ?

La méthodologie dans mon travail varie selon la structure et la dynamique interne de chaque projet. Mais il y a une voie commune que je suis avant sa réalisation : j’essaie de réfléchir toujours sur le motif de la naissance d’une idée et comment je peux remonter le noyau de son sens à la surface. Cette phase dure jusqu’au dernier moment du projet et se poursuit certaines fois même après l’exposition des œuvres au public. Les questions que chaque projet peut poser à la fois à moi et au spectateur peuvent recevoir de multiples réponses. Le regard sur les images change à travers le temps ou le lieu de leur exposition. Mais pour moi, ce qui compte à la fin c’est d’avoir des questionnements et des réflexions, c’est important que les images mobilisent notre esprit critique et notre sensibilité. Le choix de la technique peut prendre également certaines fois du temps. Par exemple, le projet Görünmezlik Örtüsü (2019) [traduction the cover of invisibility] est une série que j’ai réalisée en deux ans en raison d’avoir expérimenté de nombreuses techniques photographiques différentes. D’autres fois, il m’est arrivé qu’après avoir essayé toutes les techniques possibles, je n’en ai utilisé aucune. Le pire, c’est quand même lorsque je n’arrive pas à faire une photo et ensuite je ne peux pas la faire sortir de ma tête. Concernant les modèles qui figurent dans mes photos, c’est moi qui décide de la scénographie et de la partie gestuelle. Je parle toujours au modèle en regardant dans le viseur, et je le fais regarder l’objectif pour établir un contact visuel entre nous. Pour obtenir le sentiment que je souhaite de mes modèles, je les dirige en leur expliquant ce que je cherche à capturer avec l’objectif. Je termine la prise de vue lorsque j’ai l’impression d’avoir intuitivement l’image que je souhaitais obtenir.

La photographie en tant qu’objet est un espace de mémoire. Il capture des souvenirs et enregistre des histoires. Comment avez-vous choisi dans la série Görünmezlik Örtüsü (2020)[traduction The cover of invisibility] d’intervenir virtuellement dans les photographies et quelle est la valeur symbolique de la suppression de certaines figures ?

Lorsque j’ai trouvé ces photographies dans les albums de ma famille, elles étaient déjà découpées et fortement endommagées. La personne supprimée de ces images est toujours la même ; ma tente. Cette découverte m’a fait vouloir étudier à travers un projet artistique, les limites et les liens entre l’oubli et la mémoire photographique. Pourquoi ne pouvons-nous pas simplement laisser de côté quelqu’ un que nous voulons retirer de notre vie ? Pourquoi avons-nous besoin de supprimer toute mémoire qui est associée à ces personnes de manière holistique ? Pourquoi essayons-nous de leur faire du mal en détruisant tous les souvenirs et les traces qu’elles ont laissées ? C’est surprenant combien la terreur de se souvenir de quelqu’un est plus forte que de l’oublier tout simplement. Ici, nous rencontrons la futilité de l’oubli, car en effet il est impossible de retirer de l’univers quelque chose qui s’est déjà passée. Dans Görünmezlik Örtüsü, j’interroge le témoignage personnel et douloureux de celui qui a été poussé dans le vide. Cette partie manquante de l’image ne peut pas être remplacée de rien d’autre que des traces restantes de ma tante.

Eyhan Çelik, Görünmezlik Örtüsü (The Cover of Invisibility), série « Tearing the face with a sentence », Photo-collage: digital collage on a ready-made object, 18x 24 cm, 2019

Eyhan Çelik ,Görünmezlik Örtüsü (The Cover of Invisibility), série « Tearing the face with a sentence », Photo-collage: digital collage on a ready-made object, 32 x 48 cm, 2019.

Eyhan Çelik, Önüm Arkam Sağım Solum Sobe! (Ready or Not, Here I Come!), Digital Photography, 60×90 cm, 2020.

Les femmes et la liberté du corps féminin sont au cœur de la série Önüm Arkam Sağım Solum Sobe ! (2015-). Comment avez-vous choisi de vous concentrer uniquement sur le corps et non sur les visages ?

La série Önüm Arkam Sağım Solum Sobe ! (traduction Ready or Not, Here I Come!) contient des photos prises de 2015 jusqu’à aujourd’hui. J’ai commencé ce travail en observant de près ma mère pendant qu’elle réalisait ses activités quotidiennes chez nous. À cette période, j’avais commencé aussi à découvrir le cinéma expérimental féministe. Le film Jean Dielman (1975) de Chantal Akerman m’a alors beaucoup inspiré. Je ne pouvais pas sortir de ma tête la fameuse scène d’épluchage de pommes de terre. Le réalisateur fait ressentir au spectateur qu’une femme rêve de commettre un meurtre pendant qu’elle épluche des pommes de terre, une activité qu’elle répète assez souvent dans les rythmes figés de sa quotidienneté. Ce film nous invite à remettre en question le concept de la maison qui cesse d’être un espace protégé et se transforme en un endroit étrange, elle devient presque métaphysique.

Eyhan Çelik, Önüm Arkam Sağım Solum Sobe! (Ready or Not, Here I Come!), Digital Photography, 60×90 cm, 2019.

Comme la plupart des femmes turques de sa génération, ma mère n’a pu réaliser aucun de ses désirs depuis sa prime jeunesse jusqu’à aujourd’hui. Elle n’a pu réaliser non plus ses rêves sans donner d’explications et d’informations à qui que ce soit. Elle mène une vie dans laquelle les tâches domestiques occupent vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Elle est obligée d’en travailler encore et encore tous les jours, dans un rythme fortement répétitif. Il arrive un moment, où j’ai senti que j’avais besoin de lui adresser certaines questions : « qu’est-ce qu’une maison pour toi ? Peux-tu considérer la maison autrement qu’un espace entouré des murs? ”. Pour ma mère « l’intérieur de la maison est plein de pièges ». Ainsi, elle devient le personnage principal de ce projet.

Eyhan Çelik, Önüm Arkam Sağım Solum Sobe! (Ready or Not, Here I Come!), Digital Photography, 90×160 cm, 2021.

Eyhan Çelik, Önüm Arkam Sağım Solum Sobe! (Ready or Not, Here I Come!), Digital Photography, 60×90 cm, 2019.

Eyhan Çelik, Önüm Arkam Sağım Solum Sobe! (Ready or Not, Here I Come!), Digital Photography, 40×60 cm, 2019.

Pour aller un peu plus loin, au sein de cette série photographique, j’ai commencé à penser le corps humain comme une métaphore de notre habitat intérieur. Notre liberté corporelle est également dominée et limitée par une série de règles, de pratiques, d’habitudes, de traditions ou de rituels socioculturels qui sont devenus presque inaperçus. À partir d’un moment et très progressivement, on normalise tous ces mécanismes et on les adopte. Mais les besoins de liberté et de sécurité de chaque individu varient selon les circonstances. C’est ce que le sociologue Zygmunt Bauman appelle « modernité liquide » (Liquid Modernity, Polity Press,2000) pour décrire une situation complexe dans laquelle les gens qui rêvent de liberté, quand ils l’atteignent vraiment, sont horrifiés par la quantité de dangers qu’elle contient. Par conséquent, souvent le désir d’avoir la sécurité dans notre vie gagne celui d’avoir de liberté. Une fois qu’ on accepte des restrictions pour se sentir en sécurité, on commence à accepter volontairement la condition de la soumission.

Dans la série Güç ve Şiddetli Öfkesizlik (2018) [traduction Power and Absence of Anger] , la domination masculine de l’espace public est forte.

Cette série est associée au sujet du partage genré de l’espace public. Mais, mes préoccupations ne se limitent pas à cette idée. J’ai pris ces photos en 2018 dans la rue Istiklal au centre-ville d’Istanbul. Dans cette rue, où la circulation n’est presque jamais interrompue, les gens vivent plusieurs rencontres instantanées tout en effectuant n’importe quelle autre activité quotidienne. Cette rencontre interrompt l’action de la personne à ce moment-là. L’individu se dirige vers la boxe où il y jette deux coups de poing et ensuite il part pour continuer son chemin. Pour faire ces photos, je me promenais pendant différents jours autour de ce quartier et surtout à côté de machines de jeu de boxe, en attendant le moment idéal où une scène intéressante se passerait devant mes yeux pour la saisir au plus vite possible. Cet endroit où ces machines sont installées devient un terrain de « jeu » où l’on peut observer comment se constitue le trio corps, force et pouvoir à partir d’un lien organique. On voit à quel point le duo jeu et violence sont proches, prêt l’un à remplacer l’autre à tout moment dans les gestes performatifs du corps. La foule des individus rassemblés autour de la machine de boxe paraît ici constituer une classe économique et culturelle homogène. Le public qui regarde et fait partie de cette scène est un élément important de la composition du cadre. Il exprime la première réaction à chaque instant de l’action (préparation au coup de poing, coup de poing, attente du score, respect du score etc.).

Comment avez-vous choisi de passer d’une série qui capture exclusivement des hommes (Güç ve Şiddetli Öfkesizlik) à une série qui capture uniquement des femmes (Arknüm Arkam Sağım Solum Sobe !) ?

Il a évolué spontanément. Je suppose que la structure et la dynamique interne du projet l’exigeait.

Eyhan Çelik ,Güç ve Şiddetli Öfkesizlik (Power and Absence of Anger), Digital photography series VII, 64×96 cm, 2018.

Eyhan Çelik, Önüm Arkam Sağım Solum Sobe! (Ready or Not, Here I Come!), Digital Photography, 60×90 cm, 2019.

Eyhan Çelik, Yerel Dilde Korku (Fear in the Local Language), Digital photography series I, 40×60 cm, 2020.

La période de quarantaine a été caractérisée par l’absence de personnes dans l’espace public, ce que plusieurs photographes de rue ont immortalisé. Au lieu de cela, vous choisissez de rester cohérent dans vos choix thématiques et d’immortaliser les gens et la façon dont ils vivent la période post-quarantaine (Yerel Dilde Korku, 2020).

Après l’annonce du premier cas Covid-19 en Turquie le 11 mars 2020, l’épidémie nous a conduit à une situation incertaine, où personne ne savait comment se comporter. La quarantaine a transformé les centres urbains en villes fantômes. Oui, les rues vides et les endroits abandonnés – mais densément peuplés dans des conditions normales par les gens- ont été les premiers indicateurs qui nous ont fait ressentir la gravité de cette situation inconnue. Le processus d’un enfermement complet pendant presque deux mois chez soi a suscité ma curiosité pour la rue. Je voulais sortir dans la rue à un degré que je ne l’avais jamais voulu auparavant. Je cherchais voir comment « les conditions du nouveau monde », dans lesquelles nous nous trouvions, ont transformé nos expériences de la vie quotidienne. Surtout pendant les premiers mois, nous avons constaté que la peur face à Covid-19 a activé tous les modèles d’inégalité, les divisions sociales et de classe, les divisions fondées sur le sexe, la race, l’ethnicité et les croyances religieuses, ainsi que les formes de privilège et de mode de vie. J’ai voulu enregistrer une image interne de ces expériences que nous avons eues, en utilisant des méthodes auxquelles j’étais habituée.

La peur est répétée dans les titres de vos deux dernières séries (Yerel Dilde Korku, Korku-yorum). Est-ce le sentiment que vous avez ressenti de la part des personnes que vous avez immortalisées avec votre objectif ?

D’abord, je voudrais clarifier mon point de vue ; pour moi photographier ne signifie pas immortaliser. La photographie n’a pas pour l’instant revendiqué l’immortalité. Inversement, elle est étroitement liée à la mort car une micro-variation de la mort se produit dans chaque cliché photographique. Roland Barthes exprime cette idée comme une plongée soudaine de la photographie jusqu’à la mort au sens littéral, en dehors de la religion et de la tradition contemporaine ; « Vie et Mort; cette instance se réduit à un simple clic qui sépare la pose initiale de l’impression finale » (référence à Roland Barthes, Camera Lucida: Ref lections on Photography. New York: Hill & Wang, 1982, p.93).

Les deux dernières séries sont des travaux de réflexion sur la pandémie. Plus précisément, les photos de la série Yerel Dilde Korku (2020) font partie d’un projet collectif intitulé Photography in the days of Corona, dirigé par Neriman Polat, une représentante importante de l’art féministe en Turquie. Si je devais décrire la période de Covid-19, j’aurais choisi un seul mot : la peur. C’est mon propre sentiment. Le terme anglais « Fear » provient du grec ancien phóbos. En turc « korku » vient de la racine commune entre korgu signifiant « se réfugier, se cacher » et kori signifiant « entourer, fermer, emprisonner » en mongol. Il paraît comme une « prophétie du langage » que le sens contemporain coïncide totalement avec la situation actuelle : la peur qui nous emprisonne et en même temps c’est la seule solution pour se protéger, se réfugier du danger de la maladie.

Pour avoir plus d’informations sur la photographe : https://eyhancelik.wordpress.com/

Eyhan Çelik, Önüm Arkam Sağım Solum Sobe! (Ready or Not, Here I Come!), Digital Photography, 40×60 cm, 2019.

Eyhan Çelik, Önüm Arkam Sağım Solum Sobe! (Ready or Not, Here I Come!), Digital Photography, 40×60 cm, 2019.

Eyhan Çelik, Önüm Arkam Sağım Solum Sobe! (Ready or Not, Here I Come!), Digital Photography, 40×60 cm, 2019.

Eyhan Çelik, Önüm Arkam Sağım Solum Sobe! (Ready or Not, Here I Come!), série Self-Portrait, Digital Photography, 60×90 cm, 2021.

Maria Xypolopoulou
Maria Xypolopoulou est commissaire d’exposition et critique d’art indépendante. Actuellement, elle est doctorante en histoire à l’Université Paris 1 (Panthéon – Sorbonne). Elle travaille sa thèse sur le regard des photographes, les usages de la photographie et les représentations culturelles et du genre pendant la Première Guerre mondiale dans les Balkans. Son projet doctoral a bénéficié du soutien de l’Ecole Française d’Athènes (2017-2020) et de l’Historial de la Grande Guerre en France(2019). Elle a présenté ses projets artistiques en Grèce et en France en collaboration avec des galeries, institutions et autres commissaires d’art. Ses intérêts de recherche incluent l’histoire de l’art contemporain, l’histoire du genre, l’histoire de la photographie et particulièrement l’histoire des femmes photographes.

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