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Christine Ollier et son équipe ont inauguré la quatrième édition du Champ des Impossibles, ouvrant au public une vingtaine d’expositions dont la thématique centrale est le règne animal. Chaque jour, nous vous proposons le portrait d’un artiste du Parcours Art & Patrimoine en Perche .04 rédigé par Emmanuel Berck. L’église de Courthioust est un magnifique écrin pour la sculpture monumentale en céramique de Manoli Gonzalez, produite grâce au généreux soutien du Fonds Régnier pour la Création.

Manoli Gonzalez aime jouer avec l’argile (porcelaine, grès) et la lumière. Sculptrice et céramiste, elle propose une vision très personnelle de la nature et des mondes végétal et minéral. Maîtrisant à la perfection le travail de la porcelaine et du grès qui offre plus de contraste, elle produit depuis 20 ans différents types de créations, depuis des luminaires jusqu’à des « cascades de porcelaine ».Dans une autre approche, elle poursuit son travail dans l’espace, avec le squelette d’un animal marin monumental et imaginaire.

Série Reste en paix, 2022-2023, grès © Manoli Gonzalez avec le soutien du Fonds Régnier pour la création copie

Série Reste en paix, 2022-2023, grès © Manoli Gonzalez avec le soutien du Fonds Régnier pour la création copie

L’artiste utilise l’ensemble des techniques de la céramique : coulage, estampage, modelage, tournage, incrustation, glaçure à l’argile, etc. Selon le travail entrepris, elle cherche la transparence ou l’opacité, la douceur ou la rugosité, parfois le mouvement ou à l’inverse, l’immobilité. « C’est le projet qui détermine la technique, je n’aime pas être cantonnée dans une case, j’ai besoin de liberté pour créer » explique-t-elle. Dans tous les cas, ses œuvres évoquent le passage du temps, les empreintes du soleil, de l’eau ou du vent. Elle travaille la matière pour « donner la parole à la nature ». Par exemple, pour ses cascades de porcelaine, elle estampe directement les morceaux de porcelaine sur des écorces et feuilles d’arbres. D’autres fois, elle grave directement la porcelaine à la main, pour y ajouter des décors, voire des mots.

« J’aborde le travail de l’argile, non pas en tant que technicienne, mais plutôt en relation directe avec la matière. L’argile a des propriétés bien particulières. Il a un effet sur la personne qui le travaille que n’ont pas les autres mediums. Ce n’est pas par hasard si on l’utilise dans le cadre de thérapies. Cette démarche m’offre parallèlement beaucoup de liberté : j’explore et donne libre cours à toute idée qui surgit. »

Série Reste en paix, 2022-2023, grès © Manoli Gonzalez avec le soutien du Fonds Régnier pour la création copie

Issue d’une famille d’artiste, Manoli a pratiqué le dessin très tôt et s’est inscrite aux cours du soir de l’école Duperré. Elle découvre les volumes, les formes, en regardant sa grand-mère pratiquer la céramique. Puis elle rencontre un potier, Claude Marcaggi, qui sculpte sous le nom de Kaol et deviendra une source d’inspiration et un soutien précieux. Elle se forme dans un atelier de tournage parisien auprès d’une thérapeute céramiste et enchaîne avec des formations professionnelles qu’elle autofinance. La collaboration est l’un de ses principaux moteurs : « J’adore sortir de mon atelier pour aller à la rencontre de gens avides de faire, comme moi ! Je me nourris du contact avec les autres, qu’ils soient artistes, artisans ou autres. Au début, je créais des luminaires, seule. Mais les normes électriques sont si complexes que j’ai fini par abandonner… pour mieux reprendre, à quatre mains, avec une créatrice. Je collabore avec d’autres créateurs sur d’autres pièces, avec un menuisier pour combiner bois et céramique, avec des peintres, des photographes. Les possibilités sont infinies ».

Une sculpture monumentale dans l’église de Courthioust

Exposition de Manoli-Gonzalez © Camille Pozzo di Borgo

Exposition de Manoli-Gonzalez © Camille Pozzo di Borgo

Dans le cadre du Parcours Art et Patrimoine en Perche, Manoli Gonzalez expose du 29 avril au 04 juin 2023, une sculpture monumentale de plus de 4 mètres de long. Celle-ci représente un squelette d’animal imaginaire, mi-marin, mi-terrestre, qui évoque le souvenir de cet animal. Sa volonté délibérée était de ne pas travailler sur un animal existant, mais plutôt sur la symbolique des espèces. Les vertèbres sont fabriquées en argile et plus précisément en grès, modelées, sculptées, puis cuites à très haute température.

« Ce projet, qui a bénéficié du soutien du Fonds Régnier pour la création, m’a permis de changer d’échelle. Il y avait longtemps que j’en rêvais, moi qui travaillais jusqu’alors plutôt sur des pièces de petite taille. Pour cette sculpture, les plus petites vertèbres mesurent 15×15 cm, et les plus grandes 50×50 ! Je les ai sculptées dans mon atelier du Vexin et assemblées sur place. En tout, la sculpture est composée d’une vingtaine de pièces, qui, chacune, réclame plusieurs journées de travail… Chaque vertèbre porte des empreintes ou des traces différentes, parfois des fractures ou des fissures, évoquant en creux la fin du règne animal et donc sa conséquence directe : la fin de l’humanité. »

L’église Notre-Dame de Courthioust est un bel écrin pour cette sculpture-installation. La restauration ad minima respectant la peau des vieux murs, en fait le site idéal pour présenter cette installation devant être perçue comme une simili découverte archéologique. « Quand j’ai participé au Parcours l’année dernière, j’ai visité cette petite église à l’occasion de l’exposition de Philippe Durand. J’entretenais secrètement le rêve d’y exposer à mon tour, et elle est devenue un vrai moteur d’inspiration » conclut Manoli Gonzalez.

Plus d’information : www.lechampdesimpossibles.com

INFORMATIONS PRATIQUES

sam29avr(avr 29)10 h 00 mindim04jui(jui 4)18 h 00 minLe Champ des Impossibles .04Le règne animalMoulin Blanchard, 11 Rue de Courboyer 61340 Perche-en-Nocé

Emmanuel Berck
Après une trentaine d’années dans la communication et la traduction, majoritairement dans le secteur des nouvelles technologies, Emmanuel Berck est devenu rédacteur indépendant en 2019. Il accompagne ainsi des entreprises dans l’élaboration de leurs stratégies éditoriales, à travers la rédaction de tribunes libres, de témoignages clients ou d’articles destinés à la presse. Il développe parallèlement une activité de pigiste pour différents magazines locaux ou nationaux, comme « Pays du Perche », « Pando » et « Profession Photographe ». Ses thèmes de prédilection sont l’environnement et la transition agricole, l’évolution climatique et la préservation de la biodiversité, et les enjeux liés à l’alimentation en circuits courts. Installé dans le Perche depuis 20 ans, il s’appuie sur un réseau d’acteurs locaux très divers qui lui permet d’analyser en profondeur les problématiques qu’il traite dans ses articles. Il aime en outre rédiger des portraits mettant en relief le travail de l’artiste ou l’artisan – le geste et les outils – son savoir-faire, son parcours et ses préoccupations actuelles. Emmanuel a réalisé 11 portraits d’artistes du Champ des impossibles.02, publiés dans l’hebdomadaire « Le Perche » durant l’été 2021. Il a également écrit deux entretiens avec deux artistes du Champ des impossibles, à paraître aux Editions Filigrane.

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