Christine Ollier et son équipe ont inauguré la cinquième édition du Champ des Impossibles, ouvrant au public une quinzaine d’expositions dont la thématique centrale est l’enfance, l’adolescence et les épopées familiales. Chaque jour, nous vous proposons le portrait d’un artiste du Parcours Art & Patrimoine en Perche .05 rédigé par Emmanuel Berck. Aujourd’hui, nous poursuivons cette visite avec le photographe français Lionel Jusseret qui, après deux séries sur des enfants autistes et des seniors, s’intéresse aux agriculteurs, dans le cadre d’une résidence artistique.
Lionel Jusseret est un photographe documentaire qui développe depuis 15 ans un travail d’auteur à travers une écriture photographique singulière, basée sur l’utilisation de contrastes prononcés et du clair-obscur qu’il met au service d’un travail en couleur. Les images en deviennent intemporelles et se prêtent à une vision poétique qui transperce l’approche documentaire.
Adepte de l’immersion, il propose une photographie subjective, tout en étant ancrée dans le réel. « Si je savais ce que je cherche, j’arrêterais tout de suite, explique-t-il. Je m’inscris dans le photo-documentaire, avec le souci de rester maître de ma narration, un peu comme Eugene Smith. La subjectivité a une grande place dans mes travaux. »
Il expose à l’église Saint-Pierre et Saint-Paul de Corubert et au Moulin Blanchard pour Le Champ des Impossibles .05
Né en Belgique en 1989, Lionel Jusseret s’est d’abord destiné au métier de réalisateur, après un master de cinéma. Il découvre l’œuvre de Robert J. Flaherty (« Nanouk l’Esquimau » et « L’homme d’Aran ») et sa démarche sensible immersive qui l’inspire pour créer ses premiers films. Déjà, il a le goût des documentaires non-fictionnels car ce qui l’intéresse, c’est de « plonger dans le réel ». Mais à l’époque, la mode est plus à la fiction qu’au documentaire. Alors, Lionel entame un grand voyage aux quatre coins de son pays natal, équipé d’un petit compact Olympus. Plutôt que de filmer, il décide de prendre des photos et ne s’arrêtera plus. Il fait du porte-à-porte, photographie ses rencontres et vit de « petits boulots ».
Il devient animateur socio-culturel auprès de jeunes autistes, pour le compte de l’association J’interviendrais qui met en œuvre la méthode de Fernand Deligny. Ceci marque le démarrage d’une première série documentaire en immersion, sur laquelle il travaille près de 10 ans. « Les autistes sont toujours montrés comme des gens malades. Moi, je voulais montrer des enfants, certes différents, mais surtout pas « malades »… Je cherche les choses que nous partageons et l’enfance est un élément qui nous réunit. Je me concentre sur la communication verbale, les yeux, les gestes. Au fond, je cherche comment être utile, ce qui est un peu absurde pour un artiste, mais si je peux contribuer à changer le regard sur l’autisme, mon travail aura servi ! » Un ouvrage a été tiré de ce travail, « Kinderszenen, 13 scènes d’enfants » aux Éditions Loco (2020) avec des textes de Babouillec, autrice autiste, et un titre inspiré de pièces pour piano de Schubert. Ce travail est exposé au Moulin Blanchard.
La deuxième série Les Impatientes présentée pour le Parcours est consacrée aux personnes âgées qu’il a photographiées dans des maisons de retraite pour lesquelles il a travaillé pendant 2 ans. De nouveau, il applique sa méthode : pas de photo durant les premiers mois, seulement des prises de contact et une confiance gagnée peu à peu ; pas de photo volée, mais prise dans l’intimité d’une chambre. « Les personnes âgées n’ont pas beaucoup de place dans notre monde d’images… D’ailleurs, ils ne supportent pas leur propre image. Même si le portrait est réussi, ils se trouvent vieux, pour ne pas dire laids. C’est à mon sens une déformation sociétale lié au manque de représentation. » Cette série a fait l’objet d’un second livre « Les Impatientes », Ed. Loco, 2022. Dans le cadre du Parcours Art et Patrimoine du Champ des impossibles 2024, une sélection des Impatientes est présentée dans l’écrin séculaire de l’église Saint-Pierre et Saint-Paul de Corubert.
Une résidence en immersion dans le monde percheron.
Lionel Jusseret est en résidence par alternance de 2022 à 2024, pour développer un travail centré sur des familles d’agriculteurs percheronnes. « Ma méthode a un peu évolué. Quand vous êtes animateur, vous avez le loisir de prendre des photos, mais en tant que stagiaire agricole, il est bien plus difficile d’avoir son boîtier à portée de main… Bien que je continue à m’immerger, la résidence me permet d’avoir plus de temps et donc de m’attacher à creuser mon sillon créatif. Même si j’adore le noir et blanc, je privilégie la couleur dans mes séries. Cela me correspond mieux, je me considère comme un coloriste. » Ce travail sera présenté en 2025 après deux ans de prises de vue en immersion.
Depuis 2016, Lionel Jusseret a participé à plus d’une vingtaine d’expositions dans le monde. Ces deux premières séries Kinderszenen et Les Impatientes ont reçu de nombreux prix nationaux et internationaux.
Plus d’informations :
http://www.lechampdesimpossibles.com/
https://www.lioneljusseret.com/
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