Carte blanche à Ferit Duzyol : Raymond Depardon, Berlin 1962

Pour sa première carte blanche, notre invité de la semaine, Ferit Duzyol, Président des Rencontres Photographiques de Boulogne-Billancourt, a souhaité revenir sur un reportage que Raymond Depardon a réalisé à Berlin-Ouest en février 1962, six mois après l’édification du mur. Ferit Duzyol a rencontré le célèbre photographe documentaire la première fois à l’agence Sipa, puisqu’au milieu des années 70, elle avait racheté les archives de l’agence Dalmas dont Depardon fut l’un des photographes jusqu’en 1966. C’est donc Sipa qui est en charge de ses anciens reportage. Et c’est cette série que Ferit affectionne tout particulièrement.

Né en 1942, Raymond Depardon est photographe et réalisateur. Il est considéré comme l’un des maitres du documentaire.

Ma rencontre avec lui date de mes années Sipa. Il avait commencé sa carrière à l’Agence Dalmas créé en 1957 qu’il a quitté en 1966 pour cofonder l’agence Gamma avec Gilles Caron.En quittant Dalmas il avait passé un accord avec Louis Dalmas fondateur de l’agence pour faire une sélection dans ses archives et les prendre avec lui en partant et le reste est gardé dans les archives de Dalmas qui a été rachetés par l’agence Sipa Press en 1974.

West Berlin kids play at ‘constructing the Berlin Wall’. On August 13, 1961 the GDR (German Democratic Republic) began to block off East Berlin and the GDR from West Berlin by means of a barbed wire and military barrier to be replaced by a solid wall that the GDR calls the ‘anti-fascist protection wall’ thus hindering East Germans from defecting to the West. West Berlin, WEST GERMANY – 02/1962
© Raymond Depardon / Dalmas / SIPA

Le fonds Dalmas compte des millions de documents. A mes débuts à Sipa j’ai eu la chance de travailler avec Mme Janine (Scheel) que Gökşin Sipahioğlu avait eu l’intelligence d’embaucher après avoir acheté le fond Dalmas. Elle connaissait par cœur toutes ces archives. Grace à elle j’ai pu apprendre de quelle façon était organisé ce fond Dalmas qui n’était pas très simple à manipuler. Après le départ en retraite de Mme Janine je suis devenu une des personnes qui connaissait le mieux le système d’archivage de Dalmas. Et c’est grâce à Sipa que j’ai eu l’occasion de rencontrer Depardon. Il passait à l’agence de temps en temps quand il souhaitait voir les planches contacts de ses reportages…

West Berlin children play at ‘constructing the Berlin wall’ with make believe arms and imitating East and West Berlin wall security guards. On August 13 the GDR (German Democratic Republic) under the leadership of Erich Honecker began to block off East Berlin and the GDR from West Berlin by means of a barbed wire and military tank barrier to be replaced by a solid wall that the GDR calls the ‘anti-fascist protection wall’ thus hindering East Germans to from defecting to the West. West Berlin, WEST GERMANY – 02/1962. © Raymond Depardon / Dalmas / SIPA

En tant que salarié de l’agence Dalmas, Depardon est envoyé à Berlin pour couvrir le voyage de Robert F. Kennedy ministre de la justice, à Berlin-Ouest en février 1962, l’édification du mur de Berlin avait débuté six mois auparavant, dans la nuit du 12 au 13 août 1961. A cette époque, la zone tampon, dite « zone de mort », n’existe pas encore. C’est ainsi qu’il a pu se rapprocher d’aussi près du mur.

Raymond Depardon a photographié Berlin depuis, à plusieurs occasions. Mais c’est cette série avec les enfants qui s’amusent en construisant une réduction du mur de Berlin à quelques pas de la porte de Brandebourg qui s’est enraciné dans ma mémoire.

R.F.A.: Des enfants s’amusent en construisant une réduction du mur de Berlin à quelques pas de la porte de Brandebourg
© Raymond Depardon / Dalmas / SIPA

Dans son livre « Berlin fragment d’une histoire allemande » qui a été publié à l’occasion 25ème anniversaire de la chute du Mur, Raymond Depardon raconte ce qu’il avait observé en 1962 et dit : « J’avais aussi repéré des enfants qui s’amusaient à fabriquer un petit mur, à deux cents mètres à peine du vrai, avec des briques qu’ils avaient récupérées. Ils se chamaillaient, faisant semblant de se tirer dessus, comme n’importe quel gamin peut le faire à cet âge-là, et jouaient aux adultes. J’avais 19 ans, j’étais photographe depuis trois ans, mais toujours un adolescent. »