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« Le Capc recherche 7 personnes fumeuses aux cheveux gris ou blancs capables de faire des ronds de fumée pour une performance… » une annonce qui introduit le côté volontiers iconoclaste de l’artiste invitée par le musée bordelais. Après la remarquable proposition de Kapwani Kiwanga (actuellement à la Biennale de Venise), c’est l’artiste danoise Nina Beier qui se saisit de la monumentalité de l’espace de la nef. Sandra Patron et Cédric Faucq signent le commissariat et expliquent qu’ils ont laissé une grande place à l’inattendu. Volontiers à contre-emploi, l’artiste déjoue nos attentes avec une proposition à ras du sol, toute en horizontalité. Il faut déjà se déchausser pour marcher sur une moquette blanche (une pureté qui va le rester très longtemps ?) et regarder à hauteur d’enfant différents ensembles d’objets qui constituent les ilots d’une narration volontairement déceptive.

Un toboggan/éléphant, des voitures à télécommandes/perruques, des cages à oiseau/égouttoirs à vaisselle, des baguettes de pain carbonisées, des natures mortes/vivantes, des insectes en plastique à énergie solaire, des poussettes-jouets réceptacles de mignonettes, des serviettes de bain estampillées de billets de banque… la liste est longue de télescopages en trompe l’œil. Ils en disent long sur les narcissismes et dérives consuméristes de nos sociétés.

Vue de l’exposition Auto de Nina Beier, au Capc musée d’art contemporain de Bordeaux, du 08.03.2024 au 08.09.2024.Photo: Arthur Péquin

La notion de valeur et de transaction est au cœur de la pratique de l’artiste. Elle gomme toute distance critique entre l’objet et les promesses qu’il véhicule, les truffant de détails comme autant de signes sous-jacents. Ainsi du vase et du chien en porcelaine chinoise dont les motifs renvoient à des périodes décoratives fastes si ce n’est que leur surface est parsemée de trous. De même avec les coco de mer (dits coco fesses de par leur forme) encastrés dans des chaises Thonet, des coquillages que l’on trouve uniquement aux Seychelles pillés par les touristes et aujourd’hui devenus espèce menacée. Une rencontre aux allures surréalistes intitulée Female Nude comme une réponse à la persistance du nu féminin dans l’histoire de l’art.

Vue de l’exposition Auto de Nina Beier, au Capc musée d’art contemporain de Bordeaux, du 08.03.2024 au 08.09.2024.Photo: Arthur Péquin

Vue de l’exposition Auto de Nina Beier, au Capc musée d’art contemporain de Bordeaux, du 08.03.2024 au 08.09.2024.Photo: Arthur Péquin

Les circuits d’acheminement et de diffusion des produits sont également régulièrement interrogés par l’artiste qui évoque ainsi le passé colonial du Capc, les anciens Entrepôts Lainé. Les perruques ou cheveux importés, le café à travers les tasses à l’effigie des « chats porte bonheur » asiatiques, les feuilles de palmier des serviettes, les fauteuils de massage, l’éléphant Jumbo transporté en Europe…Et que penser des mannequins-enfants vêtus de costumes 3 pièces arborant des chiens dans des sacs de grandes marques –contrefaçons (A True Miror). Les projections d’une société de l’hyper contrôle où la réussite et ses symboles s’inculquent dès l’enfance, où le jeunisme est une obligation avec cet appareil de mesure de présence de la jeunesse dans l’exposition (Mosquito) et le chien devenu accessoire ultime du luxe..tous les scénarios sont ouverts.

Vue de l’exposition Auto de Nina Beier, au Capc musée d’art contemporain de Bordeaux, du 08.03.2024 au 08.09.2024.Photo: Arthur Péquin

Un cauchemar en boucle et ces doubles anthropomorphiques qui, vidés de leur sens sonnent le déclin de l’émerveillement, la dérive de nos pulsions scopiques.. tandis que l’on cherche vainement un sens au titre général AUTO. Parc automobile, miroir grossissant ? le mystère s’épaissit.

A noter la sortie de la monographie de l’artiste chez Hantje Cantz.

INFOS PRATIQUES :
Nina Beier
Auto
Jusqu’au 8 septembre 2024
Ouvert du mardi au dimanche de 11h à 18h
Capc
7 rue Ferrère
33000 Bordeaux
https://www.capc-bordeaux.fr/

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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