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White Night : Une première exposition en France pour Feng Li

Temps de lecture estimé : 5mins

Thomas Sauvin et Léo de Boisgisson présentent le travail du photographe chinois Feng Li à la galerie Oberkampf. Il s’agit de « White Night », une série débutée en 2005, et qui est devenue sa principale œuvre personnelle. Ce street photographer capte les scènes insolites ou ordinaires des rues de Chengdu, d’où il est originaire. De manière frontale, à coup de flash, il épingle la faune humaine dans ses postures les plus rocambolesques. « White Night » c’est aussi un ouvrage sélectionné pour le Prix du livre Aperture-Paris Photo dans la catégorie premier livre, dont le nom du lauréat sera divulgué lors de la foire.

Pour l’occasion, le photographe Feng Li est à Paris. L’équipe de 9 lives l’a rencontré.

« Ce qui m’intéresse avant tout, c’est de garder la liberté dans mon travail« . – Feng Li

9 lives : On assiste à la naissance et à la croissance de grands festivals et musées dédiés à la photographie en Asie. Quelle est la place de la photographie en Chine ? 

Feng Li : En Chine, la photographie – comparée aux autres arts visuels – en est plutôt à ses débuts. Mais c’est très prometteur, ça bouge très vite, car de nouvelles institutions artistiques et des foires voient le jour. Le mois dernier, j’étais à Photo Shanghai et j’ai eu de très bons retours, alors que je ne pratique pas ce pas forcement une photographie décorative et accessible. De mon point de vue, le développement de la photographie s’oriente sur de très bons rails et l’ouverture très prochaine du Museum of Photography de Lianzhou est une très bonne nouvelle. En Chine, le festival de Lianzhou est devenue une véritable institution et fait autorité dans le domaine de la photographie. Les plus grands photographes chinois sont passés par cette manifestation, et je suis très fier d’y avoir exposé il y a 5 ans. La Chine a spécifiquement besoin de ce genre d’institutions pour se développer. François Cheval sera à la tête du Musée, et c’est une chance d’avoir des personnalités internationales pour guider ce genre d’institutions. La Chine est encore en phase d’apprentissage, nous avons beaucoup à apprendre de l’étranger et de l’Europe notamment.

9 lives : C’est votre première exposition hors de Chine. La France reste-t-elle une terre mythique à conquérir quand on est photographe ? Est ce votre première visite et quelles ont été vos premières impressions ?

Feng Li : A la base de ce projet d’exposition, il y a vraiment une rencontre. Je suis venu ici à la suite d’une proposition de Thomas Sauvin et Léo de Boisgisson. Thomas a découvert mon travail en 2010, il m’a acheté quelques pièces. Avec Léo, sa femme, nous nous sommes rencontrés lors de sa venue à Chengdu l’an passé. Nous nous connaissons bien, tous deux ont vécu plus de 10 ans en Chine et nous avons noué des liens très forts. Alors venir ici, c’est avant tout presque amical. Le choix des images a été opéré par Thomas et Léo, je leur ai fait complètement confiance et j’en suis heureux.
Je suis assez loin des clichés sur la France. Paris est une ville que j’aime bien, je retrouve beaucoup de similitudes avec Chengdu, ma ville natale. Je trouve les gens finalement assez détendus, ils prennent le temps, j’adore me mettre aux terrasses de cafés pour les observer. Chengdu est réputé pour sa douceur de vivre et ici, j’ai l’impression d’être en terrain connu, presque familier.

9 lives : Parlez-nous un peu de ce projet exposé à Paris.

Feng Li : Pour le projet parisien, c’est une infime sélection réalisée à partir des milliers de photos prises depuis plus de dix ans sous une seule et même série intitulée « White Night ». Le choix des 31 photographies exposées représente particulièrement bien mon travail, on retrouve d’ailleurs quelques pièces iconiques de la série. Je déclanche à l’instinct, les images sont prises sur le vif, en majorité dans la région de Chengdu. La géographie et la topographie ne sont pas importants pour moi, ce qui m’intéresse ce sont les gens. J’essaye de capter des moments surprenants du quotidien. Je photographie autour de chez moi, des gens que je rencontre par hasard. Je vois toujours des choses incroyables et complètement invraisemblables. C’est ce que je recherche dans mes prises de vue : l’inattendu.

9 lives : Quelles sont les différences entre la photographie européenne et la photographie asiatique – chinoise en particulier ? Quelles sont les codes communs ?

Feng Li : Il y a une paternité que nous devons reconnaître de l’Europe pour la photographie et sans doute que la Chine a absorbé certains courants de manière décalée. Mais aujourd’hui, la Chine a largement rattrapé son retard. Les praticiens et les penseurs de la photographie sont confrontés aux mêmes problématiques que ce soit en Europe ou en Chine : la photographie se démultiplie, comment continuer à faire quelque chose d’intéressant? C’est pour moi ce qu’il y a de plus important, la photographie est faite pour poser des questions. (Sans trop apporter de réponses – rires)
En Chine, l’évolution de l’image s’est largement diversifiée. Il y a de plus en plus de photographie plasticienne, de nombreux artistes – ne viennant pas nécessairement de la photographie mais qui s’en empare – font des choses assez poussées. Il y a des photographes et des artistes-photographes et ça c’est quelque chose d’assez nouveau, on le remarque que depuis une vingtaine d’années. Par rapport à l’Europe, nous vivons tellement de bouleversements et de changements qu’en tant qu’artiste, nous avons beaucoup de défis, le champs des possibles est infini.

9 lives : Votre pré-selection au prix Aperture marque-t-il un tournant dans votre carrière ? Est ce un tremplin pour le marché américain ?

Feng Li : Je n’ai pas vraiment pensé au marché américain. C’est mon premier livre, c’est ma première exposition hors de Chine, je reste encore assez idéaliste. Je suis très heureux d’être nominé pour ce prix Aperture-Paris Photo et j’espère que ce livre sera sélectionné pour son contenu.

https://www.instagram.com/fenglee313/

INFORMATIONS PRATIQUES
• White Night
Feng Li
/!\ Derniers jours : jusqu’au 19 octobre 2017!
Galerie Oberkampf
103 Rue Saint-Maur
75011 Paris
http://www.galerieoberkampf.com
• Prix du Livre Aperture Paris Photo
Annonce des lauréats le vendredi 10 novembre
http://parisphoto.com

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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