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Annelise Fleischmann (1899-1994) vient d’une famille de la bourgeoisie juive convertie au protestantisme alors que Josef Albers (1888-1976), est issu d’une famille ouvrière catholique et rien ne prédisposait à se rencontrer l’instituteur et la jeune fille discrète et cultivée. C’est le coup de foudre en 1922 et leur mariage trois ans plus tard au Bauhaus. Une vie affective qui se nourrira d’un dialogue créatif en continu déroulée de façon magistrale par le Musée d’art moderne autour de plus de 350 œuvres et archives : peintures mais aussi textiles, tapisseries, meubles, photographies, bijoux…

Vue de l’exposition Anni et Josef Albers, l’art et la vie, Musée d’art moderne de Paris
photo Pierre Antoine

Vue de l’exposition Anni et Josef Albers, l’art et la vie, Musée d’art moderne de Paris
photo Pierre Antoine

Vue de l’exposition Anni et Josef Albers, l’art et la vie, Musée d’art moderne de Paris
photo Pierre Antoine

Un spectre très large qui illustre la grande ouverture qui les animait en tant qu’artistes mais aussi professeurs autour de la place de l’artisanat et la nécessaire démocratisation de l’art. Si les exposer à deux est une belle initiative, cela représente le risque de valoriser l’un au détriment de l’autre, en l’occurrence Anni, si l’on regarde la lecture qu’en fait le récit de l’histoire de l’art, l’élément féminin du couple étant généralement mis en second plan. Cette réserve faite, cette exposition est un régal des sens et de l’esprit.

Josef et Anni Albers dans le jardin de la maison des maîtres au Bauhaus, Dessau, vers 1925. Photographe anonyme. The Josef and Anni Albers Foundation

Tous les ateliers du Bauhaus n’étant pas ouverts aux femmes, Anni se tourne vers le tissage ce qui n’est pas son choix de départ, tandis que Josef choisit le verre. Anni poursuivra cette pratique de façon exclusive et abstraite et prendra la tête de l’atelier du tissage en 1931. Suite à la dissolution du Bauhaus, ils explorent à leur arrivée à Dessau, de nouveaux motifs horizontaux par superposition de bandes de même couleur suivant une recherche constante entre la figure et le fond, véritable trame de leur vie.
Professeurs au Black Mountain College cet exil aux Etats-Unis ouvre un nouveau chapitre très stimulant de leur vie et leur offre la possibilité de voyager au Mexique et de se former aux arts précolombiens. Josef documente ses nombreux voyages en Amérique du sud à travers la photographie qu’il pratique dès 1928. Leur collection de tissus et d’objets anciens devient le prétexte à de nouvelles inspirations. En parallèle de l’exploration des nœuds andins, Anni explore le labyrinthe et les systèmes binaires graphiques, tandis que Josef commence ses recherches sur les illusions optiques qui vont culminer avec les deux milles tableaux de la série Hommage au carré. Des combinaisons multiples et expérimentales, quasi obsessionnelles qui prennent toute la lumière dans les espaces arrondis de l’arc. Cette perception élargie du champ des couleurs à la fois physiologique, philosophique et méditative donne lieu en 1962 à la publication de son ouvrage théorique Interaction of Colors.

Anni Albers, Black White Yellow, 1926 / 1967, soie tissée, rayonne et lin, 207,6 x 121,4 cm. Conception : Anni Albers, 1926 – Réalisation : Gunta Stölz, 1967 Victoria and Albert Museum, Londres © 2021 The Josef and Anni Albers Foundation/ArtistsRights Society (ARS), New York/ADAGP, Paris, 2021

Vue de l’exposition Anni et Josef Albers, l’art et la vie, Musée d’art moderne de Paris
photo Pierre Antoine

Vue de l’exposition Anni et Josef Albers, l’art et la vie, Musée d’art moderne de Paris
photo Pierre Antoine

Vue de l’exposition Anni et Josef Albers, l’art et la vie, Musée d’art moderne de Paris
photo Pierre Antoine

Pendant ce temps Anni qui bénéficie enfin d’une reconnaissance d’artiste et non plus seulement d’artisane, reçoit une série d’importantes commandes religieuses comme celle du Jewish Museum de New York autour des victimes de l’Holocauste alors que le MoMa lui consacre une exposition personnelle en 1949, un évènement tout à fait inédit pour une femme à cette période.
Anni et Josef restent des pionniers du modernisme animés d’une vision progressiste et radicale qui va avoir une grande influence sur de nombreux artistes. Justice leur est donc fait et pour conclure je ne peux que recommander la lecture de l’ouvrage Anni & Josef Albers : égaux et inégaux par Nicholas Fox Weber aux éditions Phaïdon.

Exposition organisée en collaboration avec The Josef and Anni Albers Foundation, Bethany, Connecticut.

Vue de l’exposition Anni et Josef Albers, l’art et la vie, Musée d’art moderne de Paris
photo Pierre Antoine

Vue de l’exposition Anni et Josef Albers, l’art et la vie, Musée d’art moderne de Paris
photo Pierre Antoine

INFOS PRATIQUES :
Anni et Josef Albers,
L’art et la vie
Jusqu’au 9 janvier 2022
Musée d’art moderne de Paris
11 Av. du Président Wilson
75116 Paris
https://www.mam.paris.fr/

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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