Le Champ des Impossibles.03, dont la thématique centrale est l’arbre, se déroule jusqu’au 12 juin 2022. Chaque jour, nous vous proposons le portrait d’un artiste du Parcours Art & Patrimoine en Perche .03 rédigé par Emmanuel Berck. Aujourd’hui, retrouvons Christian Vallée, photographe et portraitiste bien connu dans le Perche, sa région d’adoption.
Christian Vallée a consacré une partie de sa vie professionnelle au cinéma. Bien que passionné par la photographie depuis son plus jeune âge, il entre dans le 7e art par le biais du son et collabore avec de nombreux chefs opérateurs internationaux, pendant une trentaine d’années. En 1980, l’ingénieur du son devient photographe professionnel, en studio et sur les plateaux de cinéma. 1996 est une date charnière : le photographe participe à un dernier film, à Cuba. Cette expérience devient un livre, «Dimanche à Cuba », avec des textes de Julien Cendres, l’auteur bien connu de La Perrière et une préface d’Eduardo Manet, cinéaste franco-cubain.
1996 marque aussi son installation définitive dans le Perche avec sa compagne, où ils créent « Concept Image », une agence de photographie et de communication. Christian Vallée monte parallèlement un studio photo, qu’il équipe de projecteurs de cinéma, pour réaliser des portraits, avec une patte bien particulière.
« Ma passion de toujours, c’est la lumière. Comme je travaille exclusivement en argentique, les projecteurs de cinéma apportent un effet de profondeur et permettent des contre-jours qu’il est impossible d’obtenir autrement. J’utilise principalement deux 6×6 Hasselblad que j’ai équipés d’un dos numérique (50 millions de pixel en 16 bits), indispensable aujourd’hui dans la publicité. Mes deux Leica sont toujours chargés, je les utilise pour mes projets personnels. J’ai également une chambre portable Teknika Linhof avec correction de perspective et une chambre ancienne Gilles Faller grand format (18×24), pour laquelle j’utilise du papier Ilford fabriqué spécialement à la bonne dimension. Je développe moi-même les photos, en utilisant souvent une technique particulière et le révélateur Lith ».
Tendre vers l’irréel, le magique

Seul face aux éléments, série Arbres 2021, tirage argentique au Lith © Christian Vallée
Se revendiquant du « pictorialisme » (historiquement, le premier mouvement artistique issu de la photographie se rapprochant de la peinture et de l’eau forte, où l’image est plus importante que le réel photographié), Christian Vallée aime soigner tout particulièrement la profondeur de champ de ses photographies « pour obtenir de jolis flous en arrière-plan ». Il explique : « La technique du tirage au Lith est une méthode de développement basée sur des mélanges chimiques particuliers. Elle réclame l’emploi de papiers spéciaux, souvent anciens. Les dernières fabriques de ces papiers étant aujourd’hui en Russie et en Tchéquie, il est probable qu’on subisse prochainement une rupture d’approvisionnement ennuyeuse… Je procède moi-même à la fabrication du mélange de révélateurs dans l’objectif de travailler le grain, les couleurs, l’ambiance. Avec une seule goutte en plus ou en moins d’un révélateur donné, on peut obtenir des résultats totalement différents. Par exemple, certains de mes tirages tirent vers le brun et l’orange. Ce n’est pas du sépia : on est loin du rose. La couleur apporte une dimension un peu irréelle, un peu magique… Mais attention, le tirage Lith est loin d’être économique… d’abord, vous n’avez que 20 minutes pour tirer, avant l’oxydation du mélange de révélateurs. Ensuite, il vous faut réaliser plusieurs tests avant d’obtenir ce que vous recherchez. La corbeille est souvent pleine à la fin de la journée…surtout chez un perfectionniste comme moi ».
Dans le cadre du Parcours Art et Patrimoine en Perche 2022, Christian Vallée expose ses images à la Mairie de Préaux-du-Perche. Ils sont le fruit des balades du photographe dans la campagne percheronne et d’un travail centré sur les arbres. « Avec le Lith, j’obtiens des fonds cotonneux, un peu comme de la neige, qui apportent beaucoup de relief et de profondeur. Au départ, je sais exactement ce que je veux obtenir, j’ai la photo dans la tête. Tout le travail consiste donc, à la prise de vue puis en labo, à parvenir au résultat souhaité, à l’aide de techniques précises. Par exemple, un bain final au sélénium pour améliorer la conservation des tirages, tout en renforçant les noirs. Parfois j’utilise le virage au Thio-urée pour aller plus vers le rouge. En résumé, à partir d’une photo réelle, je tends vers l’irréel, la poésie. Chaque tirage est unique ».
Le résultat mérite le détour. L’artiste joue avec les contrastes pour apporter de la profondeur. Le cadrage, la lumière, le mouvement, le grain… rien n’est laissé au hasard. Les photos, parfois en grand format, sont intenses et vous invite à un voyage à la fois physique et mental. Une certaine idée de la poésie, en noir et blanc.
Plus d’information : www.lechampdesimpossibles.com
INFORMATIONS PRATIQUES
Les samedis et dimanches de 14h00 à 19h00
Entrée 10 euros pour les 17 sites d’expositions du Parcours – tarifs réduits (5 euros) et gratuité jusqu’à 18 ans