« Chaque vie est une histoire », 13 artistes internationaux pour lever le voile au Musée national de l’histoire de l’immigration 3 jours ago
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« Chaque vie est une histoire », 13 artistes internationaux pour lever le voile au Musée national de l’histoire de l’immigration 3 jours ago
Partager Partager Temps de lecture estimé : 7minsPour sa première carte blanche, notre invitée de la semaine, Emmanuelle Walter, responsable arts visuels à La Filature, Scène nationale de Mulhouse, a choisi de nous parler de l’exposition qui vient d’ouvrir ses portes à la galerie. Elle est consacrée à la photographe d’origine espagnole, Anna Malagrida. Cette monographie réunit cinq séries que l’artiste a réalisées ces quinze dernières années autour de l’image fixe et l’image animée. Pour découvrir son travail, vous avez jusqu’au 5 mars prochain. Nous portons en nous un imaginaire de Paris traversé d’images et de récits, la conscience d’une ville qui serait un ensemble extraordinaire d’éléments pour produire de la société. Paris serait, comme toute ville dans son acception la plus classique et sans doute la plus utopique, le lieu de rencontre et d’interactivité, une forme évoluée d’organisation sociale. La chose qui nous frappe au regard de la représentation que nous en livre Anna Malagrida, telle que Paris se vit et se déploie dans son œuvre et sous nos yeux, c’est qu’elle n’est pas ainsi. La ville mondialisée apparaît comme une peau qui porte les traces des crises qu’elle traverse. Celle financière et bancaire des subprimes d’abord, qui touche les États-Unis lorsque la banque d’affaires new-yorkaise Lehman Brothers fait faillite en 2007, et qui, dans un contexte de contagion, entraîne le monde dans une immense crise économique. Dès 2008, Anna Malagrida en observe les conséquences à Paris, où elle découvre chaque jour en plus grand nombre des vitrines de commerces contraints à la fermeture, recouvertes de blanc de Meudon qui les opacifient. L’impact de la crise lui semble s’afficher dans la ville par la prolifération des commerces à l’arrêt recouverts de peinture blanche. Hommage discret à Eugène Atget, elle entreprend de photographier les vitrines avec un appareil grand format pour restituer avec précision les gestes rapides des peintres, les inscriptions laissées par les passants ou les détails de la ville qui s’y reflètent abstraitement. Le regard se déplace des reflets de l’architecture parisienne à la vitre recouverte de griffes, de mots, de traces frénétiques de peinture, laissant à leur surface comme l’expression des tensions de la crise. Ses images de vitrines suffisent pour que le vernis de la sociabilité craquèle. Rue Riboutté, 2008 © Anna Malagrida Les tirages, qui s’approchent de l’échelle 1, deviennent délibérément des peintures monumentales, renvoyant à l’art informel espagnol, l’expressionnisme abstrait américain ou les avant-gardes à mi-chemin de l’art figuratif et de l’art abstrait : on pense aux fonds de toiles blancs et irréguliers d’Antoni Tàpies ou de Miquel Barceló, aux gestes, gribouillis et dégoulinures de Cy Twombly, aux photographies surpeintes de Gerhard Richter… Anna Malagrida s’intéresse depuis toujours aux relations qu’entretient le langage photographique avec ceux de la peinture et de la vidéo. En 2010, observant le laveur de vitres de la galerie RX à Paris, elle pense à Clouzot filmant le geste de Picasso en transparence. Elle conçoit alors une œuvre qu’elle présente in situ, sous forme d’installation vidéo. Dans le film de deux minutes qui tourne en boucle, le protagoniste réalise un cycle entier de nettoyage improvisé en performance. À l’arrière-plan, la vie du quartier se découvre à mesure que le laveur racle l’eau savonneuse et redonne à la vitre sa clarté. Dans cette œuvre, très voisine de la série des Vitrines, il est, comme toujours chez l’artiste, question de documenter le réel et de s’en éloigner simultanément. Le Laveur de carreaux, 2010 © Anna Malagrida La représentation des différents quartiers de Paris dans le travail d’Anna Malagrida, principalement en termes architecturaux, traduit au fil des crises qui s’ensuivent – le mouvement des gilets jaunes en 2018, la crise sanitaire de la COVID-19 – la profondeur des inégalités socio-économiques. Paris y apparaît comme divisée et traversée de frontières et de nombreux espaces urbains semblent devenir inaccessibles aux précaires et aux exclus. Au moment des mouvements de protestation organisés chaque samedi sur l’ensemble du territoire français – d’abord contre l’augmentation du prix des carburants puis rapidement pour l’amélioration du niveau de vie des classes populaires et moyennes, la justice fiscale et sociale et surtout l’instauration d’un référendum d’initiative citoyenne -, et alors que les médias et les réseaux sociaux diffusent des images d’une France au bord de la guerre civile, des commerçants font construire et installer des protections en bois sur les vitrines de leurs établissements pour prévenir d’éventuelles dégradations. Les panneaux de bois sont montés le vendredi soir et déposés le lundi matin. Anna Malagrida et Mathieu Pernot les photographient les dimanches après les manifestations, dans le quartier du VIII° arrondissement, autour du rond-point de l’Étoile et du boulevard des Champs-Élysées. Dans leurs images de Paris barricadé, la crise se matérialise dans ces sculptures anonymes, installations éphémères qui transfigurent le paysage urbain le temps de la révolte. Si elles ne portent aucun signe de détérioration (ni graffitis, ni slogans, ni affiches) et semblent dérisoirement inefficaces à résister aux assauts, les protections en bois n’en sont pas moins redoutablement efficaces à réduire à néant tout espace de confrontation et de négociation. Leurs images témoignent de la violence du système là où une œuvre connexe, l’installation Les monstres sont à…, composée de panneaux de bois tagués prélevés du réel, incarne la révolte et le militantisme. Paris barricadé, 2 rue Vernet, 2018-2019 © Anna Malagrida en collaboration avec Mathieu Pernot Lauréate de l’édition de la Carte blanche PMU, Anna Malagrida explore en 2016 le thème du jeu et imagine Cristal House, une œuvre qui relève à la fois de l’installation et de la mise en scène. Elle choisit deux salles à Paris, dont l’une à l’angle de la rue du Renard, en face de la galerie sud du Centre Pompidou, où se réunissent des parieurs d’origines très variées. Les deux endroits ont de grandes fenêtres vitrées qui donnent sur la rue. La vitre – inépuisable motif d’inspiration de la photographe – tient à nouveau un rôle primordial dans son travail : elle est une frontière entre l’intérieur et l’extérieur que la photographe soumet à une observation intense. Anna Malagrida se concentre sur les jeux de transparence et de reflets, captant à travers les vitres – selon qu’elle se trouve elle-même à l’intérieur ou à l’extérieur de la salle de jeu -, le rythme trépidant voire chaotique de la ville ou, en contraste, l’attente des joueurs. Cristal House, Les Mains, 2016 © Anna Malagrida À l’intérieur, elle photographie les mouvements des mains qui triturent les tickets des paris dans l’attente du résultat des courses. Les papiers roulés, froissés ou mis en boules et jetés au sol lui rappellent les sculptures involontaires (billet d’autobus roulé…) photographiées par Brassai. Elle en récupère d’ailleurs certains qu’elle expose en regard des photographies. Elle collecte aussi les récits des joueurs sur leur vécu et leur parcours, qu’elle intègre à l’exposition. Le jeu s’y révèle alors d’une toute autre ampleur. Le temps de l’attente, au ralenti dans le portrait vidéo d’un joueur, évoque celui de l’espoir. Les espaces représentés sont, comme les rues de Paris de la série Les Passants réalisée pendant le confinement, des lieux d’attente d’une vie meilleure et peut-être d’espoir d’une ville-caravansérail. Les passants, Invalides II, 2020 © Anna Malagrida INFORMATIONS PRATIQUES Galerie de La Filature20 allée Nathan Katz 68100 Mulhouse dim15jan(jan 15)11 h 00 mindim05mar(mar 5)18 h 30 minAnna MalagridaPhotographiesGalerie de La Filature, 20 allée Nathan Katz 68100 Mulhouse Détail de l'événementNous portons en nous un imaginaire de Paris traversé d’images et de récits, la conscience d’une ville qui serait un mécanisme extraordinaire pour produire de la société. Paris serait, comme Détail de l'événement Nous portons en nous un imaginaire de Paris traversé d’images et de récits, la conscience d’une ville qui serait un mécanisme extraordinaire pour produire de la société. Paris serait, comme toute ville dans son acception la plus classique et sans doute la plus utopique, le lieu de rencontre et d’interactivité, une forme évoluée d’organisation sociale. La chose qui nous frappe dans la représentation que nous livre Anna Malagrida de Paris, telle qu’elle se vit et se déploie dans ses images et sous nos yeux, c’est qu’elle n’est pas ainsi. La ville mondialisée, dans ses murs et ses façades, apparaît comme une peau qui porte les traces des événements et des crises qu’elle traverse. Anna Malagrida (née à Barcelone en 1970) vit à Paris depuis 2004. Elle pratique la photographie et la vidéo. Souvent pensées autour de l’opposition dialectique entre intérieur et extérieur, ses pièces invitent le spectateur à une expérience à la fois intuitive et physique, portée par le sens à l’œuvre dans les photographies. La fenêtre, le voile ou la frontière sont quelques-uns des motifs qu’elle emploie pour faire dialoguer les différents espaces et parler de la dualité, de l’instable et de l’ambigu, par opposition à l’univoque. Sa trajectoire en tant que photographe débute en 1988, année de son inscription à l’Université Autonome de Barcelone, où elle obtiendra une licence en Sciences de l’Information. Décidée à travailler avec le médium photographique, elle poursuit sa formation à l’École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles en 1993. Anna Malagrida est lauréate du prix au Projet des Rencontres internationales de la Photographie en 2005 et obtient la bourse de la Fondation Arte y Derecho en 2006. Elle est également lauréate de la Carte Blanche PMU en partenariat avec le Centre Pompidou en 2016 et de la commande 3.0 du Centre National Arts Plastiques et du Jeu de Paume en 2020. Exposée en France et à l’international (Espagne, France, Afrique du Sud, Allemagne, Danemark…), son œuvre a rejoint de nombreuses collections publiques et privées (Centre Pompidou, le Wolfsburg KunstMuseum, MAGASIN 3 – Stockholm Kunsthall, Fonds National des Arts Plastiques, MACBA de Barcelone, la Fondation MAPFRE…). séries présentées Les passants ((extraits de la série) photographies, vidéo, mars 2020 – février 2021) Nouvelle cartographie photographique de Paris commencée en mars 2020 lors du premier mois du confinement suite à la crise de la COVID-19 et finalisée un an après, en février 2021, alors que la pandémie bouleverse encore la vie quotidienne en France. Par un point de vue unique et immobile, l’autrice interroge la notion de surveillance ; par le montage des diaporamas elle questionne la notion de temps, le temps de la photographie et aussi celui des individus dans la ville et leur rapport à l’espace urbain. Les séquences d’images traduisent le flux et le mouvement des villes mondialisées. Paris barricadé (photographies, installation, 2018-2019) Le mouvement des Gilets jaunes apparaît en France en octobre 2018. Il donnera lieu à de nombreuses manifestations organisées chaque samedi sur l’ensemble du territoire français et notamment à Paris autour du rond-point de l’Étoile et du boulevard des Champs-Élysées. Les habitants et les commerçants du quartier décident alors d’installer des protections pour protéger les vitrines des magasins et les fenêtres des logements. Les dimanches, jours d’après les manifestations, Anna Malagrida et Mathieu Pernot réalisent des photographies de ce quartier et des dispositifs de protection mis en place par les habitants. Cristal House (photographies, vidéo, textes, tickets de jeu usagés, 2016) Projet réalisé dans une salle de jeu au centre de Paris où se croisent deux quotidiens. À l’extérieur, celui de la ville qui défile avec son rythme intense, à l’intérieur de la salle, celui des joueurs qui parient aux courses de chevaux, les mouvements répétitifs de leurs mains et les temps d’attente. Attirés par les grandes mégalopoles, la plupart de ces joueurs sont des migrants, souvent des sans-papiers, qui arrivent de partout dans le monde et rêvent d’une vie meilleure. Les notions de rêve et d’espoir, intrinsèques à chaque joueur, se dédoublent dans l’image de celui qui émigre. Le laveur de carreaux (boucle vidéo, 2010) Vidéo réalisée depuis l’intérieur d’une galerie d’art qui montre l’action du laveur de carreaux. Le geste de savonnage de la vitre rappelle un geste pictural et montre la formation et la transformation de l’image. À travers cette action médusante et la trace laissée par le savon, nous pouvons entrevoir la description concrète du quotidien, la vie de la rue. Par la transparence partielle de la vitrine, la caméra capte l’action du travailleur, dans un acte performatif qui interroge la paternité de l’œuvre. Les vitrines (photographies, 2008-2009) Les images de la série Les Vitrines (Escaparates) se concentrent sur un dispositif de vision – la vitrine – et s’identifient à celui-ci pour annuler son usage et l’utiliser comme le véhicule d’une réflexion. Il s’agit de vitrines de commerces condamnées à Paris, recouvertes avec de la peinture de blanc d’Espagne qui empêche de voir clairement l’intérieur. Le regard rebondit vers le reflet de la ville ainsi qu’à la frontière matérielle de la vitre recouverte d’inscriptions. La tension de la ville s’incarne alors sous forme d’une abstraction dans ces grandes images que nous pouvons aussi regarder avec distance. DatesJanvier 15 (Dimanche) 22 h 00 min - Mars 5 (Dimanche) 5 h 30 min(GMT-11:00) LieuGalerie de La Filature20 allée Nathan Katz 68100 Mulhouse Galerie de La Filature20 allée Nathan Katz 68100 MulhouseEntrée libre du mardi au samedi de 11h à 18h30, les dimanches (excepté de juillet à septembre) de 14h à 18h, ainsi que les soirs de spectacles. Get Directions CalendrierGoogleCal ET BIENTÔT CRP/ Centre régional de la photographie Hauts-de-FrancePlace des Nations 59282 Douchy-les-Mines sam04mar(mar 4)13 h 00 mindim11jui(jui 11)17 h 00 minAnna MalagridaCe qui demeureCRP/ Centre régional de la photographie Hauts-de-France, Place des Nations 59282 Douchy-les-Mines Détail de l'événement« Le voir précède le mot. C’est la vue qui marque notre place dans le monde : les mots nous disent le monde, mais les mots ne peuvent pas défaire Détail de l'événement « Le voir précède le mot. C’est la vue qui marque notre place dans le monde : les mots nous disent le monde, mais les mots ne peuvent pas défaire ce monde qui les fait. Le rapport entre ce que nous voyons et ce que nous savons n’est jamais fixé une fois pour toutes. » John Bergerr L’exposition inédite proposée par le CRP/ synthétise plusieurs thématiques caractéristiques de l’oeuvre d’Anna Malagrida. L’ensemble des photographies et vidéos présenté, aborde, dans un dialogue équitable, des questions récurrentes, soulevées depuis le début de son parcours, comme la mémoire, la trace, l’origine ou la permanence. Ce qui demeure appréhende aussi les aspects fondamentaux d’une oeuvre qui ne se donne pas. Au premier regard, on comprend rapidement que l’oeuvre d’Anna Malagrida est de celles qui convoquent les sensations. Sans précipitation, les gestes captés sont lents, les mouvements infimes. Il y a une certaine distance dans la représentation, qui pourrait s’apparenter à du romantisme. Les paysages sont d’une beauté aride presque sensuelle. À contre-courant, dans une époque où règnent distanciation et digitalisation, la photographe cherche à nous faire établir un rapport physique à l’image, à littéralement entrer en elle. Les formats et les procédés contribuent à cet enveloppement. Si ce besoin immédiat d’établir un contact peut être naïvement attribué à la nature méditerranéenne de l’artiste, il s’explique avant tout par la conception de son propre travail qui se place autant dans le champ de l’expérimentation sensible que conceptuelle. Sa lecture du monde en est ainsi. Ce qui nous est montré, se lit a priori sans encombre. La démarche d’Anna Malagrida relève de la traduction : à l’écoute de chacun des murmures du monde, elle reporte ce qu’elle voit. Photographies et vidéos sont le fruit de phases d’observation accrue. Son processus de travail intègre systématiquement la prise en compte de données factuelles, historiques sur le paysage et sur l’environnement socio- culturels. Comme pour un chercheur, un explorateur ou un ethnologue, il s’agit avant tout de regarder autour de soi. En laissant de côté tout point de vue préétabli ou pensée critique liminaire, elle part de zéro, de sa seule observation. Seulement, voilà, contrairement aux scientifiques, l’artiste fuit les certitudes. Elle lui préfère la métaphore. Derrière une sobriété apparente se cachent des significations multiples et une lecture à tiroirs, plus complexe que ce qui est donné à voir au premier abord. La charge symbolique vient ainsi décupler la puissante efficacité des images. D’où nous parle Anna Malagrida ? Tantôt de l’Espagne, de là où elle vient, tantôt de la France, de là où elle vit. Finalement, de n’importe où il y a une opportunité de penser l’espace à travers l’image. Dans la Province de Valence, dans sa Catalogne natale, comme au milieu de notre Bassin Minier, chaque lieu traversé est considéré comme un témoin. Les restes et les traces prélevés sur chaque espace traversé constituent les déclencheurs et forment le coeur même de la réflexion. D’ailleurs, à la manière ancestrale, ici, on ne parle pas de lieu, on parle de terre. En parallèle de cet attachement à la terre qui traverse les oeuvres, il y a une cohérence dans la façon de traiter le temps. Dans les images animées comme dans les compositions fixes, on distingue un début et une fin. Le caractère narratif est d’ailleurs certainement à l’origine d’un attrait pour la vidéo et du glissement de la photographe vers ce médium. Mais on a la sensation qu’ici on se refuse au vide, et qu’une fois l’issue atteinte, on recommence. L’idée du cycle est prégnante, « La Pierre du Diable »1, l’artiste a la pensée circulaire. Elle n’hésite pas à bouleverser les rythmes naturels et l’ordre établi. Boucle imperceptible, avance rapide ou discret rembobinage, Anna Malagrida exploite les possibilités techniques pour se faire maître du temps. Une façon de régler ses comptes avec la mémoire. Et de résister. Anna Malagrida ne lutte pas contre le temps par peur de l’avenir ou par nostalgie. Cette posture est davantage une remise en cause voire un rejet de notre système actuel. L’ère de la marchandise, qui produit à toute vitesse pour mieux détruire. L’absurdité de notre époque l’a convaincue de s’attacher à la pérennité, à ce qui reste, en réaction à l’Anthropocène. Face aux oeuvres, nous sommes ce balayeur soulevant ses tonnes de poussière dans « Le Poids des Cendres »2. Unique présence humaine de l’exposition, le pauvre Sisyphe des temps modernes fait face à la désillusion et à une réalité plus que décevante. En écho aux paradoxes de toute une humanité, ici, des questionnements métaphysiques s’entrechoquent à la légèreté du monde. Anna Malagrida n’a pas peur des contrastes déroutants. Citons la fumée rouge de « La Frontière »3 qui renvoie, dans le même temps, aux Correfocs des fêtes populaires catalanes et au passé douloureux de la guerre de Cent Ans. Même si elle y fait souvent référence dans sa forme populaire et traditionnelle, ce n’est pas la fête qui l’intéresse, mais le goût amer de son lendemain. Au fin fond de ces milieux rocailleux, arides ou montagneux, Anna Malagrida fait l’état des lieux de traces, comme si elle prélevait des résidus, collectait des témoignages : elle fait parler les cendres. Dans cette pièce exclusivement produite pour le CRP/, « Archives de Charbon »4, elle assemble des photographies d’archives de terrils pour créer un horizon nouveau sur les ruines du passé lourd et noir de charbon du Bassin Minier. La cordillère irréaliste met en avant l’aspect géométrique et presque ludique de ces massifs nés de la main et du labeur des hommes. Encore de la poussière… Et sous le sol, les veines de charbon s’étalent sur le mur mesurant le poids de l’invisible sur le visible. Poussière, fumée rouge ou encore imbroglio de troncs d’arbres viennent barrer notre regard. Anna Malagrida impose régulièrement ce type de filtres dans sa photographie. Ces contraintes visuelles rappellent les vitres et les fenêtres utilisées dans les séries précédentes. Le chaos des branchages de la « Fageda d’en Jordà »5 n’est pas un effet de camouflage, ni un artifice. Mais une suggestion pour nous laisser nous approprier ce qu’il y a dans le cadre et au-delà. Avec cette nature primitive et envahissante, la photographe (r)établit un rapport élémentaire à la perception. En perturbant la lecture, les photographies nous amènent paradoxalement à plus de clairvoyance sur le monde qui nous entoure et ce que nous sommes. Artiste du double et du trouble, Anna Malagrida aime faire jaillir des mêmes supports, les faits et les mythes, le tangible et le fugace, le fragile et le tenace. Dans ces entre-deux se loge une pensée qui ne sait voir qu’au-delà des évidences. Audrey Hoareau Commissaire de l’exposition Directrice du CRP/ Photo : La Frontière, 2010, Vidéo © Anna Malagrida DatesMars 4 (Samedi) 0 h 00 min - Juin 11 (Dimanche) 4 h 00 min(GMT-11:00) LieuCRP/ Centre régional de la photographie Hauts-de-FrancePlace des Nations 59282 Douchy-les-Mines CRP/ Centre régional de la photographie Hauts-de-FrancePlace des Nations 59282 Douchy-les-MinesEntrée libre Ouverture de la Galerie Mardi … vendredi / 13:00 … 17:00 Samedi, dimanche, jours fériés / 14:00 … 18:00 (galerie fermée le lundi) Get Directions CalendrierGoogleCal Marque-page0
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