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L’appel à candidatures de la première édition du Prix Photo Terre Solidaire a été lancé à l’automne dernier, il était destiné aux photographes du monde entier venus proposer un projet dans le thème de la photographie humaniste et environnementale. Le jury* présidé par Sebastião Salgado s’est réuni il y a quelques semaines pour désigner les trois lauréat·es de ce nouveau prix doté de 50.000€. Le Grand Prix Terre Solidaire est remporté par Alessandro Cinque pour son projet « Peru, a toxic state ». Anush Babajanyan et Emily Garthwaite sont les 2ème et 3ème lauréates avec leurs projets respectifs « Battered waters » et « Light Between Mountain ».

Le Prix Photo Terre Solidaire

Depuis 60 ans, le CCFD-Terre Solidaire fait de la photographie le témoin de son action à travers le monde. Le Prix Photo Terre Solidaire est l’aboutissement du soutien à la photographie et ses auteurs, mené par l’ONG depuis sa création. La première édition du Prix Photo Terre Solidaire est présidée par Sebastião Salgado qui effectua en 1973 son tout premier reportage photographique professionnel avec l’aide et le soutien de l’ONG.

Ce prix s’articule sur trois dimensions : la reconnaissance du parcours d’un photographe, le soutien de la poursuite d’une œuvre engagée et l’invitation à rejoindre les combats du CCFD – Terre Solidaire. Cet engagement est incarné par une dotation partagée de 50 000€ décernée à trois lauréats.
Cette première édition a enregistré plus de 480 candidatures de 71 pays. Les projets photographiques proposés dressent un portrait du monde et témoignent des enjeux à relever pour construire une terre solidaire.

Alessandro Cinque – Lauréat du Grand Prix Photo Terre Solidaire.

Portrait Alessandro Cinque

« À travers le prisme des nouvelles et anciennes mines, ce projet parle du néolibéralisme et du néocolonialisme, en témoignant du manque de respect des droits humains dans les campagnes péruviennes » – Alessandro Cinque.

May 21, 2021
Before mining company Arasi arrived in Ayaviri, Puno, people lived on cheese and milk. Ayaviri’s cheese was exported all over Peru, reaching as far as Lima and Cuzco. Due to water pollution and drought, cows began to produce less milk and of lower quality. As a result, the economic conditions of the breeders dropped significantly. Cheese producers now have difficulty selling their products outside the city. Nearby markets do not want to buy what may be « contaminated cheese ». In the picture, the level of drought of the land is clear. © Alessandro Cinque

May 21, 2017.
The indigenous Quechua people have a special connection to the agricultural lands where they and their animals live. The delicate care they devote to agriculture consists of talking to the earth asking for rain and a good harvest. Then, they do a ritual dance to « Pacha-mama, » quechua for Mother Earth, with passion and grace to express their gratitude. However, when there is mining, agricultural lands often end up poisoned with heavy metals, while the ancient traditions they have maintained with the environment slowly disappear. © Alessandro Cinque

April 27, 2021
Mernardo Sarabia Flores, 60, president of the Torata Alta Irrigation Commission. His community, before the opening of Southern Copper’s Cuajone mine in Moquegua, lived on agriculture and livestock, especially from the high quality of its avocados, which require a lot of water. In recent years, avocado trees have been dying, affecting the local population’s source of income. In 2021, 86% of the people of Torata voted for socialist presidential candidate Pedro Castillo. Castillo won the race by a razor-thin margin of just 0.2 percentage points nationally, but he won by massive margins in almost all of Peru’s mining towns. Castillo is Peru’s first peasant president, just like the majority of people who live in Peru’s Andean mining towns. © Alessandro Cinque

Le photographe italien Alessandro Cinque témoigne à travers son projet documentaire, « Peru : a toxic state », des conséquences environnementales, sociales et culturelles causées par l’exploitation des ressources minières au Pérou. Fruit d’un voyage de six ans à la rencontre des communautés des Andes péruviennes, cette série livre le récit de leurs réalités et de leurs souffrances : celles de la violation de leurs droits, de la dégradation de leurs conditions de vie et de leur santé, du délitement de leur culture et de leur identité.
Actuellement basé à Lima, Alessandro compte poursuivre ce projet photographique, à la fois de manière documentaire et militante. Il souhaite témoigner des réalités similaires vécues par les communautés andines de Bolivie et d’Équateur. Il souhaite également éditer un livre photographique, traduit en langue quechua, afin de renforcer l’accès à l’information et de fédérer les communautés, autant que de sensibiliser la communauté internationale et d’encourager un dialogue sur les abus commis par les industries minières. Son travail photographique sera exposé en intégralité au Festival Photo la Gacilly, en 2024.

Alessandro Cinque, né en 1988, est un photojournaliste italien basé à Lima – Pérou. Son travail explore les questions environnementales et sociopolitiques, notamment en Amérique latine. En 2019, il a étudié à l’ICP à New York. La même année, il a commencé à travailler pour Reuters, couvrant principalement le Pérou. En 2022, il devient « National Geographic Explorer », contributeur Instagram et réalise sa première couverture de magazine. En janvier 2023, il publie son premier fanzine, qui rassemble son travail dans les communautés indigènes quechua au cours des six dernières années.

Le Grand Prix Terre Solidaire :
– Doté de 30 000€ pour poursuivre son projet personnel, entre mars et décembre 2023.
– Une exposition de ce projet photographique au Festival Photo La Gacilly en 2024.
Une commande rémunérée de reportage auprès des partenaires internationaux du CCFD-Terre Solidaire.

Anush Babajanyan – Lauréate du Prix Photo Terre Solidaire

Portrait Anush Babajanyan

« L’effondrement de l’Union soviétique au début des années 1990 a laissé les pays d’Asie Centrale aux prises avec des problèmes environnementaux et un manque de coordination autour de l’eau qu’ils partageaient. » – Anush Babajanyan.

Battered Waters © Anush Babajanyan / VII

Kyrgyzstan: Sonunbek Kadyrov’s boat serves the village Kyzyl-Beyit, as a taxi. Access to this village’s main road was covered by water over 20 years ago as a dam was built, in a case when inefficient water management heavily complicated people’s movement. Battered Waters © Anush Babajanyan / VII

Battered Waters © Anush Babajanyan / VII

La photographe arménienne Anush Babajanyan, membre de l’Agence VII, a été récompensée du Prix Photo Terre Solidaire pour son projet « Battered Waters ». À travers cette narration visuelle, elle témoigne de la crise de l’eau en Asie centrale, auxquels s’ajoutent des problématiques environnementales qui affectent les 67 millions de personnes de cette région enclavée. Du Kazakhstan au Tadjikistan, en passant par l’Ouzbékistan et le Kirghizistan, Anush nous plonge au cœur de la magnificence des paysages et au plus près des populations de ces quatre pays, pour nous raconter l’histoire d’une région assoiffée et négligée.
Grâce aux Prix Terre Solidaire, Anush souhaite continuer à mettre en lumière les problématiques liées à la gestion et au partage de l’eau en Asie centrale. Elle souhaite également étendre son travail narratif et documentaire aux pays du Caucase du Sud.

La photographe arménienne Anush Babajanyan, née en 1983 à Erevan, est membre de l’agence VII Photo et est National Geographic Explorer. Anush Babajanyan concentre son travail sur les récits sociaux et les histoires personnelles. En plus de son travail intensif dans le Caucase du Sud, elle continue de photographier en Asie centrale et dans le monde entier. Anush Babajanyan a récemment publié un livre sur le Nagorno-Karabakh, intitulé A Troubled Home. Anush est la lauréate de la bourse Canon 2019 pour les femmes photojournalistes, décernée à Visa pour l’Image. 

Emily Garthwaite – Lauréate du Prix Photo Terre Solidaire

Portrait Emily Garthwaite

« Ce travail témoigne d’un morceau d’histoire oubliée, englobant une myriade de croyances, d’identités ethniques et de passé lointain. C’est une lettre d’amour à ma maison »
– Emily Garthwaite.

Irak © Emily Garthwaite

Rawanduz river running towards Geli Ali Bag waterfall beside a partially mined river bank in the Kurdistan Region of Iraq. © Emily Garthwaite

Ahmed Rezani, found mountain guide on the Zagros Mountain Trail, stands beneath oak trees near Razhukarykan village. © Emily Garthwaite

La photographe britannique Emily Garthwaite a reçu le Prix Photo Terre Solidaire pour son projet « Light Between Mountain » réalisé au Kurdistan irakien. Dans un territoire complexe et fragmenté par une succession de conflits, elle témoigne de la résistance du mode vie pastoral, des traditions et des croyances. Depuis 2019, elle sillonne les montagnes kurdes, traversant des zones de mémoires, de traumatismes et de fragilités environnementales. En écrivant l’histoire des bergers, agriculteurs, combattants et pèlerins rencontrés au grès de son parcours, elle donne à voir « l’autre Irak », celui où l’émerveillement, la quête et le renouveau prime sur la guerre.
Le journalisme lent et « le retour » sont deux approches au cœur de son travail. Grâce au Prix Photo Terre Solidaire, elle souhaite poursuivre sa narration visuelle en s’intéressant davantage aux menaces environnementales, continuant sa marche aux côtés des « gardiens » de la terre et du folklore pastoral et religieux.

Emily Garthwaite, née en 1993 en Grande Bretagne, vit en Irak. Photojournaliste reconnue, ambassadrice Leica, elle se concentre sur des sujets environnementaux et humanitaires. Son travail tisse des liens entre les thèmes de l’humanité partagée, du déplacement et de la coexistence avec le monde naturel. Elle est titulaire d’un master en photographie documentaire et en photojournalisme de l’université de Westminster. Emily a parcouru plus de 1 500 kms à pied en Irak, dont trois fois le pèlerinage d’Arba’een dans le sud du pays, le plus grand pèlerinage annuel du monde, ainsi qu’une randonnée de 231 kms à travers la région du Kurdistan, pour documenter le premier sentier de randonnée longue distance de la région. En 2020, elle a parcouru 200 kms à pied dans les montagnes de Zagros, en Iran, afin de documenter les coutumes nomades de la tribu des Bakhtiari. Plus récemment, Emily et une équipe d’écologistes irakiens et internationaux, ont effectué une expédition en bateau de 1 900 kms de la source à la mer, connue sous le nom d’Expédition Dijlah, sur le Tigre, à travers la Turquie, la Syrie et l’Irak, pour mettre en évidence les effets du changement climatique et de la dégradation de l’environnement sur le fleuve.

Les deux Prix Photo Terre Solidaire :
– Dotés de 10 000€
– Une commande rémunérée de reportage auprès des partenaires internationaux du CCFD-Terre Solidaire, réalisée entre mars et mai 2023.
– Une exposition des reportages au festival Photoclimat (Paris, septembre / octobre 2023) et au Zoom Photo Festival (Saguenay, Canada, octobre 2023).

*Le jury était composé de Sebastião Salgado (France / Brésil), Dimitri Beck (Polka Magazine – France), Pierre Ciot (SAIF – France), Cheick Diallo (Biennale de Bamako – Mali), Cyril Drouhet (Figaro Magazine, Festival Photo La Gacilly – France), Emmanuel Fagnou (Prix Caritas – France), Josianne Gauthier (CIDSE – France), Nicolas Henry (Photoclimat – France), Nathalie Herschdorfer (Photo Elysée – Suisse), Isabelle de Lagasnerie (La Croix – France), Dominique Rouyer (CCFD – Terre Solidaire – France) et Michel Tremblay (Zoom Photo Festival – Canada).

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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