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Pour sa troisième carte blanche, notre invité de la semaine, le responsable du Carré d’art, François Boucard souhaite souligner l’importance de la dynamique de coproduction des expositions impulsée par les différents centres d’art. Cela permet d’organiser l’itinérance des expositions sur le territoire, mais aussi de mutualiser les coûts et les savoir-faire. L’exposition collective en cours « Parle leur de batailles, de météores et de caviar d’aubergine » et la prochaine « L’oreille cassée » de Julien Coquentin sont réalisées en coproduction avec d’autres structures.

Pour faire suite à mon propos d’hier sur le réseau Diagonal, je souhaite mettre en avant les atouts de la diffusion des expositions par la coproduction avec d’autres structures.
La recherche de partenaires, et les éventuelles coproductions qui en découlent, est, pour une structure comme le Carré d’Art, une question très importante. Ainsi, co-construire un projet de A à Z, c’est à la fois trouver des moyens financiers plus conséquents pour sa concrétisation, mais c’est aussi mettre en place des outils, lancer une dynamique qui permettent d’accompagner au mieux les photographes et la circulation des expositions.
Cette saison, le Carré d’Art a accompagné, avec d’autres partenaires, deux projets d’envergure, dont les expositions s’étalent de janvier à mai 2023, l’une dans le cadre de l’opération [Stand with Ukraine] en soutien à la photographie ukrainienne, et l’autre du photographe Julien Coquentin qui propose une nouvelle série.

Parle-leur de batailles, de météores et de caviar d’aubergine
Du 20 janvier au 8 mars 2023

L’éthique et les valeurs portées par le réseau Diagonal résident aussi dans le soutien aux photographes qui vivent des conditions difficiles dans leur pays. Ainsi, suite à l’invasion russe en février 2022, les membres du réseau ont souhaité se mobiliser pour apporter leur aide aux photographes ukrainien.ne.s en les aidant à poursuivre leur travail (une grande partie d’entre eux.elles documentent ce qui se passe depuis les premiers jours de l’invasion).
Le réseau s’est donc rapproché du festival OdesaPhotoDays – créé en 2014 – et de sa directrice Kateryna Radchenko, dans le but de présenter des photographes qui devaient être programmé.e.s en mai 2022, mais aussi sélectionner des photographes programmés lors des trois éditions précédentes.
Dans l’urgence, près de la moitié des membres du réseau Diagonal a modifié sa programmation pour créer et produire des expositions en France, et rémunérer les artistes. Cette réactivité a été aussi celle du Ministère de la Culture qui s’est engagé, dès le départ, à accompagner le réseau.
Aujourd’hui, c’est une quinzaine d’expositions, individuelles et collectives, qui ont pu être produites, représentant plus de 50 artistes, qui ont été/seront présentées dans des galeries, en extérieur ou encore sous la forme de projections, entre mai 2022 et décembre 2023.
Ainsi, l’exposition Parle-leur de batailles, de météores et de caviar d’aubergine, dont le commissariat a été réalisé conjointement par le Pôle de Photographie Stimultania à Strasbourg, le Centre Claude Cahun à Nantes et le Carré d’Art de Chartres de Bretagne, a été/va être diffusée dans des configurations différentes (jusqu’à 7 photographes) dans ces trois lieux, ainsi que lors du festival Les Photographiques (Le Mans) en mars, lieu partenaire de l’opération [Stand With Ukraine].
L’exposition au Carré d’Art rassemble quatre photographes aux pratiques différentes, quatre regards sur l’Ukraine d’avant février 2022 : Maxim Dondyuk, Oksana Nevmerzhytska, Elena Subach et Daria Svertilova.

Après avoir documenté le conflit entre l’Ukraine et la Russie dans le Donbass en 2014, Maxim Dondyuk retourne sur l’ancienne ligne de front durant l’hiver 2017, pour explorer les paysages silencieux et ravagés qui étaient alors des champs de bataille.

Portrait de Maxim Dondyuk

© Maxim Dondyuk

En photographiant des étudiants ukrainiens dans les appartements d’immeubles construits à l’époque soviétique, Daria Svertilova confronte l’héritage soviétique et la nouvelle génération pro-occidentale. Ni maison de famille, ni appartement en location, ces chambres constituent une sorte de cocon, un lieu de transition entre l’adolescence et une vie d’adulte.

Portrait de Daria Svertilova

© Daria Svertilova

L’imaginaire de l’apocalypse est omniprésent dans le travail d’Elena Subach. Elle trouve son inspiration dans différentes histoires sur sa province d’origine en Ukraine. Ici, l’artiste construit une série autour de l’univers des météorites et de la fin du monde et tente de représenter l’état d’esprit des habitants.

© Elena Subach

Dans ses photographies, Oksana Nevmerzhytska dénonce le système de santé ukrainien complètement laissé à l’abandon. Les images sont récentes, prises dans des hôpitaux de petites villes où pourtant le temps semble s’être arrêté il y a trente ans. Les murs sont décrépis, les couleurs acidulées et le matériel vétuste.

Portrait d’Oksana Nevmerzhytska

© Oksana Nevmerzhytska

ven20jan(jan 20)14 h 30 minmer08mar(mar 8)18 h 30 minParle-leur de batailles, de météores et de caviar d’aubergineExposition collective de photographes ukrainien·nesGalerie Le Carré d’Art - Centre Culturel Pôle Sud, 1 rue de la Conterie - 35131 Chartres de Bretagne

Oreille coupée de Julien Coquentin
Du 17 mars au 3 mai 2023

Un projet très différent à partir du 17 mars, avec l’exposition du photographe Julien Coquentin, Oreille coupée, qu’il présentera pour la première fois.
En partant de documents du 19ème siècle découverts aux archives départementales de l’Aveyron, le photographe évoque la présence du loup dans les campagnes et les forêts du Massif Central. En choisissant de réaliser des photos de paysages et des portraits (agriculteurs, éleveurs, agents de l’Office de la Biodiversité, chasseurs et habitants), Julien nous plonge au milieu d’une nature immersive, dans cette enquête sociologique et environnementale.
Parallèlement à un travail argentique réalisé au moyen format, il a mis en place des pièges photographiques, qui lui ont permis de collecter des images de cerfs, de chevreuils, de renards… mais aussi de loups ! A partir de ces images, l’artiste a réalisé des cyanotypes, qu’il n’a pas développés, ce qui leur donne une tonalité bleu-vert, proche des scènes nocturnes de l’imagerie militaire ou scientifique.

Julien Coquentin, L’oreille coupée

Julien Coquentin, L’oreille coupée

Le vernissage de l’exposition sera marquée par la sortie d’un livre aux éditions lamaindonne, toujours en souscription sur le site de ce remarquable éditeur, fidèle au travail de Julien Coquentin.
Cette série a fait partie d’une des propositions évoquées en séminaire de programmation au sein du réseau Diagonal, et a séduit deux autres pôles de photographie : La Chambre à Strasbourg et le Centre Claude Cahun à Nantes, qui présenteront ce travail en 2024. Même si la raison première d’une coproduction réside dans la mutualisation des coûts de production, elle permet aussi la visibilité d’artistes en multipliant les expositions dans différents lieux.

ven17mar(mar 17)14 h 30 minmer03mai(mai 3)18 h 30 minJulien CoquentinOreille coupéeGalerie Le Carré d’Art - Centre Culturel Pôle Sud, 1 rue de la Conterie - 35131 Chartres de Bretagne

Photo de couverture : Elena Subach, Meteorite Berdychiv

A LIRE : 
Parlement de la Photographie 2022 : Dynamiques de co-production Entretien avec la commissaire Anna Milone et Erika Negrel du réseau Diagonal

La Rédaction
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