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La couverture du numéro de mars 2023 du magazine Réponses Photo avait fait beaucoup parlé d’elle, avec ce portrait de marin… généré par l’intelligence artificielle. Alors oui, il a fallu faire plus de 300 essais pour arriver à un tel niveau de réalisme, mais demain combien de temps faudra t-il pour faire naître une photographie « parfaite » sur les plateformes d’Intelligence artificielle ? Peut-être juste le temps d’un clic. L’artiste berlinois Boris Eldagsen a voulu mettre à l’épreuve l’un des plus grands concours photo – le Sony World Photo – en participant avec une image générée par l’Intelligence artificielle. La surprise est totale, il est nommé lauréat de la catégorie Créative !

Tout commence l’été dernier, lorsque les plateformes pilotées par l’Intelligence Artificielle permettant de créer des « images » sont devenues accessibles au public. Le principe est simple, ces plateformes génèrent des images à partir de l’analyse d’une base de données d’images. Deux possibilités s’offrent ainsi à vous : soit vous chargez une image existante, soit vous saisissez du texte dans le but d’obtenir un résultat précis. C’est d’ailleurs cette dernière option qu’a utilisée l’artiste Boris Eldagsen pour tester le générateur d’images DALL E2, trois semaines durant en tant que bêta-testeur. Son but était de tester les limites de cette IA. Il a créé une série appelée « Vomit« . Pourquoi ce titre ? Parce que l’IA de DALL E2 a généré ces images mais a refusé d’aller plus loin dans les traitements et après de nombreux avertissements pour avoir saisi des mots interdits, son compte a été désactivé.

Extrait de la série Vomit © Boris Eldagsen

Plus tard, c’est au tour de Stable Diffusion de proposer une plateforme sans aucune censure majeure. Chaque jour, Boris a expérimenté cette nouvelle technologie et le potentiel des textes poétiques, mal orthographiés ou illogiques. Pour générer cette nouvelle série « HUNGER – Vanitas Symbols for the Future« , il a souhaité tromper l’IA en intégrant des morceaux de phrases de plus en plus incompréhensibles qui empêchaient la plateforme à se référer à des images. Il a sélectionné des morceaux pour former une mutation visuelle.

Extrait de la série HUNGER – Vanitas Symbols for the Future © Boris Eldagsen

Fort de son expérience, Boris Eldagsen a souhaité aller plus loin, et voir jusqu’où pouvait aller une œuvre générée par l’IA en participant à un concours de photographie. Il a donc soumis une œuvre au Sony World Photography Awards, et parmi les 450 000 photos provenant de 200 pays reçues, c’est celle de Boris qui a été nommée lauréate de la catégorie Créative. Par cette action, il souhaitait attirer l’attention des organisateurs des prix et des bourses pour qu’ils modifient leurs règles et mettent en place par exemple des catégories dédiées aux images générées par l’IA. 
L’organisateur des Sony World Photography Awards a été informé que la photo lauréate a été générée par l’Intelligence artificielle, après un mois de silence, Scott Gray, fondateur et directeur général de l’Organisation mondiale de la photographie s’est exprimé :
« En tant que médium, la photographie a toujours été à l’avant-garde : en constante adaptation et évolution, elle possède une capacité singulière à se transformer et à repousser les limites. Nous nous intéressons à la photographie en tant que forme d’art et, dans le cadre des Sony World Photography Awards, nous avons nos catégories créatives qui invitent les photographes à expérimenter et à explorer le médium. Grâce aux avancées technologiques, un public plus large de créateurs s’engage dans des travaux basés sur l’objectif et nous sommes impatients de voir comment cela peut étendre la portée et l’impact de la photographie« .

Pseudomnesia, The Electrician – Boris Eldagsen

Il semblerait que pour le moment les organisateurs de prix et concours ne soient pas très à l’aise dans l’idée d’évoquer publiquement la participation d’images générées par l’IA malgré les relances de l’artiste.

La cérémonie de remise des Sony World Photography Awards aura lieu à Londres le 13 avril prochain, avant que l’exposition des lauréat·es commence son itinérance, ce sera donc peut-être l’occasion d’évoquer l’existence et la présence exponentielle d’images générées par l’IA dans ce type de concours !

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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