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Christine Ollier et son équipe ont inauguré la quatrième édition du Champ des Impossibles, ouvrant au public une vingtaine d’expositions dont la thématique centrale est le règne animal. Chaque jour, nous vous proposons le portrait d’un artiste du Parcours Art & Patrimoine en Perche .04 rédigé par Emmanuel Berck. Aujourd’hui, rencontre avec Françoise Pétrovitch expose au Château de Maison-Maugis peintures et dessins inédits.

Depuis les années 90, Françoise Pétrovitch est une figure majeure de la scène artistique française, qui façonne une œuvre puissante autour de la figure humaine, l’intime, la jeunesse et l’adolescence, l’animalité et les métamorphoses. Si le dessin est sa technique de prédilection, l’artiste ne s’y cantonne pas et multiplie les expériences – gravure et estampe, lavis, céramique, verre, peinture, sculpture, vidéo… – dans un effort d’exploration, de découverte et une remise en cause artistique continuelle.

« Le dessin est pour moi la technique la plus immédiate, explique-t-elle. J’utilise des encres de Chine diluées (« lavis ») que j’applique au pinceau sur du papier. J’aime voir l’encre se répandre sur la feuille, dans une sorte de processus d’auto-fabrication qui échapperait à la main. La technique me permet de travailler vite et sur des grands formats. L’utilisation d’autres techniques ne répond pas à une volonté de varier les modes de narration, mais plutôt à ma curiosité, à mon goût pour les expériences. Dans tous les cas, le dessin reste l’amorce de ma recherche plastique. Que cela soit en sculpture, en vidéo ou en estampe, je m’efforce de conserver la première intention dessinée. »

Extraits de la vidéo Pégase, 2022 © Françoise Pétrovitch et Hervé Plumet _ Semiose, Paris

Du dessin à l’imprimé

Après des études et un diplôme d’arts appliqués, Françoise Pétrovitch est entrée à l’École normale supérieure en arts appliqués puis est devenue enseignante à l’École Estienne (l’école du livre et du graphisme). Dans son parcours artistique, les techniques d’estampe et d’impression ont joué un rôle fondateur. « La culture de l’art imprimé me parle tout particulièrement. Le livre est facile à partager et à reproduire, donc à multiplier. Il permet de démocratiser l’accès à la culture et aux connaissances, ce qui me tient réellement à cœur. »

Ses premiers travaux sont ainsi marqués du sceau de l’imprimé : dessins, peintures, collages, monotypes et gravures sont appliqués sur des supports trouvés – cahiers d’écolier, couvertures de livres, partitions musicales ou cartes postales. Une manière de jouer avec les mots : les livres, l’écrit et le texte sont systématiquement conviés pour « faire jouer l’entre-deux du dessin et de sa légende ». Pour elle, le travail des plasticiens peut être proche de celui de l’écriture.

Plus tard, elle s’initie à la gravure en taille douce auprès de Michel Viot et l’atelier Tazé, avec qui elle continue de collaborer. Elle développe ce qui deviendra un vocabulaire plastique propre qu’elle déclinera sur différents médiums. Cette narration s’attache principalement à la figure humaine, à la jeunesse, à la beauté et à la souffrance, dans une intemporalité soulignée par l’absence de décor. Les personnages sont décontextualisés, l’artiste joue avec l’échelle et le cadrage pour multiplier les points de vue, et des motifs singuliers (gants, pieds coupés) reviennent souvent, réinterprétés en fonction du support utilisé.

Extraits de la vidéo Pégase, 2022 © Françoise Pétrovitch et Hervé Plumet _ Semiose, Paris

« Je m’intéresse à la jeunesse et à l’adolescence, car c’est l’âge des possibles et des métamorphoses. Les choses ne sont jamais fixes, les états ne sont pas définitifs, et peuvent se superposer, comme la légèreté et le drame. Mon travail est centré sur l’humain et l’intimité. Mais l’intimité, qui renvoie à l’intériorité, la psyché, recèle aussi une dimension politique puisqu’elle traduit une attention aux autres. L’Histoire de l’art me passionne. J’essaye d’enseigner à mes étudiants la liberté de créer, la nécessité de faire et de s’engager complètement dans leurs recherches. »

Au Château de Maison-Maugis, Cour-Maugis-sur-Huisne

Dans le cadre du Parcours Arts et Culture en Perche, Françoise Pétrovitch présente son travail dans deux espaces du Château de Maison-Maugis : d’une part, dans l’atelier de peinture botanique de Béatrice Saalburg est exposée une série de peintures inédites représentant des animaux, dont des chiens, singes et écureuils, ainsi que des dessins installés sur des tables de travail, dont certains ont également été produits spécialement pour l’événement.

Extraits de la vidéo Pégase, 2022 © Françoise Pétrovitch et Hervé Plumet _ Semiose, Paris

D’autre part, dans la tour du château, l’artiste projette une vidéo intitulée Pégase, réalisée (comme toutes les vidéos qu’elle produit) avec son compagnon Hervé Plumet, à partir de centaines de dessins au lavis de l’artiste, autour d’un thème central : la métamorphose. Ici, le travail évoque les surréalistes, avec des sujets qui se fondent dans le paysage, qui lui-même se transforme pour évoquer, par exemple, un papillon. Le son est partie intégrante de l’œuvre, où la musique entre en symbiose avec l’image.

Françoise Pétrovitch est installée à Verneuil-sur-Avre depuis 2019. Ses œuvres figurent dans de nombreuses collections publiques ou privées (Centre Pompidou, Paris ; National Museum of Women in the Arts, à Washington DC ; musées d’Art moderne et contemporain de Saint-Étienne et Strasbourg ; Fondations Salomon et Guerlain ; Fonds Hélène et Édouard Leclerc, …). Des expositions monographiques lui sont régulièrement consacrées, en France et à l’étranger. En 2021, le Fonds Hélène et Edouard Leclerc à Landerneau a accueilli une importante rétrospective de son œuvre et une exposition lui a été consacrée à la BnF en 2022. Françoise Pétrovitch est aujourd’hui à l’honneur d’une exposition personnelle au Musée de la Vie romantique à Paris, intitulée « Françoise Pétrovitch. Aimer. Rompre », jusqu’en septembre 2023.

Plus d’information : www.lechampdesimpossibles.com

INFORMATIONS PRATIQUES

sam29avr(avr 29)10 h 00 mindim04jui(jui 4)18 h 00 minLe Champ des Impossibles .04Le règne animalMoulin Blanchard, 11 Rue de Courboyer 61340 Perche-en-Nocé

Emmanuel Berck
Après une trentaine d’années dans la communication et la traduction, majoritairement dans le secteur des nouvelles technologies, Emmanuel Berck est devenu rédacteur indépendant en 2019. Il accompagne ainsi des entreprises dans l’élaboration de leurs stratégies éditoriales, à travers la rédaction de tribunes libres, de témoignages clients ou d’articles destinés à la presse. Il développe parallèlement une activité de pigiste pour différents magazines locaux ou nationaux, comme « Pays du Perche », « Pando » et « Profession Photographe ». Ses thèmes de prédilection sont l’environnement et la transition agricole, l’évolution climatique et la préservation de la biodiversité, et les enjeux liés à l’alimentation en circuits courts. Installé dans le Perche depuis 20 ans, il s’appuie sur un réseau d’acteurs locaux très divers qui lui permet d’analyser en profondeur les problématiques qu’il traite dans ses articles. Il aime en outre rédiger des portraits mettant en relief le travail de l’artiste ou l’artisan – le geste et les outils – son savoir-faire, son parcours et ses préoccupations actuelles. Emmanuel a réalisé 11 portraits d’artistes du Champ des impossibles.02, publiés dans l’hebdomadaire « Le Perche » durant l’été 2021. Il a également écrit deux entretiens avec deux artistes du Champ des impossibles, à paraître aux Editions Filigrane.

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