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Pour sa quatrième et dernière carte blanche, notre invité de la semaine, le galeriste parisien, Madé Taounza nous présente la revue mode « l’idiot utile » dont le numéro zéro est sorti l’été 2022 sous l’impulsion des deux cofondateurs Alexis Étienne et Hubert Crabières. Une revue dont les photographies ont été entièrement réalisées Hubert Crabières, dont le travail sera présenté par Madé au secteur CURIOSIA « images✨ » – consacré à l’émergence – lors de la 26ème édition de Paris Photo – qui se déroulera du 9 au 12 novembre au Grand Palais Ephémère.

l’idiot utile issue 0 est une revue qui aborde le vêtement, la mode, ses images, ses esthétiques, son économie et ses métiers.

Initiée par Hubert Crabières, qui réalise la direction artistique ainsi que l’ensemble des photographies et Alexis Etienne pour la direction éditoriale, Hezin O pour le design graphique et Josiane Martinho pour la direction mode, la revue l’idiot utile numéro 0 interroge le croisement des esthétiques de la commande et de la recherche personnelle.

Radicale et engagée, l’idiot utile rassemble dans ce numéro des personnalités aux démarches fortes et affirmées, des figures de l’entre-deux obligées d’inventer leurs métiers par confrontations aux limites du marché de la mode, telles que celles des créateur.ices Adeline André, Julia Heuer, Susan Fang, Diane Gaignoux, Marco Ribeiro mais aussi, pour les textes, l’autrice et artiste Fabienne Radi, le designer Wataru Tominaga, l’artiste collective Claire Fontaine, la spécialiste du design graphisque coréen Kay Jun, pour ne citer qu’eux et elles.

Les photographies d’Hubert Crabières, réalisées en grande partie à Argenteuil et ses alentours, mettent en scène de la même manière que son travail de commande, ami.es, proches, voisin.es. Elles s’amusent de l’image imprimée et de ses déclinaisons possibles dans l’instant photographique.
Alexis Etienne développe quant à lui dans ce numéro 0 un ensemble de textes qui permettent des prises de parole liées ou non aux séries photos. D’autres invitations offrent la possibilité de créations littéraires ou d’essais, la possibilité aussi de premières publications en langue anglaise (Fabienne Radi)ou en Europe (Kay Jun).

Le numéro 1, à paraître en 2024, laisse une place importante à la collaboration, sous forme d’ateliers, workshops, résidences. Nous souhaitons déplacer nos pratiques dans des contextes d’échanges et de fabrications collectives et ainsi inventer ensemble d’autres expériences de la mode. Nous voulons valoriser l’errance, la tentative, l’expérimentation, le doute, «l’erreur» etc. Le numéro 1 sera donc composé pour partie d’images réalisées lors d’invitations.
Imprimée en 500 exemplaires en Belgique, l’idiot utile accorde une place au temps long, celui de sa création, d’entretiens au long cours, mais aussi celui de sa qualité de fabrication afin de présenter un objet durable.

Maisons d’édition : ces éditions et LeMégot éditions
prix de vente : 35 euros
site internet : www.lidiotutile.com
instagram : @lidiotutile

© Hubert Crabières

Hubert Crabières (1989) est photographe. Il vit et travaille à Argenteuil dans le Val d’Oise (France). En 2019 il remporte le prix American Vintage du 34ème festival de mode, de photographie et d’accessoires de mode du festival de Hyères.
Son travail oscille entre images d’initiatives personnelles et d’autres de commandes. Il collabore avec des marques, institutions et magazines français ou internationaux comme Maison
Caron, La Gaité Lyrique, Susan Fang, Wataru Tominaga, Tank magazine, Vogue Italia, Temple magazine, Lurve magazine, etc.
Il est invité à réaliser des ateliers photographiques lors desquels il developpe des recherches autour de son projet de revue l’idiot utile (Centre Photographie Rouen Normandie, centre photographique GwinZegal…).

Alexis Etienne (1993) vit et travaille à Paris (France). Il termine un master en pratiques éditoriales en 2019. Libraire et chargé des éditions à la Fondation d’entreprise Pernod-Ricard, il a travaillé dans différents contextes culturels et auprès de plusieurs artistes. Ses réflexions sont centrées sur les particularités des textes imprimés, lus ou exposés et s’associent à une recherche toujours en cours sur les rapports entre pages et écrans.

Hezin O (1986) est designeuse graphique. Elle est basée à Séoul (Corée du Sud). Elle dirige le studio OYE depuis 2014, centré sur l’illustration, les projets imprimés et le domaine culturel. Elle a participé à différents workshops expérimentaux comme « Magical Riso » (Van Eyck, 2016, Pays-Bas) et à plusieurs programmes de résidences tels que « Door to Asia » (2016, Japon), « Designer in Residence OTIS College of Art and Design » (2018 US). Elle a présenté son travail lors de nombreuses expositions nationales et internationales.

Josiane Martinho (1995) est designeuse mode. Elle vit et travaille à Genève (Suisse). Formée à la Haute Ecole d’Arts et de Design (HEAD) à Genève, elle obtient son Bachelor en 2018 et remporte le Prix Bongénie, la même année. Après des stages chez BLESS et Y/Project, son but est désormais de développer son approche personnelle et expérimentale du vêtement – par la création, par des projets en collaboration et par le stylisme éditorial. Son travail a été publié dans divers magazines tels que Buffalo Zine, Exhibition Magazine, Schön Magazine, Leaf Magazine, Vogue Italia, Temple Magazine, etc.

Introduction du numéro 0 :

© Hubert Crabières

L’idiot utile pense et agit. Agir ou du moins travailler, nous le faisons tous•x•tes et le faisions tous•x•tes déjà, travailler souvent mal, souvent travailler dans des conditions déplaisantes ou contrain•x•tes, travailler parfois aussi à l’inverse de nos convictions. Travailler à cette revue c’était donc avant toute chose nous rajouter du travail. Que faut-il faire alors de cette ration supplémentaire ? Tenter de faire mieux, ou plus radical, ou plus franc, faire moins gratuit, faire moins formel, moins mou, moins bête. Ne pas esthétiser les luttes mais inclure des questions esthétiques aux luttes. Tenter quand même. Sous vos yeux, ce numéro zéro est déjà la preuve qu’en complet auto-financement, un magazine de mode peut rémunérer ses contributeurs•x•trices ou, autant que possible, tout faire pour ne pas leur coûter d’argent. C’est possible. Nous avons financé la revue et nous avons donc pu choisir de la composer à un rythme lent (qui s’est révélé extrêmement lent). Nous nous en excusons pour l’ensemble des personnes qui sont présentes dans les pages qui suivent mais nous ne le regrettons pas. Ce numéro zéro vient mettre fin à trois années qui auraient pu être des Années zéro, des années pour s’arrêter, pour réfléchir et bien sûr ça n’aurait pas été triste. Mais nous savons tous•x•tes à quel point les choses n’ont pas pris cette direction et déjà chacun•x•e se prépare à devoir se surpasser par choix ou sous la menace. Beaucoup de ceux•elles qui sont présent•x•es dans cette revue n’ont de toute façon pas des métiers qui leur permettent de débrayer ; cela n’aurait d’effet sur aucune structure. L’idiot utile est celui•x•celle qui a pu remarquer que parmi les métiers dits créatifs, parce qu’il•elle travaillait pour la mode ou le vêtement, le sien était sans doute l’un des moins bien syndiqués et l’un des moins protecteurs. L’ensemble des métiers dits créatifs s’inspirent depuis plusieurs années très directement de l’industrie de la mode et de ses productions. Ils ont maintenant tous•tes pris pour habitude de se financer sur ses marges dégagées (de la musique à l’art contemporain), ceux•celles qui conçoivent les vêtements et leurs images ont aujourd’hui l’avantage d’avoir la preuve que ces marges existent et qu’elles ne leur bénéficie pas.

© Hubert Crabières

L’idiot utile est un avant tout devenu pour nous une manière de rendre possible des rencontres et associations qui nécessitent, comme nous le croyons, un contexte de grande liberté pour en favoriser des formes heureuses. Nombreux sont aussi les liens qui existent ou peuvent être inventés entre les séries photos et les textes de ce numéro de l’idiot utile. Nous souhaitons que chacune des parties de la revue soit, pour les autres, le moyen d’en complexifier les enjeux esthétiques ou économiques. Contre ce milieu qui continue à célébrer les démarches romantiques et singe, défilés après défilés, les apparences des combats de société, il est manifestement trop tôt pour valoriser un nous et de réelles démarches collectives. Ce numéro acte qu’une première étape en est peut être le dialogue entre un ensemble de je, entre des expériences individuelles. Ce numéro zéro, est le moment de la simple discussion et, s’il devait prendre exemple ou modèle, il le prendrait sans doute sur les premiers mouvements féministes. [note 1] La prise de parole en groupe, un exercice d’“autocoscienza”,”consciousness raising” ou “groupe de conscience”[note 2], l’enregistrement et la transcription ou le montage, l’écoute de récits de soi, permettent de mieux connaître les formes de sa condition : ici, les formes de conditions de travail, jusqu’à les transformer. Nous remercions toutes les personnes qui ont aidé à la fabrication de l’idiot utile jusqu’à sa forme imprimée. Malgré tous nos efforts, ce numéro zéro est en deçà de nos espoirs de radicalité. L’idiot utile pense, agit et apprend tout à la fois.

[note 1] Nous pensons aux figures de Carla Lonzi, de Delphine Seyrig et de Carole Roussopoulos mais nous refusons d’incarner complètement ces mouvements plus fort(e)s et plus intelligent(e)s par le nombre.

[note 2] Giovanna Zapperi, Carla Lonzi : Un art de la vie, Critique et féminisme en Italie, Les presses du réel, 2019.

INFORMATIONS PRATIQUES

jeu09nov(nov 9)10 h 00 mindim12(nov 12)19 h 00 minParis Photo 2023Grand Palais Ephémère, Champs de Mars - 75008 Paris OrganisateurParis Photo - Reed Expositions

La Rédaction
9 Lives magazine vous accompagne au quotidien dans le monde de la photographie et de l'Image.

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