Interroger la matérialité de l’image en fusionnant photographie et marbre, tel est le défi auquel s’est attelée Dune Varela, une photographe née en 1976 qui nous convie à découvrir les fruits de sa recherche dans la merveilleuse église millénaire Notre-Dame de Courthioust (Colonard-Corubert). Cette recherche a été réalisée dans le cadre d’une résidence de 3 mois au « Champ des Impossibles » (Perche-en-Nocé), en 2019. Dune Varela est une photographe aguerrie, qui, après des études de cinéma entre Paris et New York, a d’abord réalisé des documentaires et courts-métrages, puis s’est intéressée à la photographie argentique.
Plus récemment, sa recherche l’a amené à s’affranchir du médium photographique traditionnel en deux dimensions : « L’objectif est d’apporter du relief, raconte-t-elle. Durant ma résidence, j’ai arpenté les petites routes du Perche, ses petites églises, ses forêts mystérieuses et ses paysages, magnifiés par cette lumière d’hiver si typique. J’ai aussi pris en photo des fragments de statues au Musée de Mortagne-au-Perche et à l’Ecomusée que j’ai imprimés sur des morceaux de marbre ».

Vue de l’exposition, 2021 © Olivier Steigel
Sculpter la photographie
Les grains de la photo en noir et blanc jouent avec les rainures du marbre. Des fragments de sculptures anciennes surgissent, comme dotés d’un nouveau corps. Cette mise en abîme est renforcée par la mise en scène : les morceaux de marbres imprimés sont posés à même le sol, comme des gisants regardant vers le ciel, et disséminés comme sur un site archéologique.

Vue de l’exposition, 2021 © Olivier Steigel
Dune Varela nous propose un voyage dans l’archéologie future fictionnelle qu’elle ébauche année après année, s’appuyant sur une forme très personnelle de destruction-construction qui symbolise une vision de la condition humaine. « Le fait de conserver très précautionneusement des statues antiques dans des musées, n’empêche pas l’humain de s’adonner aussi à la destruction. Les guerres, les dommages à l’environnement en attestent… Mon travail n’est pas politique en soi, mais il est forcément le reflet de ce que je perçois du monde dans lequel je vis. Je cherche à faire de la photographie une sculpture, à me réapproprier l’image en lui donnant un corps inédit. Et surtout à transmettre cette émotion que je ressens à chaque visite d’un musée archéologique. En offrant de simples fragments d’images, je laisse s’ouvrir l’imaginaire de celui ou celle qui les regardent, la possibilité d’entrer dans une autre temporalité ».
L’artiste qui a beaucoup travaillé sur le paysage et sa représentation, a également trouvé son inspiration en forêt, et particulièrement quand le brouillard hivernal plonge les promeneurs au plus profond des contes et légendes percheronnes. Quand les formes se floutent et la lumière joue avec notre imagination. « Il y a toujours une part d’invisibilité dans les œuvres d’art. Des éléments qui n’apparaissent pas au premier coup d’œil, mais qui pourtant font partie de l’artiste. Ma résidence dans le Perche m’aura permis de m’imprégner de la beauté de son relief et de sa lumière. J’ai filmé en forêt, la nuit, dans le brouillard, en jouant avec la lumière pour cacher, puis révéler, cacher à nouveau… ».
Un film également proposé aux visiteurs de l’exposition. « Je suis très heureuse d’exposer à Notre-Dame de Courthioust. Il était très important de trouver un lieu dans lequel je puisse me sentir en harmonie, voire en synergie. La mystique de cette si belle église me touche et le poids de son histoire nous engage à prendre notre temps. Mon travail qui rend hommage à l’antique, y prend tout son sens » conclut-elle.
INFORMATIONS PRATIQUES
Dans le cadre du Champ des Impossibles.02, Dune Varela expose à l’église Notre-Dame de Courthioust, tous les week-ends de 14 à 18h30.
Infos : www.lechampdesimpossibles.com