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Christine Ollier et son équipe ont inauguré la cinquième édition du Champ des Impossibles, ouvrant au public une quinzaine d’expositions dont la thématique centrale est l’enfance, l’adolescence et les épopées familiales. Chaque jour, nous vous proposons le portrait d’un artiste du Parcours Art & Patrimoine en Perche .05 rédigé par Emmanuel Berck. Aujourd’hui, nous poursuivons cette visite avec Franck Landron, créateur d’images fixes ou animées, qui propose une rétrospective de son œuvre évoquant sa vie personnelle et plongeant dans son intimité.

Se définissant lui-même comme un créateur d’images fixes ou animées, Franck Landron recourt à différentes disciplines – photographie, cinéma, peinture, … – et à l’intérieur de chacune, varie les techniques – argentique, numérique, cyanotype, platine paladium, etc. – pour obtenir les images qu’il recherche. Réalisateur et producteur, il a fondé en 1986 sa société de production Les films en hiver, avec laquelle il a produit 17 longs-métrages, dont 4 qu’il a réalisés lui-même. Il a également travaillé en tant qu’assistant ou chef opérateur sur plus de 250 films (courts-métrages, films industriels, émissions de TV, documentaires…).

Bruno © Franck Landron

A l’âge de 13 ans, Franck a reçu un appareil photo à Noël, acte fondateur d’un gigantesque travail documentaire portant sur lui et son environnement qu’il n’a de cesse d’enrichir depuis (il a créé, depuis 1971, plus de 500 000 images). « Je fais des images pour le plaisir. Des images fixes ou des images qui bougent. Si, au tirage que j’effectue moi-même, l’image photographique me suffit, je la conserve telle quelle. Sinon, j’interviens, par exemple avec de l’aquarelle, de l’encre, des pastels. Parfois, j’utilise l’aquarelle dès le départ et cela me suffit. Peu importe la technique, seul le résultat compte. Et tant que je ne suis pas satisfait, j’y reviens. Au départ, je prenais des photos au collège car je m’ennuyais profondément. Mais je ne pensais pas que je pourrais gagner de l’argent avec mes photos, j’étais plus enclin à devenir cinéaste. A partir de 2004, j’ai commencé à scanner mes négatifs et à produire les tirages que je n’avais jamais réalisés depuis 1971. Avec mon esprit scientifique et le goût de mettre les mains dans le cambouis (certainement hérité de mon père garagiste), j’aime mélanger la modernité (le scanner, les imprimantes) avec des techniques plus traditionnelles, des tirages à l’ancienne (gomme, platine-palladium, cyanotype, etc.). Tous les outils se valent pour créer des images. Je ne veux pas d’étiquettes, elles sont faites pour les épiciers ! »

Paquerolles, 1979 © Franck Landron

Et de citer Man Ray qui aimait dire : « Ce que je ne peux pas peindre, je le photographie et ce que je ne peux pas photographier, je le peins… ».

En parallèle, si l’artiste a désormais abandonné la fiction, il continue de réaliser des documentaires. Il a notamment créé une série de reportages de 52 mn. sur une dizaine de photographes, parmi lesquels figurent Sabine Weiss, Antoine d’Agata, Pierrot Men et Bernard Plossu. « Pour bien comprendre, j’ai besoin de filmer. Mais j’aime prendre mon temps, par exemple, cela fait 8 ans que je filme Bernard Plossu, mais je n’en ai pas encore fait le tour ! Avec Sabine, nous avons été en Inde et en Russie. Et j’ai bien dû passer 6 ans avec Antoine d’Agata. Pour moi le meilleur film sur un peintre est  » Le mystère Picasso » de Clouzeau. Pourquoi ? Parce qu’on le voit peindre. J’ai voulu faire pareil avec les photographes. »

Au Moulin Blanchard, Perche-en-Nocé

Exposition de Franck Landron © CatherineBoucaut / Courtesy Moulin Blanchard

Dans le cadre du Parcours Art et Patrimoine en Perche du Champ des Impossibles, Franck Landron expose environ 230 images, tirées de deux séries. La première, EX-TIME, couvre la période 1971-91. Elle a fait l’objet d’une publication en 2015 aux éditions Contrejour (qui contient 500 images) et d’une exposition à la Maison de la Photographie Robert Doisneau. La seconde, IN-TIME, démarre en 1991 et se prolonge jusqu’à aujourd’hui. L’ouvrage éponyme est publié par les éditions LOCO.

Au fil de ses images, Franck Landron raconte avec sensibilité et émotion son histoire, mais aussi celle d’une génération où l’on retrouve l’école, l’adolescence, les filles, le garage familial, la mobylette, les vacances, les sorties, la ferme des grands-parents, le cinéma… L’auteur n’ayant jamais mis de barrière dans sa photographie, son œuvre présente aussi des moments de grande intimité. Revêtant des formats différents, certaines de ces images évoquent un électrocardiogramme, avec deux images présentées l’une au dessus de l’autre et séparées par une bande rouge contenant les légendes.

Exposition de Franck Landron © CatherineBoucaut / Courtesy Moulin Blanchard

Au fil du temps, l’artiste déplace son objectif vers ses préoccupations du moment. Les études, la pension, les Beaux-Arts, section architecture, la rencontre avec sa femme, les enfants, la mort de ses parents, etc. L’exposition retrace au final 50 ans de la vie de Franck Landron. « Depuis 1971, j’ai toujours un appareil photo avec moi. Je suis aujourd’hui, comme je l’ai toujours été, Je prends des photos, mais je n’ai pas besoin de les voir tout de suite, même en numérique, j’ai juste besoin de savoir qu’elles sont là, comme pour me prouver que ce qui est sur les photos je l’ai bien vécu. Mais je travaillais dans le cinéma, j’avais d’autres préoccupations, c’est pour cela que je ne développais pas les clichés. A la fin de mon dernier long métrage (un travail très lourd à la fois en termes d’heures de travail et de finances), je me suis recentré sur mes images fixes, j’ai tiré, j’ai scanné, Bref je m’en suis occupé. J’ai trouvé maintes images oubliées et aujourd’hui je suis un peu étonné devant cette masse. Je les regarde et je me dis que j’ai vécu tout cela. »

Plus d’informations :
http://www.lechampdesimpossibles.com/
https://francklandron.fr/

INFORMATIONS PRATIQUES

sam27avr(avr 27)10 h 00 mindim02jui(jui 2)18 h 00 minLe Champ des Impossibles .05Parcours Art et Patrimoine en Perche .03Moulin Blanchard, 11 Rue de Courboyer 61340 Perche-en-Nocé

Emmanuel Berck
Après une trentaine d’années dans la communication et la traduction, majoritairement dans le secteur des nouvelles technologies, Emmanuel Berck est devenu rédacteur indépendant en 2019. Il accompagne ainsi des entreprises dans l’élaboration de leurs stratégies éditoriales, à travers la rédaction de tribunes libres, de témoignages clients ou d’articles destinés à la presse. Il développe parallèlement une activité de pigiste pour différents magazines locaux ou nationaux, comme « Pays du Perche », « Pando » et « Profession Photographe ». Ses thèmes de prédilection sont l’environnement et la transition agricole, l’évolution climatique et la préservation de la biodiversité, et les enjeux liés à l’alimentation en circuits courts. Installé dans le Perche depuis 20 ans, il s’appuie sur un réseau d’acteurs locaux très divers qui lui permet d’analyser en profondeur les problématiques qu’il traite dans ses articles. Il aime en outre rédiger des portraits mettant en relief le travail de l’artiste ou l’artisan – le geste et les outils – son savoir-faire, son parcours et ses préoccupations actuelles. Emmanuel a réalisé 11 portraits d’artistes du Champ des impossibles.02, publiés dans l’hebdomadaire « Le Perche » durant l’été 2021. Il a également écrit deux entretiens avec deux artistes du Champ des impossibles, à paraître aux Editions Filigrane.

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