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Portrait d’enfant de Benoît Pelletier « Je suis à droite sur la photo »

Cette semaine nous accueillons dans notre rubrique L’Invité·e, Benoît Pelletier fondateur et directeur artistique du magazine Process. Un magazine trimestriel dans lequel il partage son goût et ses trouvailles pour les créations dans le champ des arts visuels et du design. Process c’est également est une maison d’édition qui a publié « Ce(ux) qui reste(nt) » de Camille Gharbi et « Ce qui ne meurt jamais » de Carline Bourdelas. Jusqu’à vendredi, Benoît Pelletier va partager un peu de son univers à travers ses cartes blanches éditoriales.

J’ai réalisé assez tard, vers 18-19 ans, que le point commun entre les activités qui me procuraient le plus de satisfaction dans la vie, était le plaisir simple, basique, de trouver des idées, de créer, de déployer une vision, fugace ou réfléchie, et de la mettre en musique pour la donner à lire. Je n’ai depuis lors pas vraiment fait autre chose.
Auparavant j’avais été un enfant puis un adolescent sans problème particulier ayant grandi avec bonheur dans un bourg du nord-est en proximité immédiate de la nature.
A défaut d’idée précise, et avant d’avoir cette « révélation », j’avais entamé des études de droit, du droit public, envisagé comme une sorte d’apprentissage de culture générale, un choix un peu par défaut vaguement traditionnel dans ma famille.
C’est à la fin de mes études, menées à leur terme avec l’envie de plus en plus irrépressible de faire tout à fait autre chose, que j’ai enfin pu me rapprocher de mes aspirations naturelles en ayant l’occasion de me mettre au service d’un spécialiste de la musique classique, qui organisait des concerts, des festivals, et qui était agent de musiciens. Ensemble, nous avons créé une société et assez vite, j’ai pensé que nous avions des choses à proposer aux lieux qui accueillaient nos artistes (théâtres, salles de concert, etc) au sujet de leur identité visuelle et de leur communication. J’avais le sentiment de pouvoir en développer la vision. Nous avons assez rapidement gagné quelques marchés et notre petite entreprise s’est structurée autour de cette activité devenue centrale : imaginer, développer et maintenir dans le temps l’identité visuelle de lieux, pour la plupart culturels (théâtres, musées, lieux d’expo, etc). L’activité de l’entreprise à continuer à progresser avec plusieurs salariés jusqu’à ce que mon associé et moi-même prenions des chemins séparés en 2015. Pendant toutes ces années, et au contact de tous ces nombreux acteurs du « monde culturel », j’ai eu l’occasion d’affiner mon goût et mes connaissances d’univers artistiques qui me touchaient. Tout ça est devenu assez central dans ma vie. Une vraie préoccupation quotidienne, parallèle au développement de ma propre pratique de la photo. Pendant cette période j’avais aussi eu l’occasion de designer des magazines, avec l’envie croissante de créer le mien au fur et à mesure des idées qui s’empilaient au détour de ces commandes. Ce fut fait vers 2015 date à laquelle j’ai créé l’embryon du magazine devenu Process aujourd’hui, tout en continuant mes activités d’identités visuelles et de photo. Le projet du magazine s’est affiné et développé, et il est aujourd’hui diffusé dans nombre de lieux culturels, galeries et points de distribution choisis. De fil en aiguille, de façon naturelle, s’y est adjoint une maison d’édition, les Editions Process, qui a l’ambition de créer des livres, notamment autour de la photo, en essayant d’y apporter le soin, le regard et l’envie constante de réaliser un travail d’artisan concentré sur la qualité que nous essayons d’apporter au magazine depuis toujours. J’ai réuni ces compétences acquises au fil du temps, d’éditeur, de directeur créatif et de photographe dans une structure créée en 2017 nommée Bureau Process au sein de laquelle je compose des équipes en fonction des projets de nos clients, dans l’édition, la création de contenus, la direction artistique… Je crois que la photo, et la curiosité jamais assouvie pour la puissance d’évocation de l’image fixe, est depuis toujours un fil liant toutes ces activités.

https://benoitpelletier.com/
Magazine : https://process.vision/
Bureau : https://bureau.process.vision/
Editions : https://bureau.process.vision/editions-process/

Le portrait chinois de Benoît Pelletier

Si j’étais une œuvre d’art : « Pollen from Hazelnut » de Wolfgang Laib : quand la légèreté, la délicatesse et le presque rien savent créer une œuvre ultra puissante.
Si j’étais un musée ou une galerie : L’Orangerie. Ou comment bâtir la vie d’un musée autour d’une œuvre unique (mais quelle œuvre…)
Si j’étais un·e artiste (tous domaines confondus): Richard Serra, qui a su créer une oeuvre d’une sensibilité folle – qui se ressent physiquement – avec des matériaux extrêmement frustres. La vitesse du chemin parcouru entre la brutalité du matériau et la puissance du ressenti est fulgurante. Le tout sans un mot ou une explication. Le pur artiste.
Si j’étais un livre : « L’éloge de l’ombre » de Jun’ichirō Tanizaki car au-delà d’être une porte d’entrée sur la culture japonaise, c’est une invitation à l’ouverture des sens à laquelle on revient toujours en ayant envie d’en caresser les pages.
Si j’étais un film « The Tree of Life » de Terrence Malick, un film qui, au fur et à mesure du déroulement de son récit, s’affranchit de l’idée ce que doit être un film. Il y a là-dedans une ouverture et une liberté que je trouve séduisantes.
Si j’étais un morceau de musique : « Street Spirit » de Radiohead, parce que je serais sûr de vous embarquer avec moi.
Si j’étais une photo accrochée sur un mur : La photo d’un moment heureux, celle qui permet à un sourire de vous prendre par la main. C’est déjà beaucoup pour une image.
Si j’étais une citation :  « Le doute est père de la création » (Galilée), pour essayer d’être un peu utile aux artistes et aux créateurs de tout poil.
Si j’étais un sentiment : l’admiration, car c’est le premier pas vers la beauté avec l’humilité pour moyen de transport.
Si j’étais un objet : Le lunettes de James Turrell, pour essayer de voir la lumière, moi aussi.
Si j’étais une expo : « Daylight blue, sky blue,medium blue, yellow », d’Ann Veronica Janssens durant l’expo Dynamo au Grand Palais en 2013, parce qu’elle brouillait les contours du monde en enveloppant ses visiteurs dans la lumière.
Si j’étais un lieu d’inspiration : une zone blanche.
Si j’étais un breuvage : Le génépi que faisait mon père. Il marchait des heures dans la montagne pour cueillir les quelques brins de cette fleur nécessaires à son élaboration. On ne les trouve qu’à plus de 2000 m. La déguster, c’est déguster bien plus qu’une boisson..
Si j’étais un héros : Jacques Henri Lartigue. Certes un gosse de riche autocentré, mais un œil et une maestria absolument prodigieux. Il a eu 30 ans d’avance toute sa vie.
Si j’étais un vêtement : Un carré de soie, pour qu’on ait envie de me tenir au creux de son cou..

CARTES BLANCHES DE NOTRE INVITÉ

Carte blanche à Benoît Pelletier : Les sherpas de la photo (mardi 28 mai 2024)
Carte blanche à Benoît Pelletier : Les photographes qui m’ont tapé dans l’oeil pendant les lectures de portfolio (mercredi 29 mai 2024)
Carte blanche à Benoît Pelletier : La pérennité des tireurs argentiques (jeudi 30 mai 2024)
Coup de cœur de Benoît Pelletier : Jeremy Appert (vendredi 31 mai 2024)

La Rédaction
9 Lives magazine vous accompagne au quotidien dans le monde de la photographie et de l'Image.

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