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« Histoire(s) sans fin » est la toute dernière exposition présentée à la Galerie Le Réverbère, à Lyon. Catherine Derioz et Jacques Damez ont annoncé avant l’été la fermeture définitive de la galerie après 43 ans d’activité. Un arrêt aussi triste que brutal. Après avoir interrogé les premiers photographes de la galerie, nous poursuivons avec un nouvel entretien avec le photographe français André Forestier, représenté par la galerie depuis 1997 qui revient sur cette aventure photographique et se confie sur l’arrêt du Réverbère.

Ericka Weidmann : Pouvez-vous nous raconter votre rencontre avec Catherine et Jacques et comment avez-vous intégré la galerie ?

André Forestier : J’ai rencontré Cathy et Jacques pour la première fois en 1979. J’arrivais de Marseille sortant de l’université de Provence avec mon diplôme de photographe. J’essayais de trouver un boulot à cette époque, j’habitais Bd des frères Lumière à Monplaisir et je m’étais inscrit à la MJC du coin qui proposait une section photographie, cela m’a permis de tirer mes images noir et blanc et de devenir ensuite pendant quelque temps l’animateur photo de ce lieu. Passionné par les livres sur la photographie, j’ai entendu parler de la Librairie /Galerie le Réverbère, rue Neuve dans le centre de Lyon. J’ai remarqué dans un hall d’entrée assez étroit des images accrochées au mur. Il fallait tourner la tête à droite et à gauche pour voir les images, c’était assez sport. Au fond du couloir se trouvait une jeune femme blonde aux yeux clairs, Catherine, ainsi qu’un jeune homme aux cheveux noirs, un étrange bout d’os en pendentif autour du cou, Jacques… Nous avons échangé quelques mots sur la photographie. Hélas, n’ayant pas trouvé de travail sur Lyon, je suis revenu quelques mois plus tard sur Marseille. Nous nous sommes perdus de vue jusqu’en 1990…
Entre temps, j’étais devenu assistant d’enseignement en photographie à l’école des Beaux-Arts de Marseille, j’ai créé l’association SIte, un atelier de création photographique et présenté mon travail sur le paysage, tels que « Terres Brulées », « l’Estaque ». En 1991, j’ai retrouvé Cathy et Jacques à Marseille lors d’un court séjour pour voir mon travail, il n’était pas encore question durant cette période d’intégrer la galerie, c’était une belle relation d’amitié. Il a fallu attendre 1997 pour voir mes images accrochées à l’occasion d’une grande exposition collective sur les pentes de la Croix-Rousse, au 38 de la rue Burdeau.

Série « Sont les deux mamelles », 1993 © André Forestier / Courtesy Galerie Le Reverbère

Série « Sont les deux mamelles », 1993 © André Forestier / Courtesy Galerie Le Reverbère

Série « Sont les deux mamelles », 1993 © André Forestier / Courtesy Galerie Le Reverbère

E. W. : Que représente pour vous cette collaboration ?

A. F.: Elle fut surprenante, réjouissante, instructive. Rien ne donnait à penser à une collaboration officielle, je me contentais de leur amitié et des échanges que nous avions, il ne m’est jamais venu à l’idée d’être « représenté ».
Jusque dans les années 80/90, Je présentais mes images dans l’atelier de mon association.

Série Dépaysement – espaces verts, 1997-1999 © André Forestier / Courtesy Galerie Le Reverbère

Série Dépaysement – espaces verts, 1997-1999 © André Forestier / Courtesy Galerie Le Reverbère

Au tournant des années 90, ma production a évolué. Suite à une commande sur des paysages pour le patrimoine et la lecture du livre « Paysages photographies » de la mission photographique de la DATAR, j’ai entrepris une série d’images intitulée « Terres brulées » (sur les incendies de forêts dans le midi de la France), suivi par une série plus conceptuelle « Sont les deux mamelles » (sur l’aménagement des loisirs sportifs). Il y a eu ensuite « sculptures rurales », « le grand littoral », « Attitudes/Altitudes », « Dépaysement » … Ces années ont été fort prolifiques et riches de ruptures, j’exposais régulièrement sur Marseille et montrais mes travaux à Cathy et Jacques lors de mes déplacements lyonnais, ce qui a donné lieu à un dialogue constructif et parfois critique sur l’évolution du travail que je leur proposais de regarder. Ils ont défendu mes positions comme ma production. Mes recherches paysagères se sont orientées vers une perception « artialisée » du paysage, conciliant à la fois objectivité photographique, conceptualité et forme plastique comme « Point de chute », « Les quatre saisons du paysage », « Le grand Littoral », « Parcs nationaux » et « Ruines ». Ils m’ont toujours encouragé même pendant mes nombreuses défaillances.

Série variations paysagères © André Forestier / Courtesy Galerie Le Reverbère

Série variations paysagères © André Forestier / Courtesy Galerie Le Reverbère

Série variations paysagères © André Forestier / Courtesy Galerie Le Reverbère

E. W. : Comment voyez-vous la suite, sans Le Réverbère ?

A. F. : A 69 ans, il me reste encore toutes mes archives à explorer et à classer, à construire un site Internet, à concevoir un livre à compte d’auteur sur mon travail. Ce ne sont pas les activités qui manquent.

E. W. : Cherchez-vous une autre Galerie pour vous représenter (ou avez-vous déjà trouvé) ? Si oui, que recherchez-vous dans une collaboration avec une galerie ?

A. F. : A Marseille, il n’existe pas de galeries semblables comme le Réverbère, les lieux sont associatifs, financés exclusivement par les pouvoirs publics. Ils n’ont souvent aucune position réelle sur la photographie et n’ont pas fidélisé un public de collectionneurs. Le travail de galeriste demande une exigence rare.

INFORMATIONS PRATIQUES

ven20sep(sep 20)14 h 00 minsam28déc(déc 28)19 h 00 minHistoire(s) sans finExposition collectiveGalerie Le Réverbère, 38 rue Burdeau 69001 Lyon

A LIRE
Galeries photo : des fermetures en cascade…
La fin d’une utopie. Rencontre avec Catherine Derioz et Jacques Damez de la Galerie Le Réverbère

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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