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Partager Partager Temps de lecture estimé : 9mins« Histoire(s) sans fin » est la toute dernière exposition présentée à la Galerie Le Réverbère, à Lyon. Catherine Derioz et Jacques Damez ont annoncé avant l’été la fermeture définitive de la galerie après 43 ans d’activité. Un arrêt aussi triste que brutal. Après avoir interrogé les premiers photographes de la galerie, nous poursuivons avec un nouvel entretien avec le photographe français Serge Clément, représenté par la galerie depuis 2001 qui revient sur cette aventure photographique et se confie sur l’arrêt du Réverbère. Ericka Weidmann : Pouvez-vous nous raconter votre rencontre avec Catherine et Jacques et comment avez-vous intégré la galerie ? Serge Clément : La rencontre a lieu à Montréal en avril 2001, suite à l’invitation de Catherine Bédard du Centre culturel canadien (Paris) à rencontrer photographes, galeries et centre d’artistes au Canada. Ainsi quelques villes ont été sélectionnées, Montréal, Québec et Toronto, pour un court périple de 7-8 jours. Choix de lieux et d’artistes faites au préalable, les rendez-vous furent planifiés depuis Paris. Donc en ce qui me concerne, ce fut un rendez-vous presque raté à cause d’un fax (lu tardivement), qui devint in extremis, le dernier rdv programmé, au moment où leur avion se pose à Montréal. Deux jours plus tard, ils arrivent au studio, éreintés par un emploi du temps chargé, sans trop de répit. Ils entrent. La lumière printanière de fin de journée inonde le studio. Et là, fait inattendu pour nous trois, le rendez-vous a lieu et simultanément, le temps s’arrête (ai-je réalisé plus tard). Nous sommes dans une rencontre (qui aura marqué ma vie), la découverte de mon travail certes, tout autant que d’une communauté d’esprit et de cultures. Nous sommes photographiquement nourris aux mêmes sources. Quelques heures s’écoulent, ils repartent vers d’autres obligations, préparatifs du lendemain. Une rencontre vraie, forte a eu lieu. Toutefois, rien de décidé, rien de promis, c’est à suivre. Deux mois plus tard, je suis en France pour récupérer des tirages d’exposition à Paris. Je me rends à Lyon. Nous fixons un rdv rue Burdeau. J’y découvre leur galerie, et quelques heures plus tard leur lieu de vie, lors d’un souper familial hyper sympathique. Tôt le lendemain matin, je rentre à Paris avec une invitation à participer à leur prochaine exposition de groupe, l’expo des 20 ans de la galerie faites avec leurs collectionneurs; des duos d’œuvres : la réponse de la galerie à une photographie sélectionnée par un collectionneur. En septembre 2001, vernissage. Ils y présentent la photo d’un photographe inconnu de leurs collectionneurs et de leur public : Multi Lux – Hong Kong, 1996. Ce sera la première photo vendue ce jour-là. Rapidement, ils décident d’inclure quelques photographies à leur sélection pour Paris Photo en novembre de cette même année. Leur soutien à l’œuvre se trouve ainsi confirmé. Et nous nous retrouvons 24 ans plus tard à avoir cette discussion. Soulignons, signe de notre rencontre-histoire, la présence de Multi Lux – Hong Kong, 1996., dans la sélection pour cette ultime exposition, Histoire(s) sans fin. Multi Lux © Serge Clément E. W. : Que représente pour vous cette collaboration ? S. C.: Cette collaboration représente d’abord une présence constante de diffusion en Europe au cours des 24 dernières années, (principalement en France, Belgique et Suisse), une présence assidue auprès de collectionneurs et d’institutions principalement françaises. Ce travail de représentation de mes travaux sur le territoire français leur est principalement dû. Pour un photographe vivant au Québec, en Amérique, la durée de cette collaboration représente une opportunité rare, unique. Malgré la qualité de la photographie pratiquée au Québec, sa diffusion internationale demeure assez rare et confidentielle malheureusement. Elle a aussi offert un complément européen, au travail de diffusion effectué au Canada et au Québec par d’autres galeries, et a largement simplifié la réalisation d’expositions en Angleterre, Belgique, Pays de Galles et Allemagne. Jane © Serge Clément Canvas © Serge Clément Et j’ajouterais un aspect tout aussi essentiel que la diffusion, dû aux choix que Jacques et Catherine ont fait dès la création de la galerie; premièrement, défendre une photographie d’auteur en accord avec des choix esthétiques, moraux qu’ils portent, où rigueur, exigence, perfectionnisme et œuvre en évolution est défendu fièrement. Deuxièmement, moins d’exposition et plus de temps pour diffuser les photographes de la galerie sur le territoire français et européen. Présenter 4 expositions par année pour avoir du temps pour les photographes et la diffusion de leur production peut sembler aujourd’hui une aberration commerciale presque. 40 ans plus tard, voilà certainement un aspect assez rare chez les galeries commerciales qui ont adopté pour plusieurs un modèle américain. Et dans une perspective imprévue, l’idée d’une famille de créateurs m’a complètement surprise. Lors de ma première exposition solo à la galerie en 2003, les commentaires chaleureux des photographes de la galerie m’a étonné et réjoui. Signe manifeste de cette reconnaissance par les pairs de la galerie, Denis Roche questionne Catherine sur la possibilité de faire un échange pour une photographie qu’il « aurait aimé faire » [Hong Kong, UK, 1996 – Duo] ; ce que je m’empresse d’accepter. Quelques semaines plus tard, je me retrouve relativement sans voix dans un appel téléphonique avec lui, révélant en quelque sorte cette grande admiration pour son œuvre. © Denis Roche. 2 novembre 1984 Orléans, Auberge de la Montespan, chambre 9 © Serge Clément, Hong Kong, Chine, 1996 – Duo Ainsi depuis ce retour heureux, je peux quotidiennement apprécié ce tirage, 2 novembre 1984, Orléans, France – Auberge de la Montespan, chambre 9 (Françoise). N’était-ce pas une autre marque inestimable de mon entrée dans la famille Réverbère ? Tout aussi importante que celle des collectionneurs (privés et institutionnels) qui ont découvert et endossé cette production (et les suivantes), en faisant de nombreuses acquisitions et permettant des échanges de qualités et de pertinences. 20 ans plus tard, il y avait déjà plus de 100 photographies vendues par le Réverbère et ça a continué… et ça continue… Bond © Serge Clément Empire © Serge Clément Hudson © Serge Clément E. W. : Comment voyez-vous la suite, sans Le Réverbère ? S. C. : La suite à court terme, côté diffusion, sera en ce sens plus difficile. La distance Amérique –Europe complexifie légèrement cette suite. Les années d’expérience de Catherine, la connaissance profonde (après 24 ans de partage) de ma production tout comme le travail monumental effectué par la galerie ne se remplace pas en un tour de main. Il y a certes une reconnaissance auprès de collectionneurs et d’institutions françaises qui pourra m’aider. Toutefois la présence récurrente que m’offrait les expositions de groupe à la galerie, les expositions sous la diffusion Réverbère et quelques autres (50 expos de groupe et 18 expos solo en Europe) ne peuvent trouver rapidement un succédané. Je prendrai donc le chemin de démarchages vers des institutions et des galeries que je valorise, sans aucune assurance de résultat; en ne perdant pas de vue le temps nécessaire à la création dans ma pratique. Trouver un équilibre entre ces deux réalités essentielles à la reconnaissance des créateurs, et qui dorénavant vont reposer sur mes seules épaules : développer ma production photographique et en assurer la diffusion. Mentionnons qu’il y a, aura un entre-deux, une période de transition, d’accompagnement, au-delà de la dernière exposition à la galerie; d’une durée encore indéterminée. En ce sens, déjà en janvier prochain, je participerai à une exposition de groupe (avec Thomas Chable et Jean-Claude Palisse) à la Baxton galerie de Bruxelles, initiée de discussions entre Catherine et Marjolaine Vuarnesson. Vénissieux © Serge Clément Lumière © Serge Clément E. W. : Cherchez-vous une autre Galerie pour vous représenter (ou avez-vous déjà trouvé) ? Si oui, que recherchez-vous dans une collaboration avec une galerie ? S. C. : C’est une option que je considère effectivement, sans être dans l’urgence. L’expérience m’aura appris l’importance de la cohésion des visions de la photographie. Trouver cela ne se fait pas simplement pour quelqu’un qui n’est pas en permanence sur le territoire européen ou français. Résident à Montréal, je suis présent en Europe quelques semaines ou mois par année depuis plusieurs décennies. Au cours des dernières décennies, la situation de la photographie (et de ses développements) sur tous les territoires n’a cessé d’évoluer, de changer. Les situations sociales, politiques et économiques ont ajouté à la complexité des choix et enjeux de chaque acteur de la scène photographie. Ainsi poursuivre les discussions avec des alliés de cette scène, créer des liens forts de confiance, de partage me semble plus important dans un premier temps que de plonger sur une occasion rapide. Il m’importe de trouver un vrai partenariat et un respect mutuel pour que cela se concrétise et se développe dans la durée. Marilou © Serge Clément Parsifal © Serge Clément INFORMATIONS PRATIQUES Galerie Le Réverbère38 rue Burdeau 69001 Lyon ven20sep(sep 20)14 h 00 minsam28déc(déc 28)19 h 00 minHistoire(s) sans finExposition collectiveGalerie Le Réverbère, 38 rue Burdeau 69001 Lyon Détail de l'événementPhoto : © Denis Roche. 4 avril 1981, Gizeh, Egypte. 45 ans d’engagement en couple pour la photographie, 43 ans de galerie dont 35 au 38 rue Burdeau à Lyon : Détail de l'événement Photo : © Denis Roche. 4 avril 1981, Gizeh, Egypte. 45 ans d’engagement en couple pour la photographie, 43 ans de galerie dont 35 au 38 rue Burdeau à Lyon : une incroyable aventure vécue intensément avec ses hauts et ses bas, ses fous rires et ses colères, ses rencontres fabuleuses avec des artistes et des collectionneurs qui ont été au cœur de tous nos débats et états d’âme ! Et puis, 20 ans après l’ouverture, l’arrivée des assistant(e)s qui nous ont offert leur énergie, leurs compétences et ont accompagné cette utopie. Ouvrir, hors Paris, en 1981, une galerie indépendante consacrée uniquement à la photographie contemporaine dans tous ses « états » et la garder ouverte pendant 4 décennies étaient un pari fou mais gagné ! Enfin presque… car depuis une dizaine d’années le marché a beaucoup changé : il s’est codifié, « financiarisé » et concentré dans les mains d’un certain goût international qui ne permet plus la même liberté d’action et de choix. Nous avons tant aimé les 15 premières années de Paris Photo où galeristes, photographes, journalistes, institutionnels faisaient communauté avec l’équipe de la foire (merci à Rick Gadella et Valérie Fougeirol) grâce à des échanges confiants et libres, tous tendus vers un seul et même but : partager notre passion pour la Photographie avec les collectionneurs pionniers ou les amateurs curieux et cultivés. Nous étions plus brouillons peut-être mais créatifs, généreux et ouverts aux débats parfois musclés ! Petit à petit chacun a dû choisir sa « place ». La langue de bois s’est installée, les discours de l’art contemporain se sont appauvris et le tout culturel a gagné du terrain… Malgré notre réputation, nos commissariats payés et partagés avec les artistes pour des expos hors les murs ainsi que nos prestations intellectuelles se sont amenuisés pour quasi disparaitre après le Covid et nous obligent aujourd’hui à fermer la galerie et arrêter sa programmation à la fin de l’année 2024. Trop de services gratuits (entrée libre des expositions, déplacements peu ou pas remboursés, prêts d’œuvres sans rétribution aucune, visites commentées ou conférences gratuites, conception et coordination de l’agenda Photographie(s) Lyon & co, aide aux dossiers des artistes pour résidences, appels d’offre, candidatures à des prix …) dévorent le temps de notre équipe. Comme nous l’avait déclaré, il y a 20 ans l’adjoint à la culture de la Ville de Lyon : vous travaillez comme un vrai service plublic sans qu’on vous le demande et sans coûter un centime à la collectivité ! Et rien n’a changé ! Pourtant en 2023, nous étions soulagés d’avoir retrouvé notre chiffre d’affaires d’avant 2020 concernant la vente des œuvres. Mais les charges ont beaucoup augmenté et l’impérialisme des foires nous piège. Triste conclusion : le modèle économique d’une galerie de notre taille, sans soutien financier public ou privé, n’est plus viable. Pour finir en beauté cette dernière année dans notre galerie, après L’éblouissement des apparences de Yves Rozet, Silence de Julien Magre, nous vous invitons à découvrir Histoire(s) sans fin avec un choix d’œuvres emblématiques, rares, iconiques ou uniques de chacun de nos photographes. Sans fin car notre amour de la Photographie reste intact ainsi que notre croyance en la force créative de nos artistes qui n’ont de cesse de se remettre en cause et de creuser leur sillon avec intelligence et sensibilité. Nous continuerons autrement à imaginer des expositions, à donner à lire des œuvres, à offrir de la beauté et des émotions au public. Pour preuve la publication de l’essai de Jacques Damez : Denis Roche – L’endroit du temps en 2026 aux éditions de La Lettre volée ainsi que la sortie en 2025 chez Actes Sud dans la collection Photo Poche d’un Denis Roche préfacé par Jacques Damez. Nous vous espérons nombreux à la rentrée (du 21 septembre au 28 décembre 2024) pour partager ce bouquet final avec les artistes et qu’il vous donnera le désir de vous offrir une ou plusieurs photographies pour enrichir votre jardin intérieur. Avec le sourire et une note d’humour pour vous accueillir bientôt… Bye Buy ! Frédéric BELLAY, Arièle BONZON, Dirk BRAECKMAN, Pierre CANAGUIER, Thomas CHABLE, Serge CLÉMENT, Beatrix VON CONTA, Jacques DAMEZ, François DELADERRIÈRE, André FORESTIER, Lionel FOURNEAUX, Rip HOPKINS, William KLEIN, Géraldine LAY, Baudoin LOTIN, Jean-Claude PALISSE, Philippe PÉTREMANT, Bernard PLOSSU, Marc RIBOUD, Denis ROCHE, Yves ROZET DatesSeptembre 20 (Vendredi) 1 h 00 min - Décembre 28 (Samedi) 6 h 00 min(GMT-11:00) LieuGalerie Le Réverbère38 rue Burdeau 69001 Lyon Galerie Le Réverbère38 rue Burdeau 69001 LyonUne galerie en province. 300m2 sur les pentes de la Croix-Rousse, à Lyon. C'est le Réverbère, qu'anime un double regard aigu, exigeant et sans complaisance : celui de Catherine Dérioz et Jacques Damez, ses créateurs, dont, au fil des années, les qualités se sont faites vertus. Du mercredi au samedi de 14h à 19h et sur rendez-vous en dehors de ces horaires Get Directions CalendrierGoogleCal A LIRE Galeries photo : des fermetures en cascade… La fin d’une utopie. 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