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C’est une publicité dont la galerie nîmoise NegPos se serait bien passée. Moins de deux semaines après l’inauguration de l’exposition féministe et percutante Benzine Cyprine, signée par la photographe toulousaine Kamille Lévêque-Jégo, le centre d’art a été la cible d’un acte de vandalisme. Presque tous les tirages ont été détruits, remplacés par des graffitis obscènes – des phallus peints à même les murs. Un geste aussi lâche que révélateur. Et tristement symptomatique d’un climat de plus en plus tendu autour des prises de parole artistiques engagées.

On ne choisi pas de programmer une telle exposition sans un engagement fort. Le directeur artistique de NegPos, Patrice Loubon, a choisi de présenter ce travail audacieux, qui met en scène cinq jeunes filles formant un gang fictif, décidé à résister au machisme et à l’emprise masculine sur leurs corps, leurs vies, leurs choix. En quinze jours, cette série engagée est devenue la cible d’un retour de bâton masculiniste qui semble désormais s’assumer au grand jour.

© Kamille Lévêque Jégo

“Le but de cette exposition est surtout de célébrer une féminité flamboyante, redoutable. Une féminité qui peut aussi incarner la virilité. C’est fait au travers d’un documentaire sur un gang de femmes. Mais apparemment cela provoque la haine et le dégoût de personnes qui veulent définir et imposer ce qu’une femme doit être. Ils ne supportent pas de voir cette représentation de la femme.” – Kamille Lévêque Jégo

Ce vandalisme est une réponse violente et symbolique à la dénonciation – légitime – de la violence systémique que les femmes subissent dans le monde entier. Une réponse qui tente de faire taire. Et ce n’est pas un cas isolé. Ces derniers mois, d’autres artistes ont subi des attaques similaires. Sandra Reinflet a vu son travail pris pour cible dans une action clairement islamophobe et raciste (lire notre article ici). Gaëlle Matata, elle, a vu ses images détruites dans un contexte homophobe (notre article accessible ici). À chaque fois, des femmes photographes, des sujets engagés, des œuvres qui dérangent.

Ici, c’est encore la misogynie qui frappe. Encore la violence. Encore ce refus d’écouter, de regarder, de reconnaître. Faut-il s’habituer à cette fréquence inquiétante ? Faut-il tolérer que des œuvres qui portent des voix minorées deviennent des cibles ?
Les réseaux sociaux en sont le baromètre glaçant : il suffit de lire les commentaires sous les articles qui relaient ces attaques pour mesurer à quel point les discours de haine se banalisent. Racisme, homophobie, sexisme : les résistances aux luttes progressistes se durcissent.

Face à cela, il devient essentiel de rappeler que l’art est, plus que jamais, un acte politique. Et que celles et ceux qui osent créer, montrer, dénoncer doivent être soutenu·es. Car chaque œuvre attaquée est un message que l’on tente d’effacer. Et chaque acte de vandalisme est une tentative d’intimidation qu’il ne faut pas laisser passer.

INFORMATIONS PRATIQUES

sam12avr(avr 12)10 h 00 minven13jui(jui 13)18 h 00 minKamille Lévèque-JégoBenzine CyprineNEGPOS, 1, cours Némausus 30000 Nîmes

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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